Vous trouverez sur ce blog, beaucoup d'articles et de vidéos d'actualité. Les points de vue présentés dans ces articles et vidéos ne sont pas forcément les miens, mais ils peuvent amener une réflexion. Chacun se fera une opinion avec autre chose que le discours formaté des politiques et des médias.Vous y trouverez aussi les réponses aux questions qui me sont posées concernant mes livres. Les thèmes de mes ouvrages sont le développement personnel et la spiritualité.
lundi 23 juillet 2012
dimanche 15 juillet 2012
samedi 14 juillet 2012
vendredi 13 juillet 2012
mercredi 11 juillet 2012
Ces projets coûteux et polémiques qui bétonnent la France et l’Europe (Bastamag)
Par Nolwenn Weiler, Rachel Knaebel, Sophie Chapelle (9 juillet 2012)
Les grands projets ne connaissent pas l’austérité : un stade à 600 millions d’euros, une autoroute à 2 milliards, une gare à 4 milliards, une centrale nucléaire à 6 milliards, un tunnel à 8 milliards, un parc de loisirs à 26 milliards... De Nantes à Moscou en passant par les Alpes ou Berlin, tour d’horizon de ces chantiers pharaoniques jugés inutiles.
L’aéroport de Notre-dame-des-Landes
Lieu : Nantes, France
Coût : 600 millions d’€ pour la collectivité
Bénéficiaire : Vinci
Prévu au Nord-Ouest de Nantes depuis 40 ans, le futur aéroport international du Grand-Ouest est ressorti des cartons dans les années 2000, sous le gouvernement Jospin. Il a été déclaré d’utilité publique en février 2008. Deux ans plus tard, l’État en confie la construction et la gestion (pour cinquante-cinq ans) au groupe de BTP Vinci, qui vante les aspects écologiques de son aéroport... Une étude économique indépendante publiée en novembre 2011 chiffre son coût pour la collectivité à 600 millions d’euros. Outre cet impact financier, les opposants à l’aéroport (réunis au sein de l’ACIPA) dénoncent la destruction de terres agricoles (44 exploitations seraient impactées dont 5 ayant leur siège dans la zone destinée à être bétonnée). L’actuel premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ancien député-maire de Nantes, est un farouche défenseur de ce projet, auquel sont opposés les membres d’Europe-écologie les Verts...
Le chantier de l’EPR
Lieu : Flamanville, France
Coût : 6 milliards d’euros
Bénéficiaire : Areva, EDF
Le réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçu et développé par Areva. Objectif : améliorer la sûreté et la rentabilité économique. Selon les opposants à l’EPR, ce type de réacteur est encore plus dangereux que les précédents, en raison de sa puissance et du combustible utilisé : le MOX, un mélange d’oxydes de plutonium et d’uranium. L’EPR, c’est aussi un gouffre financier. Les diverses malfaçons enregistrées sur le chantier de Flamanville en Normandie ont multiplié la note par deux, pour atteindre 6 milliards d’euros. Pour l’instant... Idem à Olkiluoto, en Finlande. Deux autres EPR sont actuellement en construction en Chine. Pour le collectif Stop EPR les problèmes rencontrés au moment de la construction « pourraient avoir des conséquences graves en cas de situation accidentelle ». Une étude menée par les 7 vents du Cotentin montre qu’avec 3 milliards d’Euros (la somme de départ investie dans l’EPR), on aurait pu pourvoir aux mêmes besoins énergétiques, développer des sources d’énergie locales, respectueuses de l’environnement, et créer des emplois au moins 15 fois plus nombreux et mieux répartis sur l’ensemble du territoire.
Le stade de l’OL Land
Lieu : Décines-Charpieu (Est de Lyon), France
Coût : 450 millions d’euros
Bénéficiaire : OL Group, Vinci
« L’OL Land » est un projet pharaonique concocté par Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique lyonnais, en vue de l’Euro 2016. Au menu pour 450 millions d’euros : un nouveau stade de 60 000 places, un centre d’entraînement, les bureaux du siège de l’OL Groupe, une boutique OL Stade, 7 000 places de stationnement, 8 000 mètres carrés d’immeubles de bureaux, deux hôtels de luxe… Le tout à 15 kilomètres du centre de Lyon. L’OL Groupe a sélectionné Vinci pour construire son grand stade. Mais depuis l’annonce du projet en 2007, le chantier n’a toujours pas démarré. Incapable de boucler son plan de financement qui nécessite au minimum 200 millions d’euros de fonds publics, l’OL Groupe est accusé de spéculations immobilières. La Foncière du Montout, propriétaire des terrains et dont l’OL est actionnaire majoritaire, vaudrait maintenant 200 millions d’euros pour des terrains acquis 22 millions d’euros ! L’OL Groupe se heurte également à la multiplication des recours déposés par les associations locales qui défendent la trentaine de paysans menacés d’expropriation. Depuis mai 2012, un campement a été installé sur le tracé du chantier. Le 26 juin dernier, le rapporteur public a requis devant le tribunal administratif l’invalidation de la Déclaration d’intérêt général du stade. Si la demande est suivie, elle pourrait conduire à l’arrêt des expropriations (Lire notre enquête).
Le grand stade de la Fédération française de rugby
Lieu : Évry Centre-Essonne, France
Coût : 600 millions d’euros
La Fédération française de rugby (FFR) ambitionne de devenir propriétaire de son propre stade d’ici 2017 pour y faire jouer le XV tricolore. Le coût de cet équipement de 82 000 places, doté d’un toit rétractable et d’une pelouse amovible, est estimé à 600 millions d’euros. La FFR assure « autofinancer » ce nouveau stade, mais compte néanmoins sur les collectivités locales pour se porter garantes des 450 millions d’euros d’emprunt nécessaires… et financer en prime les aménagements locaux autour du stade. Si le stade de la FFR voit le jour à Évry Centre-Essonne, à 25 kilomètres au sud de Paris, il pourrait déstabiliser l’économie de toutes les autres enceintes de la région (Stade de France, Racing 92, Stade Français, Charléty et Parc des Princes). Aménagement régional déséquilibré, utilité sociale douteuse, risques budgétaires élevés… L’inflation de stades de rugby inquiète aussi directement sur les territoires concernés. En l’absence de stratégie globale coordonnée, l’Île-de-France pourrait se transformer en cimetière « d’éléphants blancs », vastes équipements de rugby construits sans garanties pour l’avenir. Des paris inquiétants alors que les budgets publics pour l’accès au sport pour tous sont menacés (Lire notre enquête).
Une ligne de train grande vitesse entre Lyon et Turin
Lieu : Vallées de Suse, Alpes (France, Italie)
Coût : 8,5 milliards d’euros pour la partie internationale, 7 milliards d’euros pour les aménagements côté français.
Bénéficiaires : Réseau ferré de France, Réseau ferré d’Italie
Le projet de ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, dont le percement d’un tunnel de 52 km sous les Alpes, est confirmé par un accord franco-italien signé le 30 janvier 2012. Les opposants à la TAV (« Treno alta velocità », Train à grande vitesse en italien) regrettent l’absence de véritable débat public sur l’utilité de ce projet pharaonique. Et préfèrent la modernisation de la ligne « historique » qui relie déjà les deux métropoles [1]Pour les promoteurs du projet, les capacités de la ligne existante seraient trop limitées. Les « pro-TAV » tablent sur 3,5 millions de voyageurs par an. D’autres estimations, reprises par les No-Tav n’en prévoient pas plus de 500 000, soit l’équivalent de deux aller-retour TGV par jour. Sans compter les nuisances d’un tel chantier : « C’est l’équivalent de 12 pyramides de Khéops qu’il faudra déplacer et stocker en Maurienne, Belledonne et dans le Sillon alpin ! Cela représente à peu près 460 camions-benne tous les jours, pendant quinze ans », illustre le Collectif No-TAV Savoie. 18 millions de m3 de déblais qui pourraient en plus contenir des poussières d’uranium et d’amiante présents dans la roche.
Le parc de loisirs espagnol Eurovegas
Lieu : Barcelone ou Madrid, Espagne
Coût : 26,6 milliards d’euros d’€
Bénéficiaire : Las Vegas Sands
Sheldon Adelson, 16e fortune mondiale prévoit de construire à Madrid ou Barcelone un immense complexe de loisirs : 12 hôtels de villégiature de 3 000 chambres chacun, incluant casinos ou terrains de golf, pour un investissement total de 26,6 milliards d’euros. Avec, à la clé, la promesse de 164 000 emplois directs et 97 000 indirects. En échange, le milliardaire demande une remise en cause du droit du travail, la révision de la loi sur le droit des étrangers, ou encore l’exonération de cotisations à la Sécurité sociale pendant deux ans... Deux collectifs, Eurovegas No à Madrid et Aturem Eurovegas à Barcelone ont décidé d’informer les citoyens sur l’impact social, économique et urbanistique du projet du magnat de Las Vegas. D’après un rapport qu’il ont récemment publié, l’investissement public pourrait s’envoler de 950 millions à 2,5 milliards d’euros ! En plus du financement de 60 % des coûts de formation des employés, Sheldon Adelson demande aussi la construction d’une station de métro qui débouche dans le complexe, la construction de nouvelles sorties d’autoroute pour faciliter l’accès au casino, et un héliport. Au fait quelqu’un a-t-il entendu parler d’austérité ? (Lire notre enquête)
La gare souterraine Stuttgart 21
Lieu : Stuttgart, Allemagne
Coût : 4,3 milliards d’euros
Bénéficiaire : Deutsche Bahn
Lancé par la Deutsche Bahn l’année de sa privatisation, en 1994, Stuttgart 21 prévoit la démolition d’une partie de la gare actuelle de cette ville du Sud de l’Allemagne, la construction d’une nouvelle gare souterraine au même endroit et de 57 km de trajet de ligne à grande vitesse vers Ulm. Pour les opposants à Stuttgart 21, la nouvelle gare n’apportera rien à la ville, déjà desservie par plusieurs lignes à grande vitesse, vers Paris, Amsterdam, Berlin, ou Zurich. Ils contestent la disproportion du projet, son coût élevé pour les collectivités et surtout le manque de transparence qui l’a accompagné depuis son lancement, tant de la part de la Deutsche Bahn que de la municipalité. Celle-ci a rejeté en 2007 une demande de référendum local sur le sujet. De 3 milliards d’euros envisagés en 2009, le projet est passé à 4,3 milliards aujourd’hui (pour le seul volet ferroviaire), dont seulement 1, 4 milliard payés par la Deutsche Bahn. Le reste vient des pouvoirs publics. L’hostilité des Verts au projet a porté les écologistes au pouvoir dans le Land au printemps 2011, après 60 ans de règne conservateur. Mais le référendum organisé en novembre dernier par la nouvelle équipe a donné une majorité (58 %) pour la poursuite de Stuttgart 21.
Le 4ème aéroport de Berlin
Lieu : Berlin, Allemagne
Coût : au moins 1,2 milliards d’€
Le projet de construire un nouvel aéroport international pour la capitale allemande réunifiée est acté depuis 1996 entre la ville et la société aéroportuaire. Pourtant, la ville compte déjà trois aéroports. Qui ont le tort de ne pas proposer de longs courriers. Impossible aujourd’hui de voler directement de Berlin vers New York, Sydney ou Johannesburg. Les deux aéroports de la ville desservent en revanche toute l’Europe, la Russie, la Turquie et le Proche-Orient. L’Allemagne compte déjà deux grands aéroports internationaux, à Francfort, la capitale financière, et Munich. Prévue le 3 juin dernier, l’ouverture du nouvel aéroport a été reportée à ... mars 2013. Pour l’instant. En cause : les travaux de sécurité incendie, qui ne sont pas du tout terminés. Coût du retard : 580 millions d’euros supplémentaires pour la ville-État aux finances déjà très fragiles, auxquels il faut ajouter 600 millions pour les mesures de protection des riverains contre le bruit, que la société aéroportuaire n’avait pas prises avant qu’un tribunal ne l’y oblige, en juin.
L’autoroute de la forêt de Khimki.
