Cinq experts indépendants de l’ONU se sont unis pour dénoncer ensemble la législation sur l’état d’urgence et la législation sur la surveillance des télécommunications en France, qu’ils estiment attentatoire aux droits et libertés fondamentales.
Il est rare qu’ils prennent la parole collectivement pour s’adresser à un même État. Dans
une déclaration publique en commun, cinq rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme ont fustigé mardi la politique menée par la France dans le cadre de l’État d’urgence et de la lutte contre le terrorisme, craignant que les mesures adoptées soient disproportionnées et contraires aux accords internationaux.
Les cinq signataires de la déclaration sont le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye ; le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, Maina Kiai ; le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Michel Forst ; Rapporteur spécial sur la promotion et la protection desdroits de l’homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte antiterroriste, Ben Emmerson ; et Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, Joseph Cannataci.
Entre autres reproches, les experts indépendants de l’ONU s’inquiètent des possibilités de
perquisitions de données informatiques sans contrôle d’un juge, permises par l’état d’urgence, y compris dans le Cloud depuis l’ordinateur ou le smartphone du suspect. Ils rappellent que ces perquisitions qui n’ont
pas été examinées par le Conseil constitutionnel «
permettraient des perquisitions sur d’autres ordinateurs en réseaux, ce qui peut amener à la perquisition de très nombreux systèmes de stockage et équipements, de la vie sociale et activité numérique de la personne, en fonction de ce qui sera accessible depuis les équipements initiaux ».
Ils critiquent également la possibilité de blocage sur ordre de l’État de sites internet, déjà prévue par la loi contre le terrorisme de novembre 2014, mais
encore assouplie dans le cadre de l’état d’urgence, pour supprimer les maigres contrôles — le dispositif n’a toutefois jamais été utilisé, le ministère de l’Intérieur utilisant toujours la loi de 2014. «
Nous tenons à réitérer nos inquiétudes, notamment en ce qui concerne l’absence de contrôle judiciaire », écrivent les Rapporteurs spéciaux.
LA LOI SUR LA SURVEILLANCE INTERNATIONALE VILIPENDÉE
Les rapporteurs de l’ONU soulignent « les dispositions définies de manière vague – notamment la collecte de communications internationales est autorisée dans un ensemble de circonstances extrêmement vastes – et l’application de délais prolongés de conservation de ces données, sans fournir les garanties nécessaires d’une autorisation et d’un contrôle judiciaire indépendant préalables ».
Ils se disent préoccupés par « le manque de précision sur les différentes techniques de surveillance qui peuvent, ou ne peuvent pas, être utilisées, les motifs pour lesquels les informations collectées peuvent être obtenues, consultées ou analysées, et sous quelles conditions ces informations peuvent être partagées et avec qui ».