Le 10 février, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui inscrit dans la constitution l’état d’urgence actuellement en vigueur et prive de la nationalité française les personnes condamnées pour délits liés au terrorisme. Il a été adopté par 317 voix contre 199 et va maintenant être présenté au Sénat pour approbation.
Utilisant comme prétexte les attaques terroristes du 13 novembre à Paris, le Parti socialiste du président François Hollande (PS) se donne des pouvoirs extraordinaires pour gouverner la France comme un état policier. Une semaine après les attaques, le parlement avait voté l’état d’urgence pour trois mois, jusqu’au 26 février, donnant ainsi le temps au PS d’élaborer ses réformes constitutionnelles. Depuis la déclaration de l’état d’urgence, la police a effectué plus de 3.200 perquisitions administratives sans contrôle judiciaire, imposé 400 ordres d’assignation à résidence, et fermé de nombreuses mosquées et associations.
Le nouvel article 36-1 de la Constitution déclare: « L’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. »
L’état d’urgence peut être renouvelé indéfiniment, nécessitant l’approbation du parlement tous les quatre mois. Le premier ministre Manuel Valls a récemment déclaré à la BBC qu’il prolongerait l’état d’urgence « jusqu’à ce que nous soyons débarrassés de Daech, » ce qui prendrait « une génération » selon Valls.
Pendant l’état d’urgence, ajoute l’amendement: « La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements. »
Ainsi modifiée cependant, la constitution donnerait un chèque en blanc à l’Assemblée nationale pour adopter des lois donnant tous les pouvoirs désirés à la police. Cela signifie que les pouvoirs de la police en vertu de l’état d’urgence ne peuvent plus être contestés devant le Conseil constitutionnel, puisque le droit du parlement d’accorder à la police tous les pouvoirs qu’elle désire est inscrit dans la constitution même.
Après les attentats de Paris, Valls s’était senti obligé de demander au Sénat de ne pas contester l’état d’urgence devant le Conseil constitutionnel, craignant que ses mesures puissent être déclarées inconstitutionnelles.
Ces mesures ont déjà été dénoncées par des associations de droits de l’homme, car elles donnent des pouvoirs draconiens à la police et portent atteinte à des droits démocratiques fondamentaux. Récemment, Human Rights Watch et Amnesty International
ont condamné l’état d’urgence, notant que la police avait utilisé ses pouvoirs étendus de manière abusive et discriminatoire, en particulier contre les musulmans.
Catherine Haguenaud-Moizard, professeur de droit à l’université de Strasbourg, a déclaré à la station de radio RFI: « Si les Français veulent vivre dans un Etat qui respecte la primauté du droit, ils devraient être très inquiets. Parce que dès que l’état d’urgence est inscrit dans la Constitution, le gouvernement et la police auront de larges pouvoirs. »
Hollande a développé une amitié personnelle avec le dictateur militaire égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui a supervisé le massacre de milliers de manifestants après avoir renversé le président islamiste Mohamed Morsi. Haguenaud-Moizard a dit que la France allait presque aussi loin que l’Egypte « qui n’est pas un pays démocratique », ajoutant que c’était « très inquiétant ».
L’amendement accorde également à l’Etat le droit de priver les personnes ayant double nationalité reconnus coupables de «crimes terroristes» de leur nationalité française, adoptant ainsi une politique longtemps préconisée par le Front national d’extrême droite (FN). Le régime de Vichy, de collaboration avec les nazis, l’avait appliqué pendant les années 1940, privant les juifs français de leur citoyenneté avant de les déporter vers les camps de la mort.
Le fait que le PS propose une mesure aussi odieuse, dont l’effet dissuasif sur les terroristes potentiels est nul, souligne la forte dérive vers l’extrême droite de l’ensemble de l’establishment politique français. Dans le passé, lorsque l’ancien président conservateur Nicolas Sarkozy avait proposé d’adopter la déchéance de nationalité dans les cas de terrorisme, le PS, y compris Hollande et Valls, s’y était opposé.
Bien que la presse ait cherché à dépeindre la politique réactionnaire de droit et d’ordre du PS comme jouissant d’un large soutien populaire, la popularité de Hollande et des hauts responsables PS s’est effondrée de nouveau dans les sondages. Hollande est tombé à 20 pour cent d’approbation dans un sondage Ipsos-Le Point cette semaine, quatre points de moins qu’avant les attaques du 13 novembre, Valls tombant lui, à 35 pour cent.
Le PS tente en allant très à droite de renforcer son soutien dans la classe dirigeante. L’une de ses considérations est sans aucun doute le haut score attendu de la dirigeante du FN Marine Le Pen à l’élection présidentielle de l’an prochain. L’objectif du PS et de Hollande est de rivaliser avec le FN pour obtenir le soutien de la classe dirigeante et des forces de sécurité en préconisant des mesures de loi et d’ordre et en faisant appel au racisme anti musulman.
Mais la marche du PS vers l’extrême droite est aussi déterminée par des facteurs politiques et historiques plus larges. Au fur et à mesure qu’il s’engage à éliminer les droits sociaux et démocratiques fondamentaux acquis par la classe ouvrière après la Seconde Guerre mondiale il est amené, en réponse à l’escalade des tensions économiques et militaires, à réhabiliter des formes autoritaires de gouvernement.
Lors du débat sur les changements constitutionnels le mois dernier, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a dit: « on va regarder les propositions et ce qui peut être mis sur la table. Le souci du président de la République et du gouvernement, c’est de rassembler une majorité large sur un enjeu qui est d’abord celui de la protection des Français et qui doit donc dépasser les clivages habituels ». La « division habituelle » entre le PS, les conservateurs et les néo fascistes doit donc être surmontée, puisqu’ils promeuvent tous des formes de pouvoir basés sur l’Etat policier.
Le PS et ses alliés des syndicats préparent des attaques sans précédent contre les droits sociaux et des milliards d’euros de coupes sociales. Les vastes mesures d’Etat policier établissent un précédent pour intimider et attaquer la résistance sociale, alors que le PS accélère les réformes structurelles, dont l’éviscération du Code du travail, afin de stimuler considérablement la compétitivité des entreprises au détriment de la classe ouvrière.
La réforme du Code du travail qui doit être présentée à l’Assemblée nationale le mois prochain donne des pouvoirs très étendus aux syndicats et aux patrons pour négocier salaires et temps de travail et conclure des contrats d’entreprise qui violent le Code national du Travail. En bref, au vu de la colère sociale montante contre l’austérité dans la classe ouvrière, les protections du Code du travail doivent effectivement être détruites.