Lieu : Moscou, Russie
Coût : 1,8 milliard d’€
Bénéficiaire : Vinci
Vinci 2 ! Notre géant national prévoit de construire un segment d’autoroute de 15 kilomètres à travers la forêt de Khimki, poumon vert de la Moscou, qui abrite sur près de 1.000 hectares, une biodiversité unique au monde. Pour un chantier estimé à 1,8 milliard d’euros, le groupe français prévoit une rente annuelle de 700 millions d’euros de péage. Malgré les violences et les arrestations arbitraires, la lutte menée par la dynamique Evgenia Chirikova est très populaire en Russie. 66% de la population serait opposée au projet autoroutier, d’autant que 11 tracés alternatifs ont été proposés par des experts indépendants. Le « Khimki Forest Movement » s’attaque également à la corruption. Selon une ONG russe, le coût de construction d’une autoroute reviendrait à 237 millions de dollars par kilomètre chez eux, alors qu’il n’en coûterait que 6 millions de dollars aux États-Unis !
+ d’infos
Un « Forum européen contre les grands projets inutiles imposés » s’est tenu à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, des 7 au 11 juillet 2012 : pour consulter le programme.
Textes : Sophie Chapelle, Rachel Knaebel, Nolwenn Weiler
Photo : © Alberte Couto
Lieu : Nantes, France
Coût : 600 millions d’€ pour la collectivité
Bénéficiaire : Vinci
Prévu au Nord-Ouest de Nantes depuis 40 ans, le futur aéroport international du Grand-Ouest est ressorti des cartons dans les années 2000, sous le gouvernement Jospin. Il a été déclaré d’utilité publique en février 2008. Deux ans plus tard, l’État en confie la construction et la gestion (pour cinquante-cinq ans) au groupe de BTP Vinci, qui vante les aspects écologiques de son aéroport... Une étude économique indépendante publiée en novembre 2011 chiffre son coût pour la collectivité à 600 millions d’euros. Outre cet impact financier, les opposants à l’aéroport (réunis au sein de l’ACIPA) dénoncent la destruction de terres agricoles (44 exploitations seraient impactées dont 5 ayant leur siège dans la zone destinée à être bétonnée). L’actuel premier ministre, Jean-Marc Ayrault, ancien député-maire de Nantes, est un farouche défenseur de ce projet, auquel sont opposés les membres d’Europe-écologie les Verts...
Le chantier de l’EPR
Lieu : Flamanville, France
Coût : 6 milliards d’euros
Bénéficiaire : Areva, EDF
Le réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçu et développé par Areva. Objectif : améliorer la sûreté et la rentabilité économique. Selon les opposants à l’EPR, ce type de réacteur est encore plus dangereux que les précédents, en raison de sa puissance et du combustible utilisé : le MOX, un mélange d’oxydes de plutonium et d’uranium. L’EPR, c’est aussi un gouffre financier. Les diverses malfaçons enregistrées sur le chantier de Flamanville en Normandie ont multiplié la note par deux, pour atteindre 6 milliards d’euros. Pour l’instant... Idem à Olkiluoto, en Finlande. Deux autres EPR sont actuellement en construction en Chine. Pour le collectif Stop EPR les problèmes rencontrés au moment de la construction « pourraient avoir des conséquences graves en cas de situation accidentelle ». Une étude menée par les 7 vents du Cotentin montre qu’avec 3 milliards d’Euros (la somme de départ investie dans l’EPR), on aurait pu pourvoir aux mêmes besoins énergétiques, développer des sources d’énergie locales, respectueuses de l’environnement, et créer des emplois au moins 15 fois plus nombreux et mieux répartis sur l’ensemble du territoire.
Le stade de l’OL Land
Lieu : Décines-Charpieu (Est de Lyon), France
Coût : 450 millions d’euros
Bénéficiaire : OL Group, Vinci
« L’OL Land » est un projet pharaonique concocté par Jean-Michel Aulas, président de l’Olympique lyonnais, en vue de l’Euro 2016. Au menu pour 450 millions d’euros : un nouveau stade de 60 000 places, un centre d’entraînement, les bureaux du siège de l’OL Groupe, une boutique OL Stade, 7 000 places de stationnement, 8 000 mètres carrés d’immeubles de bureaux, deux hôtels de luxe… Le tout à 15 kilomètres du centre de Lyon. L’OL Groupe a sélectionné Vinci pour construire son grand stade. Mais depuis l’annonce du projet en 2007, le chantier n’a toujours pas démarré. Incapable de boucler son plan de financement qui nécessite au minimum 200 millions d’euros de fonds publics, l’OL Groupe est accusé de spéculations immobilières. La Foncière du Montout, propriétaire des terrains et dont l’OL est actionnaire majoritaire, vaudrait maintenant 200 millions d’euros pour des terrains acquis 22 millions d’euros ! L’OL Groupe se heurte également à la multiplication des recours déposés par les associations locales qui défendent la trentaine de paysans menacés d’expropriation. Depuis mai 2012, un campement a été installé sur le tracé du chantier. Le 26 juin dernier, le rapporteur public a requis devant le tribunal administratif l’invalidation de la Déclaration d’intérêt général du stade. Si la demande est suivie, elle pourrait conduire à l’arrêt des expropriations (Lire notre enquête).
Le grand stade de la Fédération française de rugby
Lieu : Évry Centre-Essonne, France
Coût : 600 millions d’euros
La Fédération française de rugby (FFR) ambitionne de devenir propriétaire de son propre stade d’ici 2017 pour y faire jouer le XV tricolore. Le coût de cet équipement de 82 000 places, doté d’un toit rétractable et d’une pelouse amovible, est estimé à 600 millions d’euros. La FFR assure « autofinancer » ce nouveau stade, mais compte néanmoins sur les collectivités locales pour se porter garantes des 450 millions d’euros d’emprunt nécessaires… et financer en prime les aménagements locaux autour du stade. Si le stade de la FFR voit le jour à Évry Centre-Essonne, à 25 kilomètres au sud de Paris, il pourrait déstabiliser l’économie de toutes les autres enceintes de la région (Stade de France, Racing 92, Stade Français, Charléty et Parc des Princes). Aménagement régional déséquilibré, utilité sociale douteuse, risques budgétaires élevés… L’inflation de stades de rugby inquiète aussi directement sur les territoires concernés. En l’absence de stratégie globale coordonnée, l’Île-de-France pourrait se transformer en cimetière « d’éléphants blancs », vastes équipements de rugby construits sans garanties pour l’avenir. Des paris inquiétants alors que les budgets publics pour l’accès au sport pour tous sont menacés (Lire notre enquête).
Une ligne de train grande vitesse entre Lyon et Turin
Lieu : Vallées de Suse, Alpes (France, Italie)
Coût : 8,5 milliards d’euros pour la partie internationale, 7 milliards d’euros pour les aménagements côté français.
Bénéficiaires : Réseau ferré de France, Réseau ferré d’Italie
Le projet de ligne ferroviaire entre Lyon et Turin, dont le percement d’un tunnel de 52 km sous les Alpes, est confirmé par un accord franco-italien signé le 30 janvier 2012. Les opposants à la TAV (« Treno alta velocità », Train à grande vitesse en italien) regrettent l’absence de véritable débat public sur l’utilité de ce projet pharaonique. Et préfèrent la modernisation de la ligne « historique » qui relie déjà les deux métropoles [1]Pour les promoteurs du projet, les capacités de la ligne existante seraient trop limitées. Les « pro-TAV » tablent sur 3,5 millions de voyageurs par an. D’autres estimations, reprises par les No-Tav n’en prévoient pas plus de 500 000, soit l’équivalent de deux aller-retour TGV par jour. Sans compter les nuisances d’un tel chantier : « C’est l’équivalent de 12 pyramides de Khéops qu’il faudra déplacer et stocker en Maurienne, Belledonne et dans le Sillon alpin ! Cela représente à peu près 460 camions-benne tous les jours, pendant quinze ans », illustre le Collectif No-TAV Savoie. 18 millions de m3 de déblais qui pourraient en plus contenir des poussières d’uranium et d’amiante présents dans la roche.
Le parc de loisirs espagnol Eurovegas
Lieu : Barcelone ou Madrid, Espagne
Coût : 26,6 milliards d’euros d’€
Bénéficiaire : Las Vegas Sands
Sheldon Adelson, 16e fortune mondiale prévoit de construire à Madrid ou Barcelone un immense complexe de loisirs : 12 hôtels de villégiature de 3 000 chambres chacun, incluant casinos ou terrains de golf, pour un investissement total de 26,6 milliards d’euros. Avec, à la clé, la promesse de 164 000 emplois directs et 97 000 indirects. En échange, le milliardaire demande une remise en cause du droit du travail, la révision de la loi sur le droit des étrangers, ou encore l’exonération de cotisations à la Sécurité sociale pendant deux ans... Deux collectifs, Eurovegas No à Madrid et Aturem Eurovegas à Barcelone ont décidé d’informer les citoyens sur l’impact social, économique et urbanistique du projet du magnat de Las Vegas. D’après un rapport qu’il ont récemment publié, l’investissement public pourrait s’envoler de 950 millions à 2,5 milliards d’euros ! En plus du financement de 60 % des coûts de formation des employés, Sheldon Adelson demande aussi la construction d’une station de métro qui débouche dans le complexe, la construction de nouvelles sorties d’autoroute pour faciliter l’accès au casino, et un héliport. Au fait quelqu’un a-t-il entendu parler d’austérité ? (Lire notre enquête)
La gare souterraine Stuttgart 21
Lieu : Stuttgart, Allemagne
Coût : 4,3 milliards d’euros
Bénéficiaire : Deutsche Bahn
Lancé par la Deutsche Bahn l’année de sa privatisation, en 1994, Stuttgart 21 prévoit la démolition d’une partie de la gare actuelle de cette ville du Sud de l’Allemagne, la construction d’une nouvelle gare souterraine au même endroit et de 57 km de trajet de ligne à grande vitesse vers Ulm. Pour les opposants à Stuttgart 21, la nouvelle gare n’apportera rien à la ville, déjà desservie par plusieurs lignes à grande vitesse, vers Paris, Amsterdam, Berlin, ou Zurich. Ils contestent la disproportion du projet, son coût élevé pour les collectivités et surtout le manque de transparence qui l’a accompagné depuis son lancement, tant de la part de la Deutsche Bahn que de la municipalité. Celle-ci a rejeté en 2007 une demande de référendum local sur le sujet. De 3 milliards d’euros envisagés en 2009, le projet est passé à 4,3 milliards aujourd’hui (pour le seul volet ferroviaire), dont seulement 1, 4 milliard payés par la Deutsche Bahn. Le reste vient des pouvoirs publics. L’hostilité des Verts au projet a porté les écologistes au pouvoir dans le Land au printemps 2011, après 60 ans de règne conservateur. Mais le référendum organisé en novembre dernier par la nouvelle équipe a donné une majorité (58 %) pour la poursuite de Stuttgart 21.
Le 4ème aéroport de Berlin
Lieu : Berlin, Allemagne
Coût : au moins 1,2 milliards d’€
Le projet de construire un nouvel aéroport international pour la capitale allemande réunifiée est acté depuis 1996 entre la ville et la société aéroportuaire. Pourtant, la ville compte déjà trois aéroports. Qui ont le tort de ne pas proposer de longs courriers. Impossible aujourd’hui de voler directement de Berlin vers New York, Sydney ou Johannesburg. Les deux aéroports de la ville desservent en revanche toute l’Europe, la Russie, la Turquie et le Proche-Orient. L’Allemagne compte déjà deux grands aéroports internationaux, à Francfort, la capitale financière, et Munich. Prévue le 3 juin dernier, l’ouverture du nouvel aéroport a été reportée à ... mars 2013. Pour l’instant. En cause : les travaux de sécurité incendie, qui ne sont pas du tout terminés. Coût du retard : 580 millions d’euros supplémentaires pour la ville-État aux finances déjà très fragiles, auxquels il faut ajouter 600 millions pour les mesures de protection des riverains contre le bruit, que la société aéroportuaire n’avait pas prises avant qu’un tribunal ne l’y oblige, en juin.
L’autoroute de la forêt de Khimki.
