Commentaire : La montée en flèche de l'antibiorésistance est un phénomène mondial. La phagothérapie pourrait être d'une aide précieuse dans la lutte contre certaines bactéries surpuissantes, mais comme de bien-entendu, là ou il y a de la guérison, il y a peu de profit, et du danger, pour les laboratoires pharmaceutiques, de voir une partie de leur "clientèle" se détourner des traitements classiques pour s'orienter vers des thérapies efficaces et moins onéreuses.

La phagothérapie, qui est l'utilisation de virus, dits bactériophages, pour traiter des infections bactériennes, fait son retour comme alternative potentielle aux antibiotiques pour les bactéries devenues multirésistantes aux antibiotiques comme l'Escherichia coli ou le staphylocoque doré.

Elle a été largement utilisée dans le monde avant la découverte des antibiotiques. Abandonnée par les pays occidentaux, elle est toujours employée et développée dans les pays de l'ancienne Union Soviétique. Le 18 février s'est tenu à l'Assemblée nationale française, un colloque afin de discuter du cadre réglementaire pour réintroduire ces médicaments biologiques.

Ces virus ont une activité plus limitée que les antibiotiques, ne détruisant que certaines souches spécifiques d'une bactérie, mais ne provoquent pratiquement jamais d'effets secondaires graves, explique le Dr Alain Dublanchet qui travaille depuis plusieurs années sur la phagothérapie. Il précise avoir guéri une quinzaine de patients ces dernières années.

Le développement de la phagothérapie se heurte au manque d'intérêt des grands laboratoires parce que les phages sont issus de la nature et donc non brevetables. Quelques start-up commencent néanmoins à s'intéresser à ces bactériophages. Aucun phage n'est encore autorisé chez l'homme en raison notamment de la nécessité de procéder à des essais cliniques qui peuvent prendre de nombreuses années et qui coûtent cher, explique le Dr Jean-Paul Pirnay, de l'hôpital militaire Reine-Astrid à Bruxelles, l'un des rares hôpitaux qui travaillent sur la phagothérapie en dehors de l'ex-bloc soviétique.

Aux États-Unis, les seuls phages commercialisés actuellement sont destinés à protéger les aliments contre des infections bactériennes. L'UE a lancé en 2013 un premier projet, baptisé « Phagoburn » pour tester des phages contre des bactéries résistantes s'attaquant aux plaies de grands brûlés. Sans attendre les résultats de l'essai, l'Agence du médicament (ANSM) a donné une première autorisation de traitement à titre compassionnel en novembre 2015 pour un brûlé grave.