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Les Economistes atterrés mettent en garde contre le Traité Budgétaire
18 Septembre 2012 - 14:47 par Henri Sterdyniak
Nous intervenons ici, en tant qu’économistes, pour mettre en garde contre les dangers que comporte le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire. Ce Pacte budgétaire marque une nouvelle étape de deux offensives, celle des libéraux contre la pratique keynésienne de la politique économique, celle des instances européennes contre l’autonomie des politiques budgétaires nationales.
Ce Traité ne s’attaque pas aux causes de la crise financière : l’aveuglement et l’avidité des marchés financiers, l’éclatement des bulles financières et immobilières induites par la financiarisation, le gonflement des inégalités de revenus permis par la concurrence effrénée entre pays favorisée par la mondialisation.
Il ne s’attaque pas aux causes de la crise de la zone Euro : l’absence d’une réelle coordination des politiques économiques ayant l’emploi comme objectif, le déséquilibre provoqué par la recherche d’excédents des pays du Nord, l’interdiction inscrite dans la Constitution européenne de financement des États par la BCE, ce qui permet à la spéculation de se déclencher alors qu’elle est impuissante contre les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni pourtant plus endettés que la zone euro.
Le Traité entérine les politiques d’austérité, suivies depuis trois ans, qui enfoncent l’Europe dans une récession sans fin, qui aggravent la mise en cause le modèle social européen, qui plongent des millions d’européens, en premier lieu les jeunes, dans le chômage et des millions de famille dans la pauvreté.
Le Pacte budgétaire repose sur un diagnostic erroné. Le coupable serait le manque de discipline budgétaire. Pourtant, les pays de la zone euro ne se caractérisaient pas avant la crise par des déficits publics particulièrement forts : sur les trois années d’avant crise (2004-07), les États-Unis avaient un déficit de 2,8% du PIB, le Royaume-Uni de 2,9%, le Japon de 3,6%, la zone euro de 1,5%, nettement moins que le montant des investissements publics ou le niveau requis pour stabiliser la dette. Seule, la Grèce présentait un déficit public élevé. En fait, les instances européennes polarisées sur le respect aveugle de normes arbitraires, soucieuses d’affirmer leur contrôle sur les politiques nationales, ont laissé grandir les déséquilibres en Europe entre les pays du Nord qui accumulaient les excédents et les pays du Sud entrainés par une bulle immobilière. Elles ont nié les périls que faisait courir la dérégulation financière.
Selon l’article 1 du Traité, les règles seraient « destinées à renforcer la coordination des politiques économiques ». Mais des contraintes numériques sur les dettes et déficits publics, qui ne tiennent pas compte de la situation économique, ne peuvent être considérées comme une coordination des politiques économiques.
Selon l’article 3, les pays devront maintenir un quasi-équilibre des finances publiques (soit un déficit public structurel inférieur à 0,5% du PIB), ce qui n’a aucun fondement économique. La vraie « règle d’or des finances publiques » justifie, au contraire que les investissements publics soient financés par l’endettement. Dans le cas de la France, cela autorise un déficit public structurel de l’ordre de 2,4% du PIB.
Le même article impose aux pays « une convergence rapide vers cet objectif », convergence qui serait proposée par la Commission, sans tenir compte de la situation conjoncturelle. Les pays perdraient donc leur liberté d’action. Ainsi, pour 2013, la France se voit contrainte d’atteindre un déficit de 3% du PIB, donc de pratiquer une politique récessive en période de dépression, d’autant plus récessive même que les prévisions économiques sont faibles.
Un mécanisme automatique serait mis en place pour réduire le déficit. Là encore, un pays se verrait imposer sa politique budgétaire. S’il a un déficit structurel de 3 points du PIB, il devra avoir l’année suivante un déficit structurel de 2 points, donc faire des efforts pour 1 point de PIB, quelle que soit l’évolution économique. Un pays frappé d’un ralentissement économique n’aura pas le droit de faire une politique de soutien.
L’objectif du Traité est bien de réaliser le rêve de toujours des libéraux : paralyser les politiques budgétaires, imposer coûte que coûte l’équilibre budgétaire. Il tourne le dos aux enseignements de 75 ans de théorie macroéconomique.
