À propos du bilan des 35 heures. Grandeur de la controverse, misère du scientisme
19 Octobre 2016 - 18:54 par Anne Eydoux
Le
débat sur l'évaluation des 35 heures a été rouvert après la publication
d'un rapport de l’Assemblée nationale et la mise sous le boisseau d'un
rapport de l'Igas (dont les conclusions ont toutefois été largement
reprises dans les médias). Ces deux rapports ont rappelé que les 35
heures mises en place par les lois Aubry I (1998) et Aubry II (2000) ont
créé ou sauvegardé au moins 350 000 emplois. Ce chiffrage n’est pas un
scoop car il est connu depuis plus de dix ans. Ces publications ont
pourtant suscité des réactions démesurées d'économistes libéraux,
ceux-là même qui pendant la période de mise en œuvre des 35 heures
prédisaient qu’elles allaient détruire des emplois. En septembre 2016,
Pierre Cahuc et André Zylberberg sont allés jusqu’à dénoncer le «
négationnisme économique » dont feraient preuve les économistes qui ne
partagent pas leurs analyses et utilisent d'autres méthodes que les
leurs. Les Économistes atterrés figurent parmi les premières cibles des
auteurs. La controverse autour du bilan des 35 heures devient ainsi une
nouvelle querelle des méthodes en sciences sociales, d’une violence
assez singulière de la part des économistes libéraux. Tout se passe
comme s’ils se faisaient les défenseurs d’une « science normale » (le
scientisme) aux abois. Cette note n’entend pas entrer de front dans la
querelle des méthodes en économie – et encore moins dans l’invective.
Elle a un objectif modeste, qui concerne très précisément le bilan des
35 heures et les leçons à tirer des évaluations. Elle reviendra dans un
premier temps sur le bilan des 35 heures tel qu’il s’est construit au
milieu des années 2000. Elle analysera ensuite le montage de la
contestation de ce bilan sur la base d’une « expérimentation » (le nom
est trompeur) aux conclusions fragiles, mais procédant d’une méthode
supposée constituer le one best way de la démonstration en économie.
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