lundi 7 mars 2016

Solidaires des « 8 de Goodyear » (investif'action)

Jacques Kmieciak

Ils étaient 250 environ dernièrement à Rouvroy (Pas-de-Calais) pour accueillir en héros Mickaël Wamen. L'ex-délégué CGT à l'usine Goodyear d'Amiens, vient d'être condamné, comme sept autres ex-salariés du géant américain du pneumatique, à 24 mois de prison (dont neuf ferme) et aussi à cinq ans de mise à l'épreuve, pour la séquestration de deux cadres de l'entreprise. Une action menée dans le cadre du bras de fer qui a, sept ans durant, opposé les travailleurs à la multinationale. Celle-ci a finalement fermé son usine de la Somme en janvier 2014, avec à la clé 1.100 licenciements !




Ce meeting est le prétexte au lancement d’un comité local de soutien aux « 8 de Goodyear ». Son initiateur ? Jean Haja. Pour « la première fois depuis un demi-siècle, le gouvernement demande des peines de prison contre des syndicalistes qui empêchaient la fermeture de leur usine », s’indigne le maire communiste de l’ex-ville minière (8.600 habitants), soucieux de manifester sa solidarité « par une action régionale d’envergure. La justice sociale étant le fondement même de mon activité politique, je ne pouvais me contenter de signer une pétition (1). Pétition que nous tenons d’ailleurs toujours à la disposition de la population en mairie ». 


« État d’urgence à... agir ! »


A ses côtés, Mickaël Wamen rappelle les circonstances de ce combat exemplaire mené par les salariés d’un groupe qui, l’année dernier, aurait enregistré « 2,7 milliards de profit net après impôts et versé 800 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires. Le résultat le plus exceptionnel depuis 117 ans ». Cette lutte, « on ne l’a peut-être pas gagnée, mais on a donné des idées à tout le monde ». Et Mickaël Wamen de dénoncer au passage les lois sécuritaires imaginées du gouvernement Valls. Sous prétexte de combattre le jihadisme, cet arsenal répressif va « servir contre les syndicalistes. C’est scandaleux ! ». 

Pour le militant CGT, la condamnation des « 8 de Goodyear » vise à briser dans l’œuf toute velléité de contestation sociale dans un pays riche « où il y a des très riches et des très pauvres ». Aussi s’il y a « état d’urgence, c’est bien à... agir ! » Quitte à bousculer les bureaucraties syndicales ! Dans la salle, les applaudissements fusent. 



La rue de préférence aux urnes


Au pays de Benoît Broutchoux (2) ardent défenseur du syndicalisme d’action directe chère à la CGT des origines, cet appel à l’insurrection et à la grève générale illimitée trouve un écho favorable auprès d’un public composé de travailleurs, de retraités, mais aussi de jeunes, d’élus de gauche et autres syndicalistes excédés par la « politique droitière des Hollande, Valls et Macron », dénonce Jean Haja. « Le gouvernement prétend jeter des syndicalistes en prison. De quel droit ? » s’insurge Nicole Leroy, militante CGT de l’agro-alimentaire dans la ville voisine d’Hénin-Beaumont. Un scandale à mettre à l’actif de l’État français dans la mesure « où les principaux concernés avaient retiré leur plainte. Cette condamnation est une véritable déclaration de guerre au monde du travail », selon Valérie Cuvillier, professeure de collège à Rouvroy et syndiquée à la FSU. Et toutes deux d’appeler « tout le monde à descendre dans la rue à commencer par le 9 mars dans le cadre de la Journée d’action contre le projet de loi sur la réforme du Droit du travail. Il faut qu’on se bouge ». 

Même son de cloche du côté de Gautier Weinmann : « Les travailleurs doivent relever la tête, tous ensemble et en même temps. Il n’y a pas une minute à perdre, il s’agit d’organiser la riposte dans la rue . » La rue de préférence aux urnes pour ce secrétaire de section du PCF de Leforest, qui, faisant référence à l’élection présidentielle de 2017, dit « non à l’enfumage médiatique autour d’une quelconque alternance institutionnelle bidon dans plus d’un an, autour d’un sauveur suprême ! On a donné avec Hollande ! ».

Une « vraie parole ouvrière » !


Tous se séparent le moral gonflé à bloc ; l’envie d’en découdre contre « un gouvernement au service du patronat », chevillée au corps. Ce meeting a donné à Valérie Cuvillier « l’envie de continuer à se battre. Çà fait du bien ». Idem pour Nicole Leroy séduite par le « charisme » de Mickaël Wamen. Un syndicaliste porteur d’une « vraie parole ouvrière », selon Hervé Poly, le premier secrétaire de la Fédération du Pas-de-Calais du PCF, co-organisatrice de l’événement. Son « discours de haute volée et son appel à la rébellion contre les multinationales briseuses de vie, contre le capitalisme, contre la mondialisation capitaliste et tous les valets gouvernementaux « nationaux » », a tout autant conquis Gautier Weinmann encore sous le charme de cette « soirée dantesque ». 


Faire monter la « rouge » colère !


Pour Hervé Poly, « on sent monter la colère de la base, il faut lui donner un sens, mettre en mouvement la classe ouvrière et favoriser la convergence des luttes ». Pour le patron du PCF 62, cette condamnation aura peut-être du bon finalement en provoquant cette fameuse « étincelle » chère à Lénine et annonciatrice de lendemains qui chantent... Et tous d’espérer que le ressentiment populaire qui s’exprime à travers le vote en faveur de l’extrême droite dans un Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais percuté de plein fouet par la désindustrialisation, la précarisation des conditions de travail et le chômage de masse, se transforme enfin en colère « rouge » ! 


Vers une manifestation nationale ?


A Lille, Béthune ou Liévin (3), d’autres comités de soutien ont vu le jour dans le Nord-Pas-de-Calais, comme partout en France, depuis la condamnation des « 8 de Goodyear » en janvier dernier. Leurs membres convergeront le samedi 12 mars à Paris pour une réunion nationale des comités locaux (4). Il y sera décidé du principe d’une manifestation nationale d’envergure contre la répression syndicale et pour la relaxe des Goodyear. Ceux-ci ont fait appel de la décision du tribunal correctionnel d’Amiens. « La date de l’audience n’a pas encore été fixée », souligne Fiodor Rilov, leur avocat. Cette manifestation nationale devrait se dérouler ce printemps. Peut-être le 27 mai 2016 à l’occasion du procès à Bobigny (Seine-Saint-Denis) des cinq salariés d’Air France accusés d’avoir déchiré, à l’automne dernier, la chemise de cadres d’une entreprise qui venait d’annoncer un plan de restructuration visant la suppression de 2.900 emplois ?

Notes :

(1) Pétition disponible sur le web : https://www.change.org/p/françois-...
(2) Benoît Broutchoux (1879 – 1944). Avant la Première Guerre mondiale, il dirige le « Jeune Syndicat » des mineurs du Pas-de-Calais d’inspiration anarcho-syndicaliste. Il s’illustre notamment lors de la grève qui suit la catastrophe de Courrières (mars 1906, 1100 morts) en opposition au « Vieux syndicat » animé par le député-maire socialiste (SFIO) de Lens Emile Basly.
(3) Ce vendredi 11 mars à 19h, le Collectif citoyen de Liévin et environs de lutte avec les 8 de Goodyear organise un débat au Lieu autogéré (LAG), 23, rue Jean-Jaurès à Liévin.

(4) Le samedi 12 mars à 11h30 à la Bourse du travail au 3, rue du Château d’Eau à Paris (10e). 

Source : Investig’Action