Le Traité s’appuie sur la notion de déficit structurel, c’est-à-dire le solde public corrigé du solde conjoncturel. C’est le déficit des finances publiques que connaîtrait le pays si sa production était à son niveau d’équilibre, la production potentielle. Il doit être évalué, selon diverses théories, par diverses méthodes. Sa mesure dépend de la méthode utilisée ; elle est plus que problématique, en particulier dans les périodes cruciales, celles de dépression ou de chocs macroéconomiques. En fait, ce sont les évaluations de la Commission qui devront être utilisées. Or celles-ci ont deux défauts : elles varient fortement au cours du temps, ainsi, les estimations de production potentielle faite pour 2006 ont été fortement abaissées en 2008 : elles sont toujours proches de la production effective, puisque cette méthode considère comme structurelle la baisse du capital due à la chute de l’investissement durant une crise : elle sous-estime le déficit conjoncturel et obligerait à faire des politiques pro-cycliques. Ainsi, la Commission estime-t-elle que l’écart de production (l’écart entre la production potentielle est la production effective) n’est que de 2,8% en 2012 pour la France (soit un déficit structurel à 3%), alors que d’autres méthodes aboutissent à un écart de production de 8% (et donc un déficit structurel de 0,5%). La politique économique peut-elle être dépendre de telles estimations ?
L’objectif de déficit structurel pourra être abaissé à 1% si la dette est en dessous de 60% du PIB. Un pays qui a en moyenne une croissance de 2% l’an et une inflation de 2% et qui maintient indéfiniment un déficit de 1% du PIB, voit sa dette converger vers 25% du PIB. Or rien ne garantit que l’équilibre macroéconomique peut être assuré avec des valeurs a priori : une dette de 25% du PIB ; un déficit de 1% du PIB. Inscrire cela dans la Constitution est aussi fondé que d’y écrire : « les hommes devront peser 70 kg et les femmes 50 »
Les États membres devront inscrire la règle d’équilibre budgétaire et le mécanisme de correction automatique dans leur Constitution, ou si cela est impossible, dans un dispositif contraignant et permanent. Ainsi, des dispositifs flous, inapplicables, sans fondement économiques, seraient gravés dans le marbre.
Les pays membres devront mettre en place des institutions indépendantes chargées de vérifier le respect de la règle d’équilibre budgétaire et de la trajectoire d’ajustement. C’est un pas supplémentaire vers la technocratisation complète de la politique économique. Ces institutions indépendantes auront-elles le droit de remettre en cause la règle, si celle-ci ne correspond pas aux nécessités de la conjoncture ?
Selon l’article 4, un pays dont le ratio dette/PIB dépasse 60% du PIB devra réduire ce ratio d’au moins un vingtième de l’écart avec 60 % chaque année. Cela suppose qu’un ratio de 60% est un chiffre optimal réalisable par tous les pays. Or, des pays comme l’Italie ou la Belgique, avaient depuis des décennies des dettes publiques de 100% du PIB (le Japon de 200% même), sans déséquilibre car ces dettes correspondent à des forts taux d’épargne des ménages.
Selon l’article 5, un pays soumis à une « procédure de déficit excessif » (PDE) devra soumettre son budget et un programme de réformes structurelles à la Commission et au Conseil, qui devront l’approuver et en suivre la mise en place. Cet article est une nouvelle arme pour permettre d’imposer aux peuples des réformes libérales. Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays de l’UE (21 sur 27) sont soumis à des PDE ; ils n’ont pas besoin de réformes libérales, mais de croissance sociale et écologique. A moins que par réformes structurelles, le Traité n’entende des mesures visant à briser la domination des marchés financiers, à augmenter l’imposition sur les plus riches et les grandes entreprises, à financer la transition écologique.
Selon l’article 7, les propositions de la Commission seront automatiquement adoptées sauf si se dégagent contre elles une majorité qualifiée, le pays en question ne votant pas. Ainsi, en pratique, la Commission aura toujours le dernier mot.
Ce projet impose des politiques budgétaires quasi automatiques, il interdit toute politique de soutien de l’activité. Or celles-ci sont indispensables pour la stabilisation économique Fin 2008, le FMI, le G20 et la Commission européenne ont demandé aux pays d’entreprendre de telles politiques. Faut-il les interdire quatre ans après ?
Selon le Traité, chaque pays doit prendre isolément des mesures restrictives sans tenir compte de sa situation conjoncturelle et des politiques des partenaires. Le Traité fait l’hypothèse implicite que le multiplicateur keynésien est nul, que les politiques budgétaires restrictives n’ont pas d’impact sur l’activité. Aujourd’hui, à la mi-2012, cela impose que la plupart des pays pratiquent des politiques d’austérité alors que la cause des déficits publics est globalement un niveau insuffisant de production et d’emploi due à l’éclatement de la bulle financière.
