La chronique de Jean-Christophe Le Duigou, économiste et syndicaliste. Démographie, évolution de la productivité et du chômage, au sujet de nos retraites, les prévisions de bruxelles sont positives !
L'encre du dangereux accord sur les retraites complémentaires n'est pas sèche que s'amorce une campagne pour, au nom de l'égalité, demander de nouveaux sacrifices aux fonctionnaires et aux salariés relevant des régimes spéciaux. Cette course sans fin au recul de l'âge de la retraite est une impasse. Pourtant, à condition que l'on porte le regard sur le long terme, l'heure n'est pas à entretenir un nouvel alarmisme en matière de retraites. Il y a même de bonnes nouvelles. Et ces dernières sont venues de Bruxelles ! Le rapport 2015 du groupe de travail sur le vieillissement, commun à la Commission européenne et aux États membres, publié avant l'été, mais curieusement enterré par les médias, estime que « la France est dans une position globalement favorable par rapport à ses partenaires européens pour faire face au vieillissement de sa population ». Serait-on allé trop loin dans l'austérité ? Selon le rapport, la France connaîtrait la baisse la plus marquée du poids des dépenses de pensions dans la richesse nationale entre 2013 et 2060 : 2,8 points de PIB. Au contraire les PaysBas verraient cette part augmenter de 1 point, l'Allemagne de 2,7 points, la Belgique de 3,3 points. L'explication est double. D'une part, la dynamique de la natalité française limiterait la dégradation du ratio de dépendance. Le nombre de personnes inactives rapporté aux actifs croîtrait plus modérément que dans les autres pays. D'autre part, le recul de l'âge de liquidation des pensions et la désindexation des pensions auraient pour conséquence une baisse plus prononcée qu'ailleurs de la couverture retraite. Grâce à des hypothèses plus favorables en matière de démographie, d'évolution de la productivité et de chômage, Bruxelles est moins alarmiste que les dernières projections du Conseil d'orientation des retraites (COR). Ce qui démontre bien où se trouvent les réponses efficaces au problème de financement des retraites. Cela n'aurait-il pas mérité quelques gros titres et le retour sur un débat dans lequel seule la vision austéritaire a trouvé place ?
L'enjeu crucial est de redonner confiance aux jeunes générations dans un système par répartition qui est de loin la meilleure garantie pour avoir demain, à horizon de trente, quarante ans, une retraite convenable assurant la continuité du niveau de vie de l'activité à la retraite. Encore faut-il que ce système réponde aux attentes, intègre des entrées plus tardives sur le marché du travail, des parcours plus chaotiques, et la mobilité professionnelle. Il faut aussi que ce système reconnaisse la pénibilité du travail sous forme d'un vrai droit à un départ anticipé à la retraite pour les salariés concernés. Les réponses aux problèmes de financement sont décisives. Qui dit 50 % de retraités en plus dans 15 ans dit nécessité de mobiliser des ressources financières en proportion et nécessité de débattre du partage de la valeur ajoutée. Sinon il faut avoir l'honnêteté de dire que l'on prépare une paupérisation dangereuse de millions de retraités ! Les salariés qui tiennent à leurs régimes de retraite souhaitent un système lisible, juste, solidaire. Ils réclament de pouvoir donner leur avis sur les orientations à retenir, les choix à opérer, la gestion du système. Cela ne passe pas par des accords élaborés au petit matin dans les étages de l'immeuble du MEDEF mais par une réouverture du débat public comme entendaient le réclamer, cette semaine, les organisations syndicales de retraités.