Nestlé admet que son fournisseur thaïlandais traite ses employés comme des esclaves
Accusé depuis le mois d’août de soutenir sciemment l’esclavage qui sévit dans le milieu de la pêche en Thaïlande, Nestlé a fini par admettre « des préoccupations à propos d’abus des droits du travail et de l’Homme ».
Le 23 novembre, l’ONG Vérité a publié – sur commande de Nestlé – un rapport sur les conditions de vie des travailleurs de la filière d’approvisionnement thaïlandaise à qui le groupe achète notamment des fruits de mer pour des produits alimentaires pour les chats.
Les conclusions sont effarantes: employés « vendus » d’un capitaine de bateau à un autre, travail d’enfants, confiscation des passeports des travailleurs immigrés, agressions physiques et verbales, restriction de la liberté de mouvement des marins y compris à terre, absence de jour de repos, etc.
Certains détails font froid dans le dos. Voilà ce qu’un marin birman a confié à Vérité, après s’être échappé de son bateau:
“Parfois, le filet est trop lourd et les travailleurs sont tirés dans l’eau et disparaissent. (…) Il y a avait beaucoup de bagarres. Les gens sont fatigués, et facilement énervés. Ils se tueraient entre eux. Quand quelqu’un meurt, il est jeté à l’eau. Certains sont passés par-dessus bord. J’ai eu un accident à bord. Une poulie s’est décrochée et est tombée sur moi, elle m’a presque cassé le bras. »
Les skippers de navire semblent à peine mieux traités: « Le calcul de la paye n’est pas très clair, même pour moi. Cela fait dix ans que je travaille sur ce bateau. Je n’ai pas d’économies. Je survis à peine, et je n’ai pas de famille à charge. La vie est très dure ici. »
Tandis que cet autre skipper reconnaît qu’il n’y aucun contrôle exercé à l’embauche:
“Le processus pour trouver un job est très informel. Aucun document n’est demandé, aucune vérification, aucune recherche n’est effectuée. Vous pouvez entrer tout simplement. (…) Le contrôle des passeports est très vague. Beaucoup de travailleurs n’ont pas de passeport, pas de document. Personne ne vérifie l’âge ou d’où viennent les travailleurs, comment ils sont venus. »
Avec la publication de ce rapport, Nestlé a annoncé son intention de lutter contre ces conditions de travail grâce à une meilleure traçabilité des produits, une meilleure formation des skippers, des audits plus réguliers, etc.
Nestlé s’était pourtant défendu
En août, le géant suisse de l’alimentation Nestlé s’était pourtant défendu contre les accusations dont il faisait l’objet, à la suite d’une plainte en nom collectif aux Etats-Unis. « Le travail forcé n’a aucune place dans notre chaîne d’approvisionnement », avait indiqué le groupe dans un courriel à l’AFP.
Selon cette plainte, « Nestlé importe via un fournisseur thaïlandais, Thai Union Frozen Products PCL, plus de 28 millions de livres (12.000 tonnes) d’aliments pour animaux à base de fruits de mer pour de grandes marques vendues en Amérique dont une partie sont produits dans des conditions d’esclavage ».
Le géant suisse de l’alimentation a répondu qu’il s’appuyait sur un code obligeant ses fournisseurs à respecter les droits humains et la législation du travail.
Pour Vérité, les résultats de son enquête n’ont rien de surprenant. « Les conclusions de cette évaluation sont largement cohérentes avec les recherches antérieures de Verité et d’autres travaux d’évaluation sur le secteur des fruits de mer thaïlandais, ainsi que les rapports fait par les médias et d’autres organisations. »