Le souhait du nouveau gouvernement français de renégocier le TSCG a abouti le 29 juin à un Pacte pour la croissance et l’emploi. Malgré son titre, celui-ci n’est pas le symétrique du Pacte Budgétaire. Il ne comporte aucun objectif précis en termes d’emploi ou de croissance. Pour l’essentiel, il ne fait que reprendre des projets déjà engagés, généralement d'inspiration libérale : la stratégie Europe 2020, la nécessité de garantir la viabilité des systèmes de retraite (c’est-à-dire de reporter l’âge de la retraite ou de réduire le niveau des pensions), d’améliorer la qualité des dépenses publiques (ce qui signifie souvent réduire les dépenses sociales jugées improductives, en augmentant les aides aux entreprises), de favoriser la mobilité de la main d’œuvre, d’ouvrir la concurrence en matière de services, d’énergie, de marchés publics. Le Pacte reconnait qu’il n’y a pas d’accord sur une taxe sur les transactions financières ; il ne fait qu’ouvrir la porte à une coopération renforcée, un accord entre certains pays, sans le Royaume-Uni et le Luxembourg, ce qui en limitera fortement la portée. Les mesures de relance, à proprement parler, sont limitées, pour ne pas dire inexistantes. Il est question de 120 milliards soit 1% du PIB de la zone, mais sur un laps de temps indéfini, alors que les programmes d’austérité nationales représentent 240 milliards par an. Ces 120 milliards se décomposent entre une hausse prévue de 60 milliards de la capacité de prêt de la BEI grâce à une hausse de 10 milliards d’euros de son capital ; une émission envisagée de 5 milliards d’obligations de projets destinés à financer des projets d’infrastructures, enfin l’affectation à « des mesures destinées à dynamiser la croissance » de 55 milliards de fonds structurels qui étaient déjà disponibles. Dans les trois cas, rien n’assure qu’il n’y aura effectivement des fonds supplémentaires engagés. Ainsi, le Pacte apparaît-il surtout comme une concession de façade permettant au gouvernement français de ratifier le Pacte Budgétaire.
Le Traité ne remet pas en cause l’absence de garantie des dettes publiques par la BCE ; il ne prévoit pas l’émission d’euro-obligations ; le Mécanisme de Européen de Solidarité ne prévoit d’aider que les pays qui auront ratifié et respecté le Traité. Le pays aidé perdra toute autonomie, devra soumettre sa politique économique à la Troïka (la Commission, la BCE, le FMI) et devra s’engager dans une politique restrictive, qui comme le montre les exemples de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande, l’enfoncera dans la récession et la misère. Le dispositif mis en place ne brise pas la spéculation. La BCE subordonne son soutien aux pays dont les taux d'intérêt flambent à des réformes libérales et à des plans d'austérité toujours plus drastiques qui les enfoncent dans la dépression
Le Traité budgétaire impose la mise en œuvre pendant une longue période de politiques d’austérité en Europe, qui non seulement briseront l’activité de la zone, aggraveront encore les déséquilibres dans les pays les plus fragiles, augmenteront les tensions en Europe mais aussi interdiront des politiques ambitieuses d’investissements écologiques d’avenir. Les États membres peuvent-ils se résoudre à un Traité qui paralyse, à jamais, leurs politiques budgétaires pour convaincre les marchés de leur future discipline budgétaire ? Peuvent-ils se résoudre à se voir confisquer les rênes budgétaires après avoir perdu celles de la politique monétaire ?
Ce Traité ne s’attaque pas aux causes de la crise financière : l’aveuglement et l’avidité des marchés financiers, l’éclatement des bulles financières et immobilières induites par la financiarisation, le gonflement des inégalités de revenus permis par la concurrence effrénée entre pays favorisée par la mondialisation.
Il ne s’attaque pas aux causes de la crise de la zone Euro : l’absence d’une réelle coordination des politiques économiques ayant l’emploi comme objectif, le déséquilibre provoqué par la recherche d’excédents des pays du Nord, l’interdiction inscrite dans la Constitution européenne de financement des États par la BCE, ce qui permet à la spéculation de se déclencher alors qu’elle est impuissante contre les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni pourtant plus endettés que la zone euro.
Le Traité entérine les politiques d’austérité, suivies depuis trois ans, qui enfoncent l’Europe dans une récession sans fin, qui aggravent la mise en cause le modèle social européen, qui plongent des millions d’européens, en premier lieu les jeunes, dans le chômage et des millions de famille dans la pauvreté.
