Commentaire : Il est toujours aussi terrifiant de constater que personne de suffisamment haut placé, dans le paysage politique actuel, ne semble avoir l’envie ou la capacité ou la possibilité ou l’humanité ou le bon sens ou le courage ou l’intelligence de se mettre du côté du peuple, des gens ordinaires, de la liberté. C’est un constat certes encore une fois sans surprise qui nous confirme que les gesticulations politiciennes confinent à la folie et que notre inconscience et notre passivité sont le signe d’une maladie désespérante que l’on croirait sans espoir de guérison. Mais pas tout à fait :
La Connaissance et la Liberté, antidotes au fascisme montant
« Je ne dis pas : il y a des fous dangereux au pouvoir – et un seul suffirait – , je dis bien : il n’y a, au pouvoir, que des fous dangereux. Tous jouent au même jeu, et cachent à l’humanité qu’ils aménagent sa mort. Sans hasard. Scientifiquement. » Michel Serres.
Aujourd’hui aura lieu le vote solennel du projet de loi renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Sous ses airs de fourre-tout ultratechnique, ce texte va entériner un fort recul de l’État de droit, faisant de l’exception post-attentats la nouvelle norme sécuritaire.
Loi après loi, la démocratie s’éloigne. Aujourd’hui aura lieu le vote solennel à l’Assemblée du projet de loi contre le terrorisme, initié par Christiane Taubira et musclé par son successeur, Jean-Jacques Urvoas. Dans le sillage du 13 novembre, l’exécutif renforce pour la énième fois l’arsenal sécuritaire, pour satisfaire les services spécialisés, sans se préoccuper d’évaluer l’efficacité des dispositifs existants. Décryptage d’un texte soutenu désormais par la droite et dont Éric Ciotti (LR), lui-même, a « exclu » de voter contre…
Perquisitions de nuit et IMSI Catcher
Habituez-vous aux perquisitions nocturnes. Après un usage sans modération de cette procédure pendant l’état d’urgence, la loi Urvoas pérennise l’extension des perquisitions de nuit aux enquêtes préliminaires et aux informations judiciaires. Elles étaient déjà autorisées dans la loi, lors d’une enquête sur une infraction en cours et sur autorisation du juge des libertés et de la détention. Pour le Syndicat de la magistrature (SM), le texte « banalise la perquisition de nuit, sans qualifier d’actuel ou d’imminent le risque d’atteinte. (…) Le risque est grand que des raisons de confort enrobées de vagues suspicions conduisent à les généraliser ».
Le texte place aussi l’utilisation d’IMSI catcher, ces antennes-relais interceptant les données de connexion, sous le contrôle du procureur. L’usage de ce matériel, qui peut capter d’anciennes données n’ayant rien à voir avec l’enquête, est contestable en soi. Le fait que le procureur en pilote l’usage, et non plus un juge d’instruction, inscrira cette technique de renseignement dans des procédures où les droits des accusés sont limités et où le magistrat est soumis au bon vouloir de l’exécutif.
Quatre heures au poste sur simple présomption
La retenue de quatre heures est un autre scandale. Le projet de loi introduit la possibilité de retenir une personne pendant quatre heures, après un simple contrôle d’identité, à condition qu’elle fasse l’objet d’une fiche S ou qu’il y ait « des raisons sérieuses de penser qu’elle est liée à des activités terroristes ». Autrement dit, une personne pourra être arrêtée, alors qu’elle ne fait pas l’objet d’une enquête judiciaire et le fait d’être fiché suffira à être déchu pour quatre heures de la liberté d’aller et venir, l’un des fondements de la démocratie. C’est d’autant plus grave que le fichier S est aussi rempli de nombreux militants politiques et syndicalistes. La même philosophie préside au nouveau dispositif d’« inspection visuelle et de fouille des bagages ». Dans un périmètre donné et pour une durée de vingt-quatre heures, le procureur pourra charger les policiers de procéder, sur les passants, à des fouilles normalement réservées aux enquêtes sur des infractions précises. Ce qui ressemble à une autorisation à peine voilée d’effectuer des contrôles au faciès.
Des assignations sous contrôle administratif
Pendant un mois, les personnes de retour de Syrie pourront être assignées à résidence et se voir interdire la sortie d’un périmètre. Là encore, contrairement à ce qu’avance l’État, les services n’étaient pas impuissants auparavant. Les « retours de Syrie » étaient très largement placés sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, lorsque le juge l’estimait nécessaire. C’est-à-dire presque tout le temps. Ce qui change, c’est que la loi met cette procédure entre les mains du ministre de l’Intérieur. Le juge administratif exercera son contrôle, certes, mais comme d’habitude « sur la base des documents imprécis et non sourcés produits par les services », dénonce le SM.
En prison, des cellules sous écoute
Le ministre de la Justice a réintroduit le volet sur le renseignement pénitentiaire, qui avait été rejeté par Christiane Taubira. La DGSI avait déjà la possibilité d’enquêter en prison. À présent, l’administration pénitentiaire aura droit à son tour d’utiliser toutes les techniques de renseignement (sonorisation de cellule, écoute téléphonique, etc.) dans l’enceinte de ses établissements. Enfin, la patte d’Urvoas est aussi présente dans la nouvelle possibilité pour une cour d’assises de prononcer une peine de perpétuité « incompressible » aux auteurs de crimes terroristes, avec une période de sûreté portée à trente ans contre vingt-deux actuellement. La cour d’assises peut également prononcer l’annulation de toute mesure d’aménagement de peine.