Lieu : Moscou, Russie
Coût : 1,8 milliard d’€
Bénéficiaire : Vinci
Vinci 2 ! Notre géant national prévoit de construire un segment d’autoroute de 15 kilomètres à travers la forêt de Khimki, poumon vert de la Moscou, qui abrite sur près de 1.000 hectares, une biodiversité unique au monde. Pour un chantier estimé à 1,8 milliard d’euros, le groupe français prévoit une rente annuelle de 700 millions d’euros de péage. Malgré les violences et les arrestations arbitraires, la lutte menée par la dynamique Evgenia Chirikova est très populaire en Russie. 66% de la population serait opposée au projet autoroutier, d’autant que 11 tracés alternatifs ont été proposés par des experts indépendants. Le « Khimki Forest Movement » s’attaque également à la corruption. Selon une ONG russe, le coût de construction d’une autoroute reviendrait à 237 millions de dollars par kilomètre chez eux, alors qu’il n’en coûterait que 6 millions de dollars aux États-Unis !
+ d’infos
Un « Forum européen contre les grands projets inutiles imposés » s’est tenu à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, des 7 au 11 juillet 2012 : pour consulter le programme.
Textes : Sophie Chapelle, Rachel Knaebel, Nolwenn Weiler
Photo : © Alberte Couto
mardi 10 juillet 2012
lundi 9 juillet 2012
L’APOLOGUE DE SOCRATE ET LE BANQUIER(Conscience citoyenne responsable)
http://2ccr.unblog.fr/2012/07/05/lapologue-de-socrate-et-le-banquier/
Posté par 2ccr le 5 juillet 2012
APHRON – Je te salue Socrate et je me réjouis de te présenter Ploutos, le plus riche banquier de notre belle cité, pour ne pas dire du pays tout entier. Seuls les dieux pourraient dire ma reconnaissance envers cet homme qui, dans sa grande bonté, a daigné me consentir un prêt de mille drachmes dont j’avais un pressant besoin.
SOCRATE – Je te salue, ô maître souverain des choses et des gens.
LE BANQUIER – Maître souverain, c’est beaucoup dire. Je ne suis qu’un humble banquier qui fait bien ses affaires. Il faut le dire… et qui satisfait toujours sa clientèle. C’est bien là le secret de ma réussite.
SOCRATE – Ne sois pas aussi modeste, mon cher banquier. Il possède tout celui qui est maître du crédit. Il est plus puissant qu’un roi, l’homme qui a le pouvoir de fabriquer l’argent.
LE BANQUIER – Je fabrique de l’argent ?
SOCRATE – Bien sûr, tu as ce pouvoir inouï qui met à tes pieds tous les gouvernements de la terre. A moins que je ne me trompe, moi qui ne suis qu’un ignorant.
LE BANQUIER – Certes, tu te trompes, et lourdement encore. Non, c’est l’Etat qui crée les pièces et les billets. Moi, je recueille l’argent que les honnêtes travailleurs me confient. J’enferme le fruit de leur épargne dans mes coffres et lorsque quelqu’un présentant de bonnes garanties, comme mon ami Aphron, vient me demander un prêt, je le lui accorde en puisant dans cette réserve, moyennant un modeste intérêt pour ma peine, cela va de soi.
SOCRATE – Ainsi, l’argent que l’on dépose chez toi est le même que celui que tu prêtes.
LE BANQUIER – Evidemment, Socrate, où veux tu en venir ?
SOCRATE – A ceci, admettons qu’une nouvelle banque soit créée et que dix personnes viennent déposer mille drachmes. Le nouveau banquier aura donc 10.000 drachmes en caisse.
LE BANQUIER – Oui.
SOCRATE – Supposons encore qu’un onzième citoyen vienne emprunter 1000 drachmes, la banque lui ouvrira un compte crédité de ce montant.
LE BANQUIER – C’est bien ainsi.
SOCRATE – Et si un des déposants veut ensuite retirer ses mille drachmes, montant de son compte, le banquier lui dira : « Non, je ne vous en donne que 900 car j’ai prêté 1000 drachmes à une tierce personne, donc j’ai retiré 100 drachmes à chaque déposant.
LE BANQUIER – Mais non, Socrate, un tel banquier ferait faillite.
SOCRATE – Pourtant, si l’argent emprunté est le même que l’argent déposé, ce que le banquier prête, il doit le retirer de sa caisse.
LE BANQUIER - Oui.
SOCRATE – Or, sa caisse est composée de l’ensemble des dépôts plus un petit capital de départ bien vite évanoui. Donc il doit diminuer les comptes des déposants s’il veut prêter.
LE BANQUIER – En fait, ce n’est pas ainsi que l’on opère, le banquier est à peu près sur que tous les déposants ne retireront pas leur avoir en même temps. C’est en se basant sur ce fait qu’il peut prêter, sans diminuer les comptes.
SOCRATE – Belle réponse, en vérité et qui semble confirmer la thèse que le banquier ne fabrique pas d’argent. Mais écoute encore ceci. Les déposants utilisent leur compte en banque, sans pour autant retirer des pièces.
LE BANQUIER – Oui, par le moyen de chèques, ils m’ordonnent de passer de l’argent d’un compte à un autre. Ainsi, sans retirer d’argent, ils paient leurs dettes.
SOCRATE - Fort bien. Donc l’argent déposé sert à payer, sans retirer de pièces de la banque, il suffit d’un simple ordre de transfert d’un compte à un autre.
LE BANQUIER – C’est cela.
SOCRATE – Donc cet argent existe.
LE BANQUIER – C’est ridiculement vrai.
SOCRATE – Mais l’argent emprunté sert également à payer des dettes et on l’utilise comme celui des compte de dépôts, par des ordres de transfert d’un compte à un autre.
LE BANQUIER – Oui.
SOCRATE – L’argent emprunté existe donc aussi, mais comme il sert à des opérations différentes de celles des comptes de dépôt, il a une existence indépendante. J’en conclus que l’argent déposé et l’argent emprunté sont deux choses différentes. Comme on ne t’a fourni que le premier, tu as fabriqué le second.
LE BANQUIER – Mais enfin, c’est absurde : moi, banquier, je reçois 10.000 drachmes de mes déposants en bonnes pièces frappées par l’Etat. Lorsque je prête, les 10.000 pièces n’ont pas augmenté, ce sont toujours les mêmes.
SOCRATE - C’est on ne peut plus vrai.
LE BANQUIER – Donc je n’ai pas créé de monnaie.
SOCRATE – En es tu bien sûr, peux-tu me dire ce qu’est la monnaie ?
LE BANQUIER – La monnaie est un signe qui représente un pouvoir d’achat.
SOCRATE – Si je comprends bien, tout signe quel qu’il soit, quelle que soit sa nature, est de la monnaie s’il représente un pouvoir d’achat.
LE BANQUIER – C’est bien cela.
SOCRATE – Donc si nous découvrons que tu as augmenté le pouvoir d’achat, tu conviendras que tu as fabriqué de la monnaie.
LE BANQUIER – Je pourrais difficilement le nier.
SOCRATE – Supposons que les dix déposants de tout à l’heure et l’emprunteur veuillent acheter chacun un nouveau cheval. L’animal coûte 1000 drachmes la pièce, ils s’adressent à un maquignon qui décide d’ouvrir un compte dans la même banque. Que va-t-il se passer ?
LE BANQUIER - La chose est simple. Les onze hommes m’adresseront un ordre de transférer le montant total de leur compte au compte de leur créancier.
SOCRATE - Donc les onze hommes seront débités chacun de 1000 drachmes et le douzième sera crédité de 11.000 drachmes.
LE BANQUIER – Certes.
SOCRATE – Cependant, tu n’as toujours que 10.000 drachmes en pièces dans ta caisse.
LE BANQUIER – Évidemment.
SOCRATE – D’où viennent donc les 1000 drachmes supplémentaires, si tu ne les as pas créés. Tu vois bien que tu as fabriqué pour mille drachmes de pouvoir d’achat supplémentaire, puisque cette somme a servi à acheter un cheval qui, sans toi, serait resté entre les mains du maquignon.
LE BANQUIER – Par Zeus, Socrate, je ne sais plus que te répondre.
« Si les gens de cette nation comprenaient notre système bancaire et monétaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin »…H.FORD
dimanche 8 juillet 2012
Quand le discours managérial se fait de plus en plus totalitaire (Bastamag)
http://www.bastamag.net/article2516.html
Par Ivan du Roy (28 juin 2012)
Une publicité parue en pleine page du Monde résume parfaitement la vision du monde que nous impose l’oligarchie économique. L’humain et la nature ne sont qu’un capital, des chiffres et des courbes à gérer. L’entreprise, au contraire, c’est la vie, avec un ADN. La vie dont il faut prendre soin dans l’environnement des marchés.
C’est une pleine page du Monde [1]. Une page de publicité que d’habitude on tourne sans voir. Là le regard s’attarde. Des lettres, des mots retiennent l’attention, provoquent un léger frisson. Leur sens prend corps, vaguement dérangeant. Puis clairement inquiétant. D’abord : « Air Liquide : Le Lauréat du Trophée du Capital Humain 2012. » Ensuite, cette citation mise en valeur : « La compétence, la performance et la motivation des collaborateurs sont une caractéristique majeure de l’ADN de l’entreprise. » Les mots s’entrechoquent. Capital humain, ADN de l’entreprise. Les images se bousculent. Leur signification se précise.
L’entreprise, ce sont des molécules, ce sont des gènes, ce sont des cellules, c’est une histoire biologique. Un ADN. Un organisme. C’est la vie. La Vie dont il faut forcément prendre soin.
L’humain est un capital. Un capital, cela se dépense, cela s’accumule. Cela se place. Cela se dilapide. Ce doit être rentable, cela doit rapporter. Ce sont des chiffres. Ce sont des additions. Ce sont des courbes. Ce sont des taux. Au service de l’entreprise, au service de la Vie. Capital humain, ADN de l’entreprise.
L’auteur de la citation s’appelle François Abrial. Mais son nom importe peu. Lui aussi fait partie du capital humain. Un numéro parmi d’autres, proche du sommet de la pyramide, certes, mais quantité négligeable dans le cycle de vie qu’est l’entreprise. Sa fonction pèse davantage : le DRH du groupe, une fonction vitale pour l’organisme vivant qu’est devenu Air Liquide.
Ce n’est pas l’humain François Abrial qui s’exprime dans le publi-interview. C’est le gestionnaire du capital (humain). Il répond avec autant de vie, de chaleur, de philosophie et de clarté qu’un bilan comptable. Lisez plutôt : « Le programme Alma (âme en espagnol, ndlr) fédère les collaborateurs du Groupe autour d’une ambition et d’objectifs communs. Il s’agit de saisir toutes les opportunités d’un monde qui change. Pour anticiper les transformations de ses marchés. Air liquide a choisi de réaffirmer son ambition (…) en se dotant d’objectifs à moyen terme et en définissant une stratégie pour atteindre ces objectifs. »
On pourrait s’amuser à inverser les mots pour démontrer le vide du propos. Par exemple : « Il s’agit de saisir toutes les transformations des marchés. Pour anticiper les opportunités d’un monde commun » ou « Air liquide a choisi de réaffirmer ses objectifs (…) en se dotant d’une stratégie à moyen terme et en définissant une ambition pour atteindre ces objectifs. » Discours managérial type. Mots creux, mots uniformes, mots substituables. Langage totalitaire. Oppressant. Il ne laisse aucune prise, aucun point d’appui. Aucune discussion. Aucune interrogation. Ceux et celles qui le reçoivent, les 46 200 collaborateurs (le capital) du Groupe (l’ADN), ne peuvent qu’acquiescer.
L’ensemble de l’entretien – une demi-page – est une mine inépuisable pour ce genre d’exercice. D’ailleurs, une fois qu’il l’a parcouru, un lecteur ne connaissant pas Air liquide ne sait toujours pas ce que fait cette entreprise. Quelle est son activité, son utilité ? Est-ce finalement si important ? [2]
L’essentiel n’est pas là. Mais dans ce qu’on y apprend vraiment. En plus d’un ADN, l’entreprise a une âme. Cette âme, c’est son programme de gestion des ressources humaines Alma. Et quand on invoque le groupe, on l’écrit avec un G majuscule, un G tout-puissant. Comme État. Comme Dieu. Au service de cette puissance, l’humain n’est qu’employabilité, performance, motivation, compétence, expertise. Un capital humain dont il faut modeler les comportements, les attitudes, quitte à les récompenser.