Le Pacte budgétaire repose sur un diagnostic erroné. Le coupable serait le manque de discipline budgétaire. Pourtant, les pays de la zone euro ne se caractérisaient pas avant la crise par des déficits publics particulièrement forts : sur les trois années d’avant crise (2004-07), les États-Unis avaient un déficit de 2,8% du PIB, le Royaume-Uni de 2,9%, le Japon de 3,6%, la zone euro de 1,5%, nettement moins que le montant des investissements publics ou le niveau requis pour stabiliser la dette. Seule, la Grèce présentait un déficit public élevé. En fait, les instances européennes polarisées sur le respect aveugle de normes arbitraires, soucieuses d’affirmer leur contrôle sur les politiques nationales, ont laissé grandir les déséquilibres en Europe entre les pays du Nord qui accumulaient les excédents et les pays du Sud entrainés par une bulle immobilière. Elles ont nié les périls que faisait courir la dérégulation financière.
Selon l’article 1 du Traité, les règles seraient « destinées à renforcer la coordination des politiques économiques ». Mais des contraintes numériques sur les dettes et déficits publics, qui ne tiennent pas compte de la situation économique, ne peuvent être considérées comme une coordination des politiques économiques.
Selon l’article 3, les pays devront maintenir un quasi-équilibre des finances publiques (soit un déficit public structurel inférieur à 0,5% du PIB), ce qui n’a aucun fondement économique. La vraie « règle d’or des finances publiques » justifie, au contraire que les investissements publics soient financés par l’endettement. Dans le cas de la France, cela autorise un déficit public structurel de l’ordre de 2,4% du PIB.
Le même article impose aux pays « une convergence rapide vers cet objectif », convergence qui serait proposée par la Commission, sans tenir compte de la situation conjoncturelle. Les pays perdraient donc leur liberté d’action. Ainsi, pour 2013, la France se voit contrainte d’atteindre un déficit de 3% du PIB, donc de pratiquer une politique récessive en période de dépression, d’autant plus récessive même que les prévisions économiques sont faibles.
Un mécanisme automatique serait mis en place pour réduire le déficit. Là encore, un pays se verrait imposer sa politique budgétaire. S’il a un déficit structurel de 3 points du PIB, il devra avoir l’année suivante un déficit structurel de 2 points, donc faire des efforts pour 1 point de PIB, quelle que soit l’évolution économique. Un pays frappé d’un ralentissement économique n’aura pas le droit de faire une politique de soutien.
L’objectif du Traité est bien de réaliser le rêve de toujours des libéraux : paralyser les politiques budgétaires, imposer coûte que coûte l’équilibre budgétaire. Il tourne le dos aux enseignements de 75 ans de théorie macroéconomique.
Le Traité s’appuie sur la notion de déficit structurel, c’est-à-dire le solde public corrigé du solde conjoncturel. C’est le déficit des finances publiques que connaîtrait le pays si sa production était à son niveau d’équilibre, la production potentielle. Il doit être évalué, selon diverses théories, par diverses méthodes. Sa mesure dépend de la méthode utilisée ; elle est plus que problématique, en particulier dans les périodes cruciales, celles de dépression ou de chocs macroéconomiques. En fait, ce sont les évaluations de la Commission qui devront être utilisées. Or celles-ci ont deux défauts : elles varient fortement au cours du temps, ainsi, les estimations de production potentielle faite pour 2006 ont été fortement abaissées en 2008 : elles sont toujours proches de la production effective, puisque cette méthode considère comme structurelle la baisse du capital due à la chute de l’investissement durant une crise : elle sous-estime le déficit conjoncturel et obligerait à faire des politiques pro-cycliques. Ainsi, la Commission estime-t-elle que l’écart de production (l’écart entre la production potentielle est la production effective) n’est que de 2,8% en 2012 pour la France (soit un déficit structurel à 3%), alors que d’autres méthodes aboutissent à un écart de production de 8% (et donc un déficit structurel de 0,5%). La politique économique peut-elle être dépendre de telles estimations ?
L’objectif de déficit structurel pourra être abaissé à 1% si la dette est en dessous de 60% du PIB. Un pays qui a en moyenne une croissance de 2% l’an et une inflation de 2% et qui maintient indéfiniment un déficit de 1% du PIB, voit sa dette converger vers 25% du PIB. Or rien ne garantit que l’équilibre macroéconomique peut être