L'agence de sécurité sanitaire a mis en évidence les risques liés aux huiles minérales et incite les fabricants à adopter de nouveaux procédés.
Pâtes, riz ou lentilles sont des produits de consommation courante, a priori sains. Pourtant, selon la manière dont ils ont été conditionnés, ils pourraient s'avérer nocifs pour la santé. Dans un avis publié le 9 mai, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a en effet révélé que les huiles minérales présentes dans les encres et adhésifs des conditionnements en papier et en carton se répandent dans les aliments qui se trouvent au contact de l'emballage.
Deux catégories d'huiles constituées d'hydrocarbures sont dans le collimateur des experts : les MOAH (« mineral oil aromatic hydrocarbons ») et les MOSH (« mineral oil saturated hydrocarbons »). « Compte tenu du caractère génotoxique et mutagène mis en évidence pour certains MOAH, l'Anses estime qu'il est nécessaire de réduire en priorité la contamination des denrées alimentaires par ces composés », écrit l'Agence dans un communiqué. Avant de mener des études complémentaires pour déterminer la composition exacte de ces huiles minérales, les auteurs du rapport appellent les fabricants à agir pour « limiter l'exposition du consommateur ». Comme première mesure, l'organisme public suggère « d'utiliser des encres, colles, additifs et auxiliaires technologiques exempts de MOAH dans le procédé de fabrication des emballages en papier et carton ».
« Barrières adéquates »
Les contenants fabriqués à partir de matières recyclées sont particulièrement surveillés par l'agence, qui évoque à leur sujet une « forte contamination » due aux composants toxiques qu'ils contiennent, comme les encres et les colles. Les supports imprimés sont considérés comme l'une des principales sources d'huile minérale dans les emballages recyclés.
L'Anses incite le secteur de l'impression à chercher les moyens de changer ses méthodes de production pour utiliser des produits dépourvus de MOAH. En fait, c'est le procédé de recyclage tout entier qui est à analyser à la loupe pour comprendre à quelles étapes sont introduites des huiles minérales. Pour finir, les experts de l'Agence recommandent de renforcer les emballages en y intégrant des barrières étanches aux flux de MOAH et de MOSH. Ils suggèrent l'utilisation de revêtements comme le plastique PET, l'acrylate ou le polyamide. L'amidon est une des pistes de recherche possibles, son efficacité est aussi à l'étude.
En octobre 2015, Foodwatch avait testé une centaine d'aliments de grande consommation en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Les analyses ont montré que 60 % de ces produits contenaient des MOAH. Forte de ces résultats, l'ONG a lancé une pétition en ligne demandant à la Commission européenne la mise en place de normes pour « fixer des limites strictes à la quantité d'huiles minérales présentes dans les aliments et imposer l'utilisation de barrières adéquates pour tous les emballages en papier et carton. »
« Encres végétales »
En 2012, l'Autorité européenne de sécurité des aliments avait de son côté jugé l'exposition aux MOAH « particulièrement préoccupante ». « Notre objectif est clair : nous voulons obtenir une décision au niveau européen. Nous pensons que cela peut bouger très vite, car les choses sont en train d'évoluer », résume Mme Jacquemart.
En novembre 2016, six enseignes de la grande distribution (E. Leclerc, Carrefour, Lidl, Intermarché, Casino et Système U) se sont engagées à réduire les niveaux de MOAH et de MOSH dans les produits de leurs marques respectives.
Les 43 produits qui ne contiennent aucune barrière entre le paquet et les aliments, comme c'est le cas pour les pâtes, sont désormais constitués de fibres vierges. Une norme allemande fait pour l'instant office de référence - les produits finis ne doivent pas contenir plus de 2 milligrammes de MOSH par kilogramme, et aucun taux de MOAH ne doit être détecté. Un premier pas avant que la France légifère. « Il est urgent que les autorités publiques prennent des mesures, sinon nous sommes à la merci des engagements volontaires des uns et des autres », conclut la directrice de Foodwatch.