Les aides à l’agriculture biologique vont-elles disparaître ? Les promesses de l’État de continuer à accompagner les agriculteurs qui se lancent dans des productions biologiques, sans recours aux pesticides et engrais chimiques, ont du plomb dans l’aile. Le 20 septembre dernier, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert annonce que l’Etat se désengage des aides au maintien de l’agriculture bio, pour les transférer sur les aides à la conversion [1]. « Plus grave, c’est maintenant l’aide à la conversion qui est menacée par la négociation, opaque, qui se tient actuellement entre l’Etat et les Régions », alerte désormais la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). L’aide à la conversion pourrait être réduite de cinq à trois ans, voire même ne pas être versée dans certaines régions. Cette subvention permet aux agriculteurs qui décident de transformer leur système en bio de franchir le cap, avant de pouvoir obtenir la labellisation.
Les dotations budgétaires des régions en baisse
Pour comprendre cette situation, il faut se pencher sur le fonctionnement des aides à l’agriculture bio. C’est le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) lié à la politique agricole commune qui verse l’aide à la conversion durant les cinq premières années, puis l’aide au maintien pour cinq années supplémentaires. Ces aides du Feader sont conditionnées à un cofinancement par des aides nationales à hauteur de 25 %. Jusqu’ici, ce cofinancement national était majoritairement versé par l’Etat. En annonçant son désengagement des aides au maintien, l’Etat reporte de fait ce co-financement sur les régions.
Cela inquiète les agriculteurs bio, car les régions, qui disposent de budgets de plus en plus restreints, risquent de ne pas financer non plus les aides à la conversion. En effet, fin 2016, cinq régions avaient déjà consommé la totalité de l’enveloppe qu’ils avaient prévue pour la bio sur les six années de la programmation (2014-2020). Quatre autres l’ont consommée à plus de 80 % [2]. « Dans les régions où le dialogue est en place avec la profession agricole bio, des premières mesures et arbitrages politiques ont été pris pour limiter les dégâts et prioriser la bio dans l’allocation des fonds européens. C’est le cas notamment en Nouvelle-Aquitaine et en région Centre », illustre la Fnab.
Pourtant, en dépit de cette priorisation, les montants ne suffiront pas. Selon les calculs de la Fnab, « il manque 418 millions pour financer les aides publiques promises aux producteurs bio sur trois années, soit 140 millions d’euros par an, une goutte d’eau sur les 7,7 milliards d’euros des fonds de la politique agricole commune (PAC) ». Or, sans cofinancement national, il n’y a plus de cofinancement européen. Les aides disparaissent.
19 nouvelles fermes bio chaque jour
Fin juillet, le ministre de l’Agriculture a notifié à Bruxelles un changement d’affectation de 650 millions d’euros reçus au titre de la PAC pour financer des mesures incitatives au changement de pratiques agricoles. Mais la bio risque de n’en toucher que des miettes. Sur ces 650 millions, les régions ont réclamé à l’État 180 millions d’euros pour les aides bio, les mesures agro-écologiques et les investissements, mais leur demande est restée à ce jour lettre morte, selon la Fnab. Un sondage Ifop de décembre 2017 commandé par l’association Agir pour l’Environnement révèle pourtant que 78 % des Français souhaitent que le gouvernement réoriente massivement les subventions publiques vers le développement de l’agriculture biologique (90 % chez les sympathisants de la République en marche).
Le 11 octobre dernier, Emmanuel Macron a aussi annoncé, à mi-parcours des Etats généraux de l’alimentation, qu’il s’engageait à mettre « 200 millions d’euros pour la rémunération des services environnementaux » [3]. Or, cette somme ne figure pas dans le projet de loi de finances 2018. Si les aides à la conversion et au maintien de la bio ne sont plus soutenues politiquement, difficile de voir comment pourra être mis en œuvre l’objectif gouvernemental de passer à 50 % de produits bio et locaux dans la restauration collective d’ici 2022 [4]. Alors que 19 nouvelles fermes bio se créent chaque jour en France, en 2017, la dynamique d’installation en agriculture biologique pourrait aussi être freinée [5]. Une pétition a été mise en ligne demandant au gouvernement de s’engager à réserver 400 millions d’euros pour les paysans bio sur la période 2018-2020.
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