La Poste : tentative de suicide, dégradation des conditions de travail et mépris du dialogue social
Une
factrice de 34 ans a tenté de se suicider le 18 octobre en avalant des
médicaments sur son lieu de travail, le bureau de Poste central de
Montpellier. La factrice faisait l’objet d’une procédure disciplinaire
pour avoir déjeuné sur son temps de tournée et était menacée de
licenciement pour faute grave, une sanction relativement lourde au
regard des faits reprochés. « Quand elle est arrivée au bureau, elle a
appris qu’elle devait former quelqu’un sur sa tournée, ce qui a pu être
interprété comme former son remplaçant après son licenciement », témoigne l’un de ses collègues.
Cette tentative de suicide intervient dans un contexte de vaste
malaise social à La Poste. En dix ans, La Poste a supprimé plus de
65 000 emplois [1], soit près d’un quart de ses effectifs ! Le bureau central de Montpellier, qui compte environ 150 salariés, hors encadrement, « a
subi une restructuration très violente il y a deux ans, avec son lot de
suppression d’emplois et de nouveaux objectifs de productivité ».
Une nouvelle réorganisation est prévue pour l’automne, mais a été
bloquée par le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail (CHSCT), où siègent élus du personnel, médecins du travail et
représentants de la direction.
En juillet, un postier de 53 ans se donnait la mort à Pontarlier (Doubs), laissant une lettre incriminant la direction. « Depuis
quelques années, La Poste a petit à petit détruit ses employés, les
vrais postiers, ceux qui avaient le contact avec les gens. En ce qui me
concerne, ils m’ont totalement détruit », écrivait-il.
Le 13 octobre, huit cabinets d’expertise en santé et travail ont décidé d’alerter le PDG de La Poste, Philippe Wahl, « sur
la dégradation des conditions de travail et le mépris du “dialogue
social” manifesté dans les différents secteurs et aux différentes
échelles du Groupe ». Une démarche exceptionnelle pour ces experts
agréés qui mènent des études sur l’état des conditions de travail et les
conséquences potentielles de réorganisation à la demande des CHSCT. « Nous
mesurons à quel point la situation est préoccupante du fait de la
rapide dégradation de l’état de santé des agents. Nous savons aussi
combien les représentants du personnel, nos mandants, se sentent démunis
en raison du refus du dialogue auquel ils doivent faire face. »
La lettre ouverte adressée au PDG pointe le rythme effréné des
réorganisations, les modèles statistiques obscurs utilisés par le
management, l’impossibilité de discuter du travail réel, la dégradation
de la qualité de service délivré aux usagers ou encore le « mépris affiché par les directions vis-à-vis des institutions représentatives du personnel ». « Les
conséquences en termes de santé au travail sont d’ores et déjà
dramatiques : le groupe La Poste continue de rencontrer des cas de
suicides au travail ; les situations de détresse individuelle ou de
conflits ouverts entre agents sont désormais fréquentes ; les
indicateurs de santé et de climat social témoignent d’une dégradation
qui [ne cesse] de s’aggraver », écrivent les huit cabinets
d’expertise. Ils n’ont, pour l’instant, reçu aucune réponse de la
direction. À Montpellier, un CHSCT extraordinaire s’est réuni suite à la
tentative de suicide et a décidé de diligenter une enquête.