Cette publicité, ces mots, résument à eux seuls la vision – l’idéologie – qui domine le monde. Qui domine les salariés. Qui domine les citoyens des États endettés auprès des marchés. Qui domine la démocratie. Qui domine la nature. Ou tente de le faire. Avec la complicité consciente ou inconsciente de ses sponsors (HEC, mais aussi Le Point et Le Monde [3]). « Ces mots, il faut les combattre, parce qu’ils ne sont pas inoffensifs. Ils modifient profondément notre réalité et nous font penser différemment », rappelle Franck Lepage, spécialiste en matière de décryptage de langue de bois, de langue totalitaire. Il est temps que la vie, la vraie, reprenne ses droits.
Ivan du Roy
Image : CC Occupy Design
L’entreprise, ce sont des molécules, ce sont des gènes, ce sont des cellules, c’est une histoire biologique. Un ADN. Un organisme. C’est la vie. La Vie dont il faut forcément prendre soin.
L’humain est un capital. Un capital, cela se dépense, cela s’accumule. Cela se place. Cela se dilapide. Ce doit être rentable, cela doit rapporter. Ce sont des chiffres. Ce sont des additions. Ce sont des courbes. Ce sont des taux. Au service de l’entreprise, au service de la Vie. Capital humain, ADN de l’entreprise.
L’auteur de la citation s’appelle François Abrial. Mais son nom importe peu. Lui aussi fait partie du capital humain. Un numéro parmi d’autres, proche du sommet de la pyramide, certes, mais quantité négligeable dans le cycle de vie qu’est l’entreprise. Sa fonction pèse davantage : le DRH du groupe, une fonction vitale pour l’organisme vivant qu’est devenu Air Liquide.
Ce n’est pas l’humain François Abrial qui s’exprime dans le publi-interview. C’est le gestionnaire du capital (humain). Il répond avec autant de vie, de chaleur, de philosophie et de clarté qu’un bilan comptable. Lisez plutôt : « Le programme Alma (âme en espagnol, ndlr) fédère les collaborateurs du Groupe autour d’une ambition et d’objectifs communs. Il s’agit de saisir toutes les opportunités d’un monde qui change. Pour anticiper les transformations de ses marchés. Air liquide a choisi de réaffirmer son ambition (…) en se dotant d’objectifs à moyen terme et en définissant une stratégie pour atteindre ces objectifs. »
On pourrait s’amuser à inverser les mots pour démontrer le vide du propos. Par exemple : « Il s’agit de saisir toutes les transformations des marchés. Pour anticiper les opportunités d’un monde commun » ou « Air liquide a choisi de réaffirmer ses objectifs (…) en se dotant d’une stratégie à moyen terme et en définissant une ambition pour atteindre ces objectifs. » Discours managérial type. Mots creux, mots uniformes, mots substituables. Langage totalitaire. Oppressant. Il ne laisse aucune prise, aucun point d’appui. Aucune discussion. Aucune interrogation. Ceux et celles qui le reçoivent, les 46 200 collaborateurs (le capital) du Groupe (l’ADN), ne peuvent qu’acquiescer.
L’ensemble de l’entretien – une demi-page – est une mine inépuisable pour ce genre d’exercice. D’ailleurs, une fois qu’il l’a parcouru, un lecteur ne connaissant pas Air liquide ne sait toujours pas ce que fait cette entreprise. Quelle est son activité, son utilité ? Est-ce finalement si important ? [2]
L’essentiel n’est pas là. Mais dans ce qu’on y apprend vraiment. En plus d’un ADN, l’entreprise a une âme. Cette âme, c’est son programme de gestion des ressources humaines Alma. Et quand on invoque le groupe, on l’écrit avec un G majuscule, un G tout-puissant. Comme État. Comme Dieu. Au service de cette puissance, l’humain n’est qu’employabilité, performance, motivation, compétence, expertise. Un capital humain dont il faut modeler les comportements, les attitudes, quitte à les récompenser.
Cette publicité, ces mots, résument à eux seuls la vision – l’idéologie – qui domine le monde. Qui domine les salariés. Qui domine les citoyens des États endettés auprès des marchés. Qui domine la démocratie. Qui domine la nature. Ou tente de le faire. Avec la complicité consciente ou inconsciente de ses sponsors (HEC, mais aussi Le Point et Le Monde [3]). « Ces mots, il faut les combattre, parce qu’ils ne sont pas inoffensifs. Ils modifient profondément notre réalité et nous font penser différemment », rappelle Franck Lepage, spécialiste en matière de décryptage de langue de bois, de langue totalitaire. Il est temps que la vie, la vraie, reprenne ses droits.
Ivan du Roy
Image : CC Occupy Design
Notes
[1] Du 28 juin 2012.[2] Air liquide fabrique des gaz pour l’industrie, comme de l’hydrogène, de l’hélium ou de l’azote.
[3] Voir le site du Trophée du capital humain.
samedi 7 juillet 2012
Deux multinationales condamnées pour corruption de fonctionnaire européen (Bastamag)
Par Agnès Rousseaux (4 juillet 2012)
Le groupe agricole français Invivo et le conglomérat suisse Glencore ont été condamnés à un demi-million d’euros d’amende chacun par la justice belge. Les deux entreprises sont reconnues coupables d’avoir corrompu un fonctionnaire de la Commission européenne en échange d’informations confidentielles sur les prix des marchés de céréales.
Comment garder une longueur d’avance sur les concurrents et booster ses exportations ? Certains ont trouvé la bonne combine : corrompre un fonctionnaire de la Direction générale de l’Agriculture au sein de la Commission européenne, pour s’assurer un accès « exclusif » à des informations confidentielles permettant de gagner des marchés. Deux multinationales de l’agrobusiness, la française Invivo et la suisse Glencore, spécialisée dans le négoce de matières premières, ont été condamnées le 27 juin à 500 000 euros d’amende chacune pour des faits de corruption.
Cette condamnation est le résultat qu’une procédure qui dure depuis… dix ans ! L’enquête débute en 2002. Arrestations et perquisitions se déroulent en 2003 sous l’égide du juge Van Espen. Elles révèlent qu’un fonctionnaire néerlandais, Karel Brus, communiquait chaque semaine à plusieurs entreprises, et avant leur publication officielle, les prix fixés par la Commission européenne pour l’achat ou la vente des céréales. En échange, il recevait de généreux cadeaux – dont « plusieurs nuits dans des hôtels parisiens », « de très nombreux déjeuners ou dîners dans des restaurants ou des bars à hôtesses ». Celui qui payait la facture se nomme Jean-Jacques Vies. Installé à Bruxelles, ce lobbyiste était employé par le Syndicat national pour l’expansion de la coopération agricole (Syncopex) [1], dont l’adhérent principal est Union Invivo.
Un « sous-marin des gros intérêts agroalimentaires français »
Sur le banc des accusés, parmi les douze personnes et les trois sociétés mises en examen par la justice belge, on retrouve six responsables d’Invivo. Le « premier groupe coopératif agricole français » est spécialisé dans le stockage de céréales et le commerce international des grains. Il est le premier exportateur de blé français. Il vend également des pesticides et s’occupe de « santé végétale », de conseil à l’agriculture intensive, et est le propriétaire de la marque de magasins Gamm Vert. Invivo détient également de nombreuses participations croisées avec Sofiprotéol, un fonds d’investissement dirigé par le président de la FNSEA, Xavier Beulin. La société Glencore Grain Rotterdam est également condamnée pour avoir corrompu le même fonctionnaire, en lui versant notamment des sommes d’argent en liquide, et en lui remboursant 20 000 euros de factures de téléphone.
Les responsables d’Union Invivo et de Syncopex nient les faits. Ils assurent qu’ils n’étaient pas au courant que les renseignements fournis par Jean-Jacques Vies provenaient de documents confidentiels. Selon eux, le lobbyiste a agi de sa propre initiative. Une version jugée non crédible par les enquêteurs. « Il paraît peu vraisemblable que les dirigeants d’Union Invivo aient dépensé pour des informations inexploitables entre 170 000 et 200 000 euros, représentant le budget annuel de Syncopex (émanant pour la moitié du département Direction des Marchés et du département Siège du Groupe Invivo) », estiment en 2005 les enquêteurs français dans un rapport de la Division nationale des investigations financières (DNIF). « Il apparaît donc que le budget annuel de Syncopex, constitué du salaire de l’unique employé, M. Vies, et de ses frais "professionnels", réels et fictifs, puisse être considéré dans sa globalité comme ayant été utilisé à corrompre M. Karel Brus », conclut la DNIF [2].
« Tous les secteurs d’activités sont touchés »
« J’ai été un excellent sous-marin de gros intérêts agroalimentaires français », explique Jean-Jacques Vies. Cet ancien membre du Service de la répression des fraudes estime qu’il s’agit clairement de « corruption » et que ses supérieurs étaient au courant de ses activités. Ce que confirme des courriers retrouvés lors de l’enquête. « C’est un système qui a été mis en place pour répondre aux concurrents, parce que je n’avais pas d’autres moyens », a expliqué l’ancien lobbyiste au micro de France Inter [3]. « Cela a fait l’objet d’une note auprès du directeur financier-adjoint du groupe. Ça a été parfaitement accepté par le directeur financier, qui a mis à ma disposition les fonds pour corrompre le fonctionnaire. […] Tous les secteurs d’activités à la Commission européenne sont touchés. Mais ça ne se dit pas, parce que les marchés et les intérêts nationaux et politiques sont énormes. Les syndicats agricoles sont puissants. »
L’enquête du juge Van Espen a également épinglé un important groupe français du secteur alimentaire. Une entreprise qui aurait obtenu des informations en échange « de plusieurs dîners dans des restaurants, de nuits d’hôtel à Paris », « de service de prostituées », « de voyages personnels au Club Méditerranée et/ou vers des destinations exotiques (Caraïbes, Thaïlande, Ceylan) », et « de paiements de sommes d’argent pour un total d’au moins 5 327 211 [francs belges, soit environ 130 000 euros], payées sur deux comptes luxembourgeois ». Des comptes présentées comme appartenant à Karel Brus. Mais, « pour une raison inexpliquée dans la procédure, ce géant de l’alimentation française − que nous ne nommerons donc pas − ne sera finalement pas poursuivi par la justice belge… », expliquait France Inter en 2011.
Le fonctionnaire européen, Karel Brus, qui a aujourd’hui quitté la Commission, a été condamné à 40 mois de prison, à une amende de 55 000 euros et à la confiscation de près de 140 000 euros par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Le lobbyiste Jean-Jacques Vies a été condamné à 18 mois de prison avec sursis. Du côté d’Invivo, pas de commentaires sur l’amende de 500 000 euros. Glencore, multinationale régulièrement pointée du doigt pour son pillage des ressources minières, sa pratique de l’évasion fiscale et autres transferts douteux via des paradis fiscaux, a annoncé qu’elle étudiait le possibilité de faire appel de la décision.
Agnès Rousseaux
Photo : © Bobbys World
Cette condamnation est le résultat qu’une procédure qui dure depuis… dix ans ! L’enquête débute en 2002. Arrestations et perquisitions se déroulent en 2003 sous l’égide du juge Van Espen. Elles révèlent qu’un fonctionnaire néerlandais, Karel Brus, communiquait chaque semaine à plusieurs entreprises, et avant leur publication officielle, les prix fixés par la Commission européenne pour l’achat ou la vente des céréales. En échange, il recevait de généreux cadeaux – dont « plusieurs nuits dans des hôtels parisiens », « de très nombreux déjeuners ou dîners dans des restaurants ou des bars à hôtesses ». Celui qui payait la facture se nomme Jean-Jacques Vies. Installé à Bruxelles, ce lobbyiste était employé par le Syndicat national pour l’expansion de la coopération agricole (Syncopex) [1], dont l’adhérent principal est Union Invivo.
Un « sous-marin des gros intérêts agroalimentaires français »
Sur le banc des accusés, parmi les douze personnes et les trois sociétés mises en examen par la justice belge, on retrouve six responsables d’Invivo. Le « premier groupe coopératif agricole français » est spécialisé dans le stockage de céréales et le commerce international des grains. Il est le premier exportateur de blé français. Il vend également des pesticides et s’occupe de « santé végétale », de conseil à l’agriculture intensive, et est le propriétaire de la marque de magasins Gamm Vert. Invivo détient également de nombreuses participations croisées avec Sofiprotéol, un fonds d’investissement dirigé par le président de la FNSEA, Xavier Beulin. La société Glencore Grain Rotterdam est également condamnée pour avoir corrompu le même fonctionnaire, en lui versant notamment des sommes d’argent en liquide, et en lui remboursant 20 000 euros de factures de téléphone.
Les responsables d’Union Invivo et de Syncopex nient les faits. Ils assurent qu’ils n’étaient pas au courant que les renseignements fournis par Jean-Jacques Vies provenaient de documents confidentiels. Selon eux, le lobbyiste a agi de sa propre initiative. Une version jugée non crédible par les enquêteurs. « Il paraît peu vraisemblable que les dirigeants d’Union Invivo aient dépensé pour des informations inexploitables entre 170 000 et 200 000 euros, représentant le budget annuel de Syncopex (émanant pour la moitié du département Direction des Marchés et du département Siège du Groupe Invivo) », estiment en 2005 les enquêteurs français dans un rapport de la Division nationale des investigations financières (DNIF). « Il apparaît donc que le budget annuel de Syncopex, constitué du salaire de l’unique employé, M. Vies, et de ses frais "professionnels", réels et fictifs, puisse être considéré dans sa globalité comme ayant été utilisé à corrompre M. Karel Brus », conclut la DNIF [2].
« Tous les secteurs d’activités sont touchés »
« J’ai été un excellent sous-marin de gros intérêts agroalimentaires français », explique Jean-Jacques Vies. Cet ancien membre du Service de la répression des fraudes estime qu’il s’agit clairement de « corruption » et que ses supérieurs étaient au courant de ses activités. Ce que confirme des courriers retrouvés lors de l’enquête. « C’est un système qui a été mis en place pour répondre aux concurrents, parce que je n’avais pas d’autres moyens », a expliqué l’ancien lobbyiste au micro de France Inter [3]. « Cela a fait l’objet d’une note auprès du directeur financier-adjoint du groupe. Ça a été parfaitement accepté par le directeur financier, qui a mis à ma disposition les fonds pour corrompre le fonctionnaire. […] Tous les secteurs d’activités à la Commission européenne sont touchés. Mais ça ne se dit pas, parce que les marchés et les intérêts nationaux et politiques sont énormes. Les syndicats agricoles sont puissants. »
L’enquête du juge Van Espen a également épinglé un important groupe français du secteur alimentaire. Une entreprise qui aurait obtenu des informations en échange « de plusieurs dîners dans des restaurants, de nuits d’hôtel à Paris », « de service de prostituées », « de voyages personnels au Club Méditerranée et/ou vers des destinations exotiques (Caraïbes, Thaïlande, Ceylan) », et « de paiements de sommes d’argent pour un total d’au moins 5 327 211 [francs belges, soit environ 130 000 euros], payées sur deux comptes luxembourgeois ». Des comptes présentées comme appartenant à Karel Brus. Mais, « pour une raison inexpliquée dans la procédure, ce géant de l’alimentation française − que nous ne nommerons donc pas − ne sera finalement pas poursuivi par la justice belge… », expliquait France Inter en 2011.
Le fonctionnaire européen, Karel Brus, qui a aujourd’hui quitté la Commission, a été condamné à 40 mois de prison, à une amende de 55 000 euros et à la confiscation de près de 140 000 euros par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Le lobbyiste Jean-Jacques Vies a été condamné à 18 mois de prison avec sursis. Du côté d’Invivo, pas de commentaires sur l’amende de 500 000 euros. Glencore, multinationale régulièrement pointée du doigt pour son pillage des ressources minières, sa pratique de l’évasion fiscale et autres transferts douteux via des paradis fiscaux, a annoncé qu’elle étudiait le possibilité de faire appel de la décision.
Agnès Rousseaux
Photo : © Bobbys World
Notes
[1] Créé en 1968, ce syndicat devait à l’origine représenter le monde agricole auprès des instances européennes[2] Lire le dossier qu’avait consacré à ce sujet France Inter lors du début du procès en 2011.
[3] Lire ici.
vendredi 6 juillet 2012
jeudi 5 juillet 2012
mercredi 4 juillet 2012
Logement : ces niches fiscales coûteuses, inutiles et contre-productives (article bastamag)
Par Fanny Petit (2 juillet 2012)
La principale niche fiscale sur le logement, le dispositif « Scellier » sur l’immobilier locatif, a coûté 900 millions d’euros à l’État en 2011. Pire : cette exonération favorise l’augmentation des loyers. Un logement « Scellier » est 7,5 fois plus cher qu’un logement social ! Alors que la Cour des comptes vient de rendre son audit et que le débat sur les finances publiques commence à l’Assemblée, le gouvernement osera-t-il s’attaquer à une niche fiscale à laquelle s’accrochent les promoteurs immobiliers ?
Soixante-quatre ! C’est le nombre de niches fiscales qui concernent le logement et l’immobilier, parmi les 504 dispositifs d’exonérations, d’abattements et autres réductions d’impôts qui se sont multipliés en France. La plus connue : la loi Scellier, mise en place en 2009. En l’échange de l’achat d’un logement neuf et de sa mise en location à un loyer plafonné, elle permet une réduction d’impôt qui peut aller jusqu’à 63 000 euros [1]
Depuis trois décennies, les pouvoirs publics ont multiplié ces mesures dérogatoires à la loi fiscale afin de favoriser l’investissement locatif privé et la construction de logements. Souvenez-vous : les dispositifs Robien (2003-2006), Besson (1999-2002), l’amortissement Périssol (1996-1999) ou « le Quilès-Méhaignerie » (1984-1995) ont été conçus pour remédier aux insuffisances du marché du logement. Avec un présupposé : que cette incitation aura des répercussions positives sur le parc locatif privé. Qu’en est-il vraiment ?
Un logement Scellier coûte 7,5 fois plus qu’un logement social
En quinze ans (1995-2010), environ 5 millions de logements neufs ont été construits. Un million d’entre eux a été acquis à l’aide d’un dispositif fiscal. Soit 20 % des constructions neuves. Parmi ces 20 %, la plupart des logements (80 %) ont été mis sur le marché du parc locatif privé. Environ 60 000 « logements Scellier » sont construits chaque année. Ceux qui ont été lancés en 2009 grèveront les caisses de l’État de 3,4 milliards d’euros de recettes fiscales non perçues (étalées sur neuf ans). Pour le même nombre de logements sociaux (60 000), le coût pour l’État est estimé à 448 millions d’euros. Soit 7,5 fois moins qu’une génération de logements Scellier [2].
Qui investit dans ces logements neufs ? La moitié des « acheteurs Scellier » sont des cadres supérieurs. Leur niveau de revenu par ménage – 58 000 euros par an – équivaut à deux fois le revenu médian français (28 740 euros, selon l’Insee). Ces dispositifs profitent donc essentiellement aux classes moyennes aisées et supérieures, qui, grâce au loyer perçu, se constituent un complément de revenu. Ce sont donc elles que ciblent les promoteurs dans leurs campagnes de promotion immobilière.
Un piège pour les acheteurs
« Avec 0 € d’apport, économisez jusqu’à 63 000 € d’impôts ! », « 0% d’impôt pendant 9 à 15 ans ! »… C’est ainsi que les gros promoteurs, Icade, Nexity, ou Bouygues, présentent leurs opérations aux particuliers qui souhaitent investir dans un logement neuf, et « BBC » (bâtiments basse consommation) de préférence. L’avantage fiscal lié à ce type d’opération est évidemment l’argument de vente numéro 1 : en achetant un bien à 300 000 euros, on économise entre 2 000 et 7 000 euros d’impôts par an, tout en percevant un loyer. D’autres raisons susceptibles d’appâter le client sont également mises en avant : la rentabilité à court terme, le fait de générer un complément de revenu pour les vieux jours, la possibilité de se constituer un patrimoine sans effort, le loyer étant censé couvrir les remboursements d’emprunt. Les ménages prévoient de le revendre une fois terminé l’abattement fiscal, espérant empocher en plus une petite plus-value.
Le « belle vie immobilière » (le slogan de Nexity) n’est pas forcément l’idylle tant attendue. Les acheteurs pensent rarement à étudier de près la réalité du marché locatif local avant de se lancer dans un investissement. D’autant que l’achat peut se faire sur plan, sans visiter le logement ni le quartier. Ils se font prendre au piège de campagnes de vente de logements neufs dans des petites villes, là où les promoteurs trouvent le terrain au meilleur prix, sans tenir compte des spécificités – et parfois de l’existence même – de la demande locale. Les logements, trop chers comparés aux loyers pratiqués dans le voisinage, restent vacants. Les acheteurs peuvent se retrouver en difficulté pour rembourser leur prêt. C’est ce qu’a montré un rapport et une cartographie réalisés par le Crédit foncier. C’est dans les villes moyennes – entre 50 000 et 250 000 habitants – que l’investissement locatif est le plus risqué (la zone B2). Des logements ne se louent pas et se revendront difficilement. Certaines résidences risquant à terme de se transformer en copropriétés en difficulté. Albi ou Montauban sont, par exemple, présentées comme des villes au marché déstabilisé par une surproduction de logements neufs.
Des niches fiscales qui augmentent la spirale des loyers
D’après le Commissariat général au développement durable, la distance séparant la résidence principale de l’acheteur du bien immobilier qu’il met en location est plus grande que pour les autres logements locatifs construits à la même période. Ainsi, les programmes de promotion immobilière ne s’adressent plus à une clientèle locale, mais sont d’abord destinés à des investisseurs.
La loi Scellier divise la France en quatre zones éligibles. À chaque zone correspond un plafond de loyer maximal que le bailleur ne devra pas dépasser pour profiter de l’avantage fiscal. C’est ce plafond maximum, bien souvent en décalage avec la réalité du marché local, que le promoteur intègre dans les simulations financières au moment de la vente du bien. Problème : ce plafond est quasi systématiquement très au-dessus du niveau de loyer accepté localement par les locataires. Les loyers Scellier sont ainsi surévalués de 25 à 45 % sur la Côte d’Azur ou de 20 à 40 % dans le Languedoc-Roussillon ! Le plafond Scellier (zone A) y est fixé à 16,10 euros/m2, alors que les loyers moyens pratiqués localement varient entre 10 et 14 euros/m2.
Conséquence : ces programmes ont un effet inflationniste sur les loyers. Dans certaines communes, ils contribuent au renchérissement des prix du foncier, rendant plus difficile la construction de logements locatifs sociaux. Ils sont alors contre-productifs : il s’agissait de développer une offre de logements à loyers maîtrisés, alors que la niche fiscale contribue à augmenter le niveau des loyers. Pour remédier à ces écueils, l’ancien secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, Benoist Apparu, « invitait » les acquéreurs à « veiller » à la qualité de l’emplacement du bien proposé pour ne pas investir là où l’état du marché locatif ne permet pas de louer un bien dans des conditions optimales. Belle cohérence ! Une invitation qui coûte cher à la collectivité… Et les réductions d’impôts, elles, se poursuivent.
Une politique qui ne répond pas à la demande locale
Dix départements concentrent à eux seuls un tiers du parc locatif construit grâce à la défiscalisation. Exemple : près de 6 % de l’ensemble des constructions à usage d’investissement locatif aidé réalisées en métropole au cours des quinze dernières années se concentrent en Haute-Garonne, essentiellement dans Toulouse et ses alentours. Le Crédit foncier confirme que l’offre locative privée aidée n’apporte pas de réponses à la situation tendue de certaines agglomérations. Aucun cahier des charges ni contraintes sociales ne viennent orienter l’activité des promoteurs. Les logements qu’ils construisent demeurent les mêmes partout sur le territoire français : petites surfaces (moyennes de 60 m2) au sein de résidences fermées. La ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a même été obligée de bloquer ces programmes pour favoriser la construction de grands logements destinés aux familles.
Construire plus de logements n’a de sens que si l’offre nouvelle répond à une demande. Et celle-ci dépend toujours de spécificités locales : une ville comptant beaucoup d’étudiants aura peut-être besoin de davantage de petits logements, pendant qu’ailleurs les familles avec enfants ne trouvent plus de loyers abordables. Ces mesures d’incitation fiscale devaient augmenter le nombre de logements à louer en dehors du parc social et faciliter l’accès au logement du plus grand nombre. Sans mise en place de mécanismes de contrôle et de régulation, elles semblent être inefficaces. Les locataires du parc locatif aidé sont bien plus jeunes que les locataires des autres parcs construits au cours de la même période, et perçoivent un revenu imposable plus élevé, quel que soit l’âge de l’occupant. Les plafonds de loyers et de revenus attachés à ces mises en location sont très loin de ceux du logement social et ne permettent pas aux personnes à faibles ressources d’y accéder.
Un niche fiscale à laquelle s’accroche le lobby des promoteurs
Dans son rapport sur les niches fiscales, publié en août dernier, l’Inspection générale des finances (IGF) jugeait la dépense fiscale « Scellier » peu efficace. L’évaluation « des effets du dispositif sur l’offre de logements », qui avait été confiée à l’École d’économie de Paris, n’a toujours pas été réalisée… Par cette étude, l’IGF souhaitait mesurer les effets d’aubaine. Et savoir si ces programmes immobiliers auraient vu le jour sans l’aide fiscale.
Les promoteurs immobiliers sont fortement dépendants de la création ou de la suppression de niches fiscales. Lors du plan de rigueur de novembre 2011, la baisse de l’avantage fiscal annoncée par François Fillon avait suscité de vives réactions. « Si un coup de rabot supplémentaire au dispositif Scellier est apporté en 2012, nous descendrons peut-être à 80 000 ventes de logements neufs l’an prochain, contre 115 000 en 2010 », se lamentait Marc Pigeon, président de la Fédération des promoteurs immobiliers. Et François Bertière, PDG de Bouygues Immobilier, de déplorer en écho : « Toute réforme qui réduira les avantages fiscaux fera baisser le marché. »
Le 7 mars 2012, à l’occasion du « Sommet de l’immobilier et de la construction », la Fédération française du bâtiment, qui regroupe 57 000 entreprises et réalise les deux tiers du chiffre d’affaires de la profession (123 milliards d’euros hors taxes en 2010), a encore milité en faveur d’un cadre juridique et fiscal stable pour l’investissement immobilier. Les arguments du BTP, « premier employeur de France, avec environ 1,2 million de salariés », pèsent de tout leur poids !
L’État préfère le marché au volontarisme politique
Ce n’est pas seulement pour satisfaire des intérêts privés que ces dispositifs sont développés. En matière de logement, comme ailleurs, l’État choisit d’orienter son action vers le soutien au marché. Pour Julie Pollard, chercheuse à l’Institut d’études politiques de l’université de Lausanne, les niches fiscales dans le logement correspondent à un nouveau mode de gouvernement. C’est un moyen d’agir vite sur un secteur de long terme, d’autant plus vite que les promoteurs y sont hyperréactifs. On parle souvent de retrait de l’État. En fait, il ne se désengage pas, loin de là, il reconfigure son action.
Les marges de manœuvre budgétaires sont réduites et les coûts d’une politique du logement (construction, aménagement des territoires, infrastructures adaptées…) sont lourds. En période de déficits chroniques, les gouvernements recourent toujours plus volontiers aux aides fiscales, qui, elles, sont simples à mettre en œuvre. Simples, mais pas vraiment efficaces. La Fondation Abbé-Pierre regrette que l’État dépense de plus en plus pour des logements sans aucune contrepartie sociale, tout en réduisant de manière drastique le budget de l’aide personnalisée au logement (APL) – 240 millions supprimés en 2011 – et au financement du logement social. Celui-ci est passé de 630 millions d’euros en 2010 à 160 millions en 2011. Pendant ce temps, l’ensemble des dispositifs de défiscalisation sur le logement représente un manque à gagner de 710 millions d’euros en 2010.
Quelle est la légitimité de l’action publique quand elle constitue un soutien aveugle au marché, un chèque en blanc fait aux promoteurs immobiliers ? Quand elle introduit des dynamiques néfastes pour les territoires. Lorsqu’elle est accordée en grande partie pour des opérations inutiles ? Remettre à plat ces dépenses fiscales est impératif alors que la crise du logement s’aggrave, dans un contexte d’austérité. Des interrogations auxquelles devra répondre la nouvelle ministre du Logement, Cécile Duflot.
Fanny Petit
Photo : CC Malcolm Jackson - Salim Virji
Depuis trois décennies, les pouvoirs publics ont multiplié ces mesures dérogatoires à la loi fiscale afin de favoriser l’investissement locatif privé et la construction de logements. Souvenez-vous : les dispositifs Robien (2003-2006), Besson (1999-2002), l’amortissement Périssol (1996-1999) ou « le Quilès-Méhaignerie » (1984-1995) ont été conçus pour remédier aux insuffisances du marché du logement. Avec un présupposé : que cette incitation aura des répercussions positives sur le parc locatif privé. Qu’en est-il vraiment ?
Un logement Scellier coûte 7,5 fois plus qu’un logement social
En quinze ans (1995-2010), environ 5 millions de logements neufs ont été construits. Un million d’entre eux a été acquis à l’aide d’un dispositif fiscal. Soit 20 % des constructions neuves. Parmi ces 20 %, la plupart des logements (80 %) ont été mis sur le marché du parc locatif privé. Environ 60 000 « logements Scellier » sont construits chaque année. Ceux qui ont été lancés en 2009 grèveront les caisses de l’État de 3,4 milliards d’euros de recettes fiscales non perçues (étalées sur neuf ans). Pour le même nombre de logements sociaux (60 000), le coût pour l’État est estimé à 448 millions d’euros. Soit 7,5 fois moins qu’une génération de logements Scellier [2].
Qui investit dans ces logements neufs ? La moitié des « acheteurs Scellier » sont des cadres supérieurs. Leur niveau de revenu par ménage – 58 000 euros par an – équivaut à deux fois le revenu médian français (28 740 euros, selon l’Insee). Ces dispositifs profitent donc essentiellement aux classes moyennes aisées et supérieures, qui, grâce au loyer perçu, se constituent un complément de revenu. Ce sont donc elles que ciblent les promoteurs dans leurs campagnes de promotion immobilière.
Un piège pour les acheteurs
« Avec 0 € d’apport, économisez jusqu’à 63 000 € d’impôts ! », « 0% d’impôt pendant 9 à 15 ans ! »… C’est ainsi que les gros promoteurs, Icade, Nexity, ou Bouygues, présentent leurs opérations aux particuliers qui souhaitent investir dans un logement neuf, et « BBC » (bâtiments basse consommation) de préférence. L’avantage fiscal lié à ce type d’opération est évidemment l’argument de vente numéro 1 : en achetant un bien à 300 000 euros, on économise entre 2 000 et 7 000 euros d’impôts par an, tout en percevant un loyer. D’autres raisons susceptibles d’appâter le client sont également mises en avant : la rentabilité à court terme, le fait de générer un complément de revenu pour les vieux jours, la possibilité de se constituer un patrimoine sans effort, le loyer étant censé couvrir les remboursements d’emprunt. Les ménages prévoient de le revendre une fois terminé l’abattement fiscal, espérant empocher en plus une petite plus-value.
Le « belle vie immobilière » (le slogan de Nexity) n’est pas forcément l’idylle tant attendue. Les acheteurs pensent rarement à étudier de près la réalité du marché locatif local avant de se lancer dans un investissement. D’autant que l’achat peut se faire sur plan, sans visiter le logement ni le quartier. Ils se font prendre au piège de campagnes de vente de logements neufs dans des petites villes, là où les promoteurs trouvent le terrain au meilleur prix, sans tenir compte des spécificités – et parfois de l’existence même – de la demande locale. Les logements, trop chers comparés aux loyers pratiqués dans le voisinage, restent vacants. Les acheteurs peuvent se retrouver en difficulté pour rembourser leur prêt. C’est ce qu’a montré un rapport et une cartographie réalisés par le Crédit foncier. C’est dans les villes moyennes – entre 50 000 et 250 000 habitants – que l’investissement locatif est le plus risqué (la zone B2). Des logements ne se louent pas et se revendront difficilement. Certaines résidences risquant à terme de se transformer en copropriétés en difficulté. Albi ou Montauban sont, par exemple, présentées comme des villes au marché déstabilisé par une surproduction de logements neufs.
Des niches fiscales qui augmentent la spirale des loyers
D’après le Commissariat général au développement durable, la distance séparant la résidence principale de l’acheteur du bien immobilier qu’il met en location est plus grande que pour les autres logements locatifs construits à la même période. Ainsi, les programmes de promotion immobilière ne s’adressent plus à une clientèle locale, mais sont d’abord destinés à des investisseurs.
La loi Scellier divise la France en quatre zones éligibles. À chaque zone correspond un plafond de loyer maximal que le bailleur ne devra pas dépasser pour profiter de l’avantage fiscal. C’est ce plafond maximum, bien souvent en décalage avec la réalité du marché local, que le promoteur intègre dans les simulations financières au moment de la vente du bien. Problème : ce plafond est quasi systématiquement très au-dessus du niveau de loyer accepté localement par les locataires. Les loyers Scellier sont ainsi surévalués de 25 à 45 % sur la Côte d’Azur ou de 20 à 40 % dans le Languedoc-Roussillon ! Le plafond Scellier (zone A) y est fixé à 16,10 euros/m2, alors que les loyers moyens pratiqués localement varient entre 10 et 14 euros/m2.
Conséquence : ces programmes ont un effet inflationniste sur les loyers. Dans certaines communes, ils contribuent au renchérissement des prix du foncier, rendant plus difficile la construction de logements locatifs sociaux. Ils sont alors contre-productifs : il s’agissait de développer une offre de logements à loyers maîtrisés, alors que la niche fiscale contribue à augmenter le niveau des loyers. Pour remédier à ces écueils, l’ancien secrétaire d’État au Logement et à l’Urbanisme, Benoist Apparu, « invitait » les acquéreurs à « veiller » à la qualité de l’emplacement du bien proposé pour ne pas investir là où l’état du marché locatif ne permet pas de louer un bien dans des conditions optimales. Belle cohérence ! Une invitation qui coûte cher à la collectivité… Et les réductions d’impôts, elles, se poursuivent.
Une politique qui ne répond pas à la demande locale
Dix départements concentrent à eux seuls un tiers du parc locatif construit grâce à la défiscalisation. Exemple : près de 6 % de l’ensemble des constructions à usage d’investissement locatif aidé réalisées en métropole au cours des quinze dernières années se concentrent en Haute-Garonne, essentiellement dans Toulouse et ses alentours. Le Crédit foncier confirme que l’offre locative privée aidée n’apporte pas de réponses à la situation tendue de certaines agglomérations. Aucun cahier des charges ni contraintes sociales ne viennent orienter l’activité des promoteurs. Les logements qu’ils construisent demeurent les mêmes partout sur le territoire français : petites surfaces (moyennes de 60 m2) au sein de résidences fermées. La ville de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) a même été obligée de bloquer ces programmes pour favoriser la construction de grands logements destinés aux familles.
Construire plus de logements n’a de sens que si l’offre nouvelle répond à une demande. Et celle-ci dépend toujours de spécificités locales : une ville comptant beaucoup d’étudiants aura peut-être besoin de davantage de petits logements, pendant qu’ailleurs les familles avec enfants ne trouvent plus de loyers abordables. Ces mesures d’incitation fiscale devaient augmenter le nombre de logements à louer en dehors du parc social et faciliter l’accès au logement du plus grand nombre. Sans mise en place de mécanismes de contrôle et de régulation, elles semblent être inefficaces. Les locataires du parc locatif aidé sont bien plus jeunes que les locataires des autres parcs construits au cours de la même période, et perçoivent un revenu imposable plus élevé, quel que soit l’âge de l’occupant. Les plafonds de loyers et de revenus attachés à ces mises en location sont très loin de ceux du logement social et ne permettent pas aux personnes à faibles ressources d’y accéder.
Un niche fiscale à laquelle s’accroche le lobby des promoteurs
Dans son rapport sur les niches fiscales, publié en août dernier, l’Inspection générale des finances (IGF) jugeait la dépense fiscale « Scellier » peu efficace. L’évaluation « des effets du dispositif sur l’offre de logements », qui avait été confiée à l’École d’économie de Paris, n’a toujours pas été réalisée… Par cette étude, l’IGF souhaitait mesurer les effets d’aubaine. Et savoir si ces programmes immobiliers auraient vu le jour sans l’aide fiscale.
Les promoteurs immobiliers sont fortement dépendants de la création ou de la suppression de niches fiscales. Lors du plan de rigueur de novembre 2011, la baisse de l’avantage fiscal annoncée par François Fillon avait suscité de vives réactions. « Si un coup de rabot supplémentaire au dispositif Scellier est apporté en 2012, nous descendrons peut-être à 80 000 ventes de logements neufs l’an prochain, contre 115 000 en 2010 », se lamentait Marc Pigeon, président de la Fédération des promoteurs immobiliers. Et François Bertière, PDG de Bouygues Immobilier, de déplorer en écho : « Toute réforme qui réduira les avantages fiscaux fera baisser le marché. »
Le 7 mars 2012, à l’occasion du « Sommet de l’immobilier et de la construction », la Fédération française du bâtiment, qui regroupe 57 000 entreprises et réalise les deux tiers du chiffre d’affaires de la profession (123 milliards d’euros hors taxes en 2010), a encore milité en faveur d’un cadre juridique et fiscal stable pour l’investissement immobilier. Les arguments du BTP, « premier employeur de France, avec environ 1,2 million de salariés », pèsent de tout leur poids !
L’État préfère le marché au volontarisme politique
Ce n’est pas seulement pour satisfaire des intérêts privés que ces dispositifs sont développés. En matière de logement, comme ailleurs, l’État choisit d’orienter son action vers le soutien au marché. Pour Julie Pollard, chercheuse à l’Institut d’études politiques de l’université de Lausanne, les niches fiscales dans le logement correspondent à un nouveau mode de gouvernement. C’est un moyen d’agir vite sur un secteur de long terme, d’autant plus vite que les promoteurs y sont hyperréactifs. On parle souvent de retrait de l’État. En fait, il ne se désengage pas, loin de là, il reconfigure son action.
Les marges de manœuvre budgétaires sont réduites et les coûts d’une politique du logement (construction, aménagement des territoires, infrastructures adaptées…) sont lourds. En période de déficits chroniques, les gouvernements recourent toujours plus volontiers aux aides fiscales, qui, elles, sont simples à mettre en œuvre. Simples, mais pas vraiment efficaces. La Fondation Abbé-Pierre regrette que l’État dépense de plus en plus pour des logements sans aucune contrepartie sociale, tout en réduisant de manière drastique le budget de l’aide personnalisée au logement (APL) – 240 millions supprimés en 2011 – et au financement du logement social. Celui-ci est passé de 630 millions d’euros en 2010 à 160 millions en 2011. Pendant ce temps, l’ensemble des dispositifs de défiscalisation sur le logement représente un manque à gagner de 710 millions d’euros en 2010.
Quelle est la légitimité de l’action publique quand elle constitue un soutien aveugle au marché, un chèque en blanc fait aux promoteurs immobiliers ? Quand elle introduit des dynamiques néfastes pour les territoires. Lorsqu’elle est accordée en grande partie pour des opérations inutiles ? Remettre à plat ces dépenses fiscales est impératif alors que la crise du logement s’aggrave, dans un contexte d’austérité. Des interrogations auxquelles devra répondre la nouvelle ministre du Logement, Cécile Duflot.
Fanny Petit
Photo : CC Malcolm Jackson - Salim Virji
mardi 3 juillet 2012
Grèce : La démocratie « prise en otage » par les éditocrates (article acrimed)
par Frédéric Lemaire, le 2 juillet 2012
Dimanche 17 juin 2012, le parti conservateur Nouvelle Démocratie emporte la victoire aux élections législatives grecques, devançant de peu le parti de gauche Syriza, opposé aux plans d’austérité imposés à la Grèce. Cette victoire est accueillie avec un grand soulagement par les dirigeants européens, dont un certain nombre avaient activement fait campagne en faveur de la droite grecque : les « Européens » – appellation d’usage dans la presse – avaient en effet menacé d’exclure la Grèce de la zone euro en cas de victoire de Syriza. Une campagne partiellement et partialement relayée par la presse…
Le peuple grec a décidément une fâcheuse inclination à « prendre en otage » le reste de l’Europe. Il y a quelques mois, l’annonce, par l’ancien Premier ministre grec, d’un référendum sur les plans d’austérité avait déjà suscité dans les médias des réactions indignées : il s’agissait pour certains d’un « dangereux coup de poker », « une histoire de fous » qui risquait de remettre en question les efforts des « Européens » pour « sauver l’euro » [1]...
Cette fois-ci, il s’agit d’élections démocratiques ; et pour la première fois, Syriza, un parti opposé à l’austérité et attaché au maintien de la Grèce dans la zone euro peut arriver en tête des suffrages. Face à lui, le parti conservateur Nouvelle Démocratie fait campagne, avec les dirigeants européens, « en agitant la peur d’une sortie de l’euro », comme l’indique la correspondante de Libération (18 juin 2012). Force est de constater que la droite grecque et les dirigeants européens ne sont pas les seuls à « agiter la peur d’une sortie de l’euro »…
Les médias en campagne
Dans l’éditorial du Monde daté du 12 mai 2012, Erik Israelewicz se fâche tout rouge. Les Grecs s’apprêtent-ils à voter massivement pour Syriza ? « Il n’est pas admissible qu’un petit pays, par son refus des règles du jeu, puisse continuer à mettre en danger l’ensemble du continent. » Attaché à démontrer l’irresponsabilité du peuple grec, le directeur du Monde ne s’économise aucun effort de pédagogie. Chiffre sensationnel à l’appui : il nous apprend ainsi que « chaque grec a déjà touché depuis janvier 2010 l’équivalent de 31 000 euros, acquittés d’une manière ou d’une autre par les contribuables européens ». Israelewicz conclut son éditorial du 12 mai par une menace très claire : « Aux Grecs de choisir. En espérant qu’ils feront le bon choix. Sinon, l’Europe devra en tirer les conséquences. Sans état d’âme. » Autrement dit, si les Grecs refusent l’austérité, « l’Europe » ne doit pas s’embarrasser pour se débarrasser de la Grèce.
Les grecs seraient-ils d’irresponsables profiteurs ? La caricature faite par le dessinateur Xavier Gorce, publiée dans Le Monde du 30 mai 2012, semble aussi le confirmer. Un dessin est parfois plus efficace qu’un long discours… [2]
Le même message est repris en chœur par les éditorialistes français. Ainsi Franz Olivier Giesbert, dans un éditorial du Point daté du 7 juin, fulmine. Les Grecs préféreraient les solutions « débiles et ridicules » de Syriza ? C’est plus que le télévangéliste de la rigueur ne peut supporter. « Plus l’Europe l’aide, plus la Grèce lui en veut : elle mord même la main qui la nourrit » s’indigne-t-il… D’où sa suggestion : « Et si l’on rendait la Grèce à la Turquie ? » Pour de rire, bien sûr !
Ces menaces font bien évidemment écho à celles formulées par les dirigeants européens et la droite grecque. Mais ce « chantage » là ne fera pas l’objet d’une émission d’Yves Calvi… L’animateur de « C dans l’air » sur France 5 préfère s’indigner du « chantage » grec, qui consisterait à se prévaloir du coût important d’une sortie de la zone euro pour demander plus d’argent aux « Européens ». « On peut pas dire “donnez-nous l’argent et on refuse de faire les efforts !” » s’exclame ainsi Yves Calvi dans son émission du 22 mai [3].
Voilà qui résume bien l’indignation des éditorialistes : la rigueur, plus que jamais nécessaire en France [4], est tout simplement indispensable en Grèce. Toute remise en question de ce dogme, même issue d’un vote démocratique, est intolérable : elle ne serait qu’une preuve supplémentaire de l’incurie, de l’irresponsabilité et de l’ingratitude du peuple grec.
Notons qu’au-delà des tribunes d’opinion, la presse se fait assez largement l’écho du « chantage » des « Européens » en réduisant les élections grecques à un référendum « pour ou contre l’euro ». Les dépêches de l’AFP, entre autres, en témoignent. Dans une dépêche du 15 juin, l’AFP évoque des élections « qui prennent l’allure d’un référendum pour ou contre l’euro ». Et de citer le conservateur Papademos : « Être ou ne pas être dans la zone euro ? Telle est la question. » C’est aussi la question pour l’AFP, qui titre encore le 16 juin : « Grèce : le suspense à son comble avant un vote pour ou contre l’euro ».
Cette métamorphose des élections grecques en vote « pour ou contre l’euro » sera largement reprise par les rédactions. Ainsi, lorsqu’il interroge une responsable de Syriza, l’envoyé spécial de Libération en Grèce lui pose la question suivante : « On présente ces élections comme un référendum pour ou contre l’euro. Êtes-vous d’accord ? »
Pour sa part, Libération échappe apparemment à cette présentation simpliste du vote grec : La Une du 15 juin 2012 évoque non pas un choix pour ou contre l’euro, mais un choix entre une « épreuve de force avec Bruxelles » ou de nouveaux « sacrifices ». Mais Vincent Giret rappelle tout de même la question essentielle dans l’éditorial de Libération daté du 14 juin : « Y aura-t-il, lundi matin, un gouvernement digne de ce nom, à même de rassurer les marchés, les dirigeants européens et… les Grecs eux-mêmes ? »
Enfin, à tout seigneur, tout honneur, Christophe Barbier, directeur de l’Express, a prévu un plan. Notre éditorialiste vidéo-augmenté en fait état dans un de ses célèbres éditoriaux en images [5] : pour lui, si aucun « gouvernement clair » ne se constitue à l’issue des élections « il faudra alors penser une tutelle, une vraie tutelle des seize autres de la zone euro. […] Et quand on dit les seize, on pense bien sûr les deux, la France et l’Allemagne. »
Barbier précise les termes de son Anschluss : « il faudra que de l’extérieur, de Paris, de Berlin, viennent les instruments, viennent les hommes, viennent les méthodes pour remettre la Grèce dans le bon sens. » Quoi de mieux pour doter un pays d’une « gouvernance démocratique moderne » que de suspendre la démocratie ?
Épilogue
On connaît le dénouement des élections en Grèce. On peut remarquer que le résultat du « référendum pour ou contre l’euro » a été interprété après coup dans les médias en Grèce, en Allemagne comme en France, comme un vote « pour l’austérité » [6].
Force est de constater que la victoire de Nouvelle Démocratie, est aussi celle d’un certain nombre de journalistes vedettes et d’éditorialistes multicartes qui ont choisi de faire profession de la « pédagogie de la rigueur ». Chacun dans son registre, ils n’ont pas hésité à reprendre à leur compte les pressions, chantages, stigmatisations formulés par les dirigeants européens, parfois les devançant dans la violence de leurs propos.
Pour avoir eu l’impudence de remettre en question l’austérité qu’ils subissent, les Grecs ont fait les frais de cette « pédagogie ». Mais celle-ci était aussi destinée au public français. Autant d’efforts pour enseigner, une fois de plus, la leçon de la résignation. Et rappeler qu’en dehors des voies de la rigueur budgétaire et des « sacrifices nécessaires », il n’y avait point de salut…
Frédéric Lemaire
Cette fois-ci, il s’agit d’élections démocratiques ; et pour la première fois, Syriza, un parti opposé à l’austérité et attaché au maintien de la Grèce dans la zone euro peut arriver en tête des suffrages. Face à lui, le parti conservateur Nouvelle Démocratie fait campagne, avec les dirigeants européens, « en agitant la peur d’une sortie de l’euro », comme l’indique la correspondante de Libération (18 juin 2012). Force est de constater que la droite grecque et les dirigeants européens ne sont pas les seuls à « agiter la peur d’une sortie de l’euro »…
Les médias en campagne
Dans l’éditorial du Monde daté du 12 mai 2012, Erik Israelewicz se fâche tout rouge. Les Grecs s’apprêtent-ils à voter massivement pour Syriza ? « Il n’est pas admissible qu’un petit pays, par son refus des règles du jeu, puisse continuer à mettre en danger l’ensemble du continent. » Attaché à démontrer l’irresponsabilité du peuple grec, le directeur du Monde ne s’économise aucun effort de pédagogie. Chiffre sensationnel à l’appui : il nous apprend ainsi que « chaque grec a déjà touché depuis janvier 2010 l’équivalent de 31 000 euros, acquittés d’une manière ou d’une autre par les contribuables européens ». Israelewicz conclut son éditorial du 12 mai par une menace très claire : « Aux Grecs de choisir. En espérant qu’ils feront le bon choix. Sinon, l’Europe devra en tirer les conséquences. Sans état d’âme. » Autrement dit, si les Grecs refusent l’austérité, « l’Europe » ne doit pas s’embarrasser pour se débarrasser de la Grèce.
Les grecs seraient-ils d’irresponsables profiteurs ? La caricature faite par le dessinateur Xavier Gorce, publiée dans Le Monde du 30 mai 2012, semble aussi le confirmer. Un dessin est parfois plus efficace qu’un long discours… [2]
Le même message est repris en chœur par les éditorialistes français. Ainsi Franz Olivier Giesbert, dans un éditorial du Point daté du 7 juin, fulmine. Les Grecs préféreraient les solutions « débiles et ridicules » de Syriza ? C’est plus que le télévangéliste de la rigueur ne peut supporter. « Plus l’Europe l’aide, plus la Grèce lui en veut : elle mord même la main qui la nourrit » s’indigne-t-il… D’où sa suggestion : « Et si l’on rendait la Grèce à la Turquie ? » Pour de rire, bien sûr !
Ces menaces font bien évidemment écho à celles formulées par les dirigeants européens et la droite grecque. Mais ce « chantage » là ne fera pas l’objet d’une émission d’Yves Calvi… L’animateur de « C dans l’air » sur France 5 préfère s’indigner du « chantage » grec, qui consisterait à se prévaloir du coût important d’une sortie de la zone euro pour demander plus d’argent aux « Européens ». « On peut pas dire “donnez-nous l’argent et on refuse de faire les efforts !” » s’exclame ainsi Yves Calvi dans son émission du 22 mai [3].
Voilà qui résume bien l’indignation des éditorialistes : la rigueur, plus que jamais nécessaire en France [4], est tout simplement indispensable en Grèce. Toute remise en question de ce dogme, même issue d’un vote démocratique, est intolérable : elle ne serait qu’une preuve supplémentaire de l’incurie, de l’irresponsabilité et de l’ingratitude du peuple grec.
Notons qu’au-delà des tribunes d’opinion, la presse se fait assez largement l’écho du « chantage » des « Européens » en réduisant les élections grecques à un référendum « pour ou contre l’euro ». Les dépêches de l’AFP, entre autres, en témoignent. Dans une dépêche du 15 juin, l’AFP évoque des élections « qui prennent l’allure d’un référendum pour ou contre l’euro ». Et de citer le conservateur Papademos : « Être ou ne pas être dans la zone euro ? Telle est la question. » C’est aussi la question pour l’AFP, qui titre encore le 16 juin : « Grèce : le suspense à son comble avant un vote pour ou contre l’euro ».
Cette métamorphose des élections grecques en vote « pour ou contre l’euro » sera largement reprise par les rédactions. Ainsi, lorsqu’il interroge une responsable de Syriza, l’envoyé spécial de Libération en Grèce lui pose la question suivante : « On présente ces élections comme un référendum pour ou contre l’euro. Êtes-vous d’accord ? »
Pour sa part, Libération échappe apparemment à cette présentation simpliste du vote grec : La Une du 15 juin 2012 évoque non pas un choix pour ou contre l’euro, mais un choix entre une « épreuve de force avec Bruxelles » ou de nouveaux « sacrifices ». Mais Vincent Giret rappelle tout de même la question essentielle dans l’éditorial de Libération daté du 14 juin : « Y aura-t-il, lundi matin, un gouvernement digne de ce nom, à même de rassurer les marchés, les dirigeants européens et… les Grecs eux-mêmes ? »
Enfin, à tout seigneur, tout honneur, Christophe Barbier, directeur de l’Express, a prévu un plan. Notre éditorialiste vidéo-augmenté en fait état dans un de ses célèbres éditoriaux en images [5] : pour lui, si aucun « gouvernement clair » ne se constitue à l’issue des élections « il faudra alors penser une tutelle, une vraie tutelle des seize autres de la zone euro. […] Et quand on dit les seize, on pense bien sûr les deux, la France et l’Allemagne. »
Barbier précise les termes de son Anschluss : « il faudra que de l’extérieur, de Paris, de Berlin, viennent les instruments, viennent les hommes, viennent les méthodes pour remettre la Grèce dans le bon sens. » Quoi de mieux pour doter un pays d’une « gouvernance démocratique moderne » que de suspendre la démocratie ?
Épilogue
On connaît le dénouement des élections en Grèce. On peut remarquer que le résultat du « référendum pour ou contre l’euro » a été interprété après coup dans les médias en Grèce, en Allemagne comme en France, comme un vote « pour l’austérité » [6].
Force est de constater que la victoire de Nouvelle Démocratie, est aussi celle d’un certain nombre de journalistes vedettes et d’éditorialistes multicartes qui ont choisi de faire profession de la « pédagogie de la rigueur ». Chacun dans son registre, ils n’ont pas hésité à reprendre à leur compte les pressions, chantages, stigmatisations formulés par les dirigeants européens, parfois les devançant dans la violence de leurs propos.
Pour avoir eu l’impudence de remettre en question l’austérité qu’ils subissent, les Grecs ont fait les frais de cette « pédagogie ». Mais celle-ci était aussi destinée au public français. Autant d’efforts pour enseigner, une fois de plus, la leçon de la résignation. Et rappeler qu’en dehors des voies de la rigueur budgétaire et des « sacrifices nécessaires », il n’y avait point de salut…
Frédéric Lemaire
Notes
[1] Voir notre article : Consulter le peuple grec ? Les gardiens autoproclamés de la démocratie s’insurgent.[2] On pourra lire ici un échange intéressant au sujet de la publication de ce dessin : http://www.okeanews.fr/lettre-de-m-volkovitch-reagissant-a-la-caricature-parue-dans-le-monde/.
[3] Voir notre précédent article : « Le "chantage grec" s’invite au comptoir d’Yves Calvi ».
[4] Voir nos précédents articles « Les éditocrates sonnent le clairon de la rigueur » ; « Les éditocrates conseillent François Hollande : "Devenez impopulaire !" ».
[5] Comment sauver la Grèce avec une gouvernance européenne moderne.
[6] comme le relève Gérard Filoche sur son blog.
lundi 2 juillet 2012
Le Paraguay, cible d’un putsch de l’agrobusiness ? (article bastamag)
Démocratie
Par Sophie Chapelle (26 juin 2012)
Les compagnies de l’agrobusiness, Monsanto en tête, ont-elles joué un rôle dans l’éviction du président paraguayen ? Fernando Lugo a été destitué le 22 juin lors d’une procédure d’urgence instaurée par le Sénat en moins de quarante-huit heures. La veille, la Chambre des députés a voté en faveur de sa révocation, considérant qu’il avait exercé ses fonctions d’une façon « impropre, négligente et irresponsable ». Les événements en cause remontent au 15 juin. Une opération de police vise alors à déloger des paysans sans terre à Caruguaty, à 250 kilomètres au nord-est de la capitale. Elle s’achève par la mort de onze manifestants et de six policiers. Le Parlement, contrôlé par la droite, accuse Fernando Lugo d’avoir « attisé les tensions » entre les petits paysans et les propriétaires terriens.
Fernando Lugo, ancien évêque et candidat de l’Alliance patriotique pour le changement – une coalition allant de la gauche au centre-droit – a été élu en 2008 sur un programme de lutte contre la corruption et de redistribution des terres. Son projet comprenait notamment une « réforme agraire intégrale » en faveur des paysans dominés par les latifundios, les 40 000 propriétaires terriens qui possèdent 85 % des terres arables (voir cet article). Le Président avait promis de récupérer les terres acquises illégalement durant la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989) et de redistribuer des milliers d’hectares.
Ce projet a cristallisé l’opposition des grands propriétaires fonciers et des multinationales du secteur agroalimentaire. Les brevets déposés par la firme Monsanto n’ont, par exemple, pas été avalisés par l’administration. Cette politique hostile à l’agrobusiness a visiblement précipité la chute de « l’évêque des pauvres ».
L’Alliance biodiversité (Alianza Biodiversidad [1]) condamne un « coup d’État » et dénonce la complicité des grandes entreprises de l’agrobusiness et des propriétaires fonciers locaux. La Conamuri, une organisation de femmes paysannes et indigènes du Paraguay, appelle les mouvements sociaux au niveau international « à exiger des éclaircissements, la justice et la fin de l’intimidation et de la persécution ». « Notre lutte pour la réforme agraire et la récupération de toutes les terres mal acquises demeure présente et continuera à être renforcée de jour en jour, malgré la criminalisation qui nous touche », a ajouté l’organisation.
Si le président déchu a dit « accepter au nom de la non-violence » ce « verdict injuste », il a néanmoins appelé ses partisans à manifester pacifiquement au centre de la capitale, Asunción. En mai 2010, Fernando Lugo avait défié les sojeros (les gros producteurs de soja) en proposant la régulation de l’usage des pesticides. Le lendemain même, des pressions l’obligeaient à retirer son projet de loi. Cette fois, l’agrobusiness a été plus fort que la démocratie.
Fernando Lugo, ancien évêque et candidat de l’Alliance patriotique pour le changement – une coalition allant de la gauche au centre-droit – a été élu en 2008 sur un programme de lutte contre la corruption et de redistribution des terres. Son projet comprenait notamment une « réforme agraire intégrale » en faveur des paysans dominés par les latifundios, les 40 000 propriétaires terriens qui possèdent 85 % des terres arables (voir cet article). Le Président avait promis de récupérer les terres acquises illégalement durant la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989) et de redistribuer des milliers d’hectares.
Ce projet a cristallisé l’opposition des grands propriétaires fonciers et des multinationales du secteur agroalimentaire. Les brevets déposés par la firme Monsanto n’ont, par exemple, pas été avalisés par l’administration. Cette politique hostile à l’agrobusiness a visiblement précipité la chute de « l’évêque des pauvres ».
L’Alliance biodiversité (Alianza Biodiversidad [1]) condamne un « coup d’État » et dénonce la complicité des grandes entreprises de l’agrobusiness et des propriétaires fonciers locaux. La Conamuri, une organisation de femmes paysannes et indigènes du Paraguay, appelle les mouvements sociaux au niveau international « à exiger des éclaircissements, la justice et la fin de l’intimidation et de la persécution ». « Notre lutte pour la réforme agraire et la récupération de toutes les terres mal acquises demeure présente et continuera à être renforcée de jour en jour, malgré la criminalisation qui nous touche », a ajouté l’organisation.
Si le président déchu a dit « accepter au nom de la non-violence » ce « verdict injuste », il a néanmoins appelé ses partisans à manifester pacifiquement au centre de la capitale, Asunción. En mai 2010, Fernando Lugo avait défié les sojeros (les gros producteurs de soja) en proposant la régulation de l’usage des pesticides. Le lendemain même, des pressions l’obligeaient à retirer son projet de loi. Cette fois, l’agrobusiness a été plus fort que la démocratie.
Notes
[1] Composée de REDES-Amigos de la Tierra (Uruguay), GRAIN (Chili, Argentine et Mexique), ETC Group (Mexique), Campaña Mundial de las Semilla de Vía Campesina (Chili), Grupo Semillas (Colombie), Acción Ecológica (Équateur), Red de Coordinación en Biodiversidad (Costa Rica), Acción por la Biodiversidad (Argentine), Sobrevivencia (Paraguay), Centro Ecológico (Brésil)
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