Les entreprises du CAC40 ont distribué 56 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions en 2016. Un niveau record depuis la crise financière de 2008 [1]. Ce sont 13 milliards de plus qui ont été versés aux actionnaires comparé à 2015 (43 milliards d’euros). En moyenne, les grandes entreprises françaises ont ainsi redistribué 57 % de de leurs bénéfices aux actionnaires, contre 51 % en 2015.
Trois entreprises représentent à elles seules les deux tiers de ce montant : Sanofi et Total, les deux principales capitalisations boursières françaises, ainsi que Vivendi. Le groupe de médias et de divertissement a reversé en tout 9,6 milliards, dont 3,8 milliards de dividende exceptionnel ! Dans le cas de Vivendi, ces chiffres sont le résultat de l’arrivée de Vincent Bolloré, qui a puisé dans la trésorerie de Vivendi pour accroître les dividendes versés aux actionnaires – dont lui-même – ou acquérir des participations ailleurs [2].
Le groupe Sanofi (6,7 milliards de dividendes en 2016) est de son côté exposé à des affaires de sécurité sanitaire, comme celle de la Dépakine et de ses effets secondaires sur les femmes enceinte et leurs bébés, comme le rappelle Novethic,. Ces affaires pourraient lui coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros pour indemniser les victimes (lire cet article de l’Observatoire des multinationales).
Pour le pétrolier Total (5,9 milliards), les dividendes distribués chaque année constituent un pari sur sa capacité à extraire du pétrole et de gaz malgré leur rôle dans la crise climatique. C’est également autant d’argent qui ne sera pas consacré à une véritable transformation du modèle de Total pour répondre aux exigences de la transition énergétique (sur ce sujet, voir notre récent rapport Total : une stratégie climat en trompe-l’œil).
Deux fois plus de dividendes que d’investissement
Plusieurs observateurs ont souligné les risques intrinsèques à l’explosion des dividendes au détriment notamment des investissements, qui assurent la pérennité à long terme des firmes. Selon les calculs de Christian Chavagneux pour Alternatives économiques, les entreprises non financières françaises ont distribué en 2016 deux fois plus de dividendes qu’elles n’ont consacrées à l’investissement – une proportion inversée par rapport aux années 1980. Contrairement à un argument parfois invoqué, ces dividendes ne contribuent que très modérément à entretenir la prospérité de l’économie et de la société française dans son ensemble, au vu de la faible taxation du capital et du fait que plus de 50 % des actionnaires du CAC40 sont étrangers.
La hausse ininterrompue des dividendes illustre donc une nouvelle fois la manière dont les entreprises sont de plus en plus gérées uniquement dans l’intérêt immédiat de leurs actionnaires, au détriment de leur stratégie industrielle et de leurs travailleurs. Sans oublier la question de la prise en compte des coûts sociaux et environnementaux de leurs activités, qu’illustrent chacun à leur manière les exemples de Total et Sanofi.
Si, comme le rappelle Libération, les investissements et la part des salaires sont eux aussi repartis à la hausse, les profits générés par les entreprises restent très majoritairement consacrés à la rémunération du capital et des actionnaires. Malgré leurs discours sur le besoin d’investir sur le long terme, les fonds financiers comme BlackRock continuent à prioriser la distribution de dividendes. Plusieurs entreprises, dont EDF, doivent même s’endetter sur les marchés pour distribuer des dividendes, dont le premier bénéficiaire est en l’occurrence l’État actionnaire...
Olivier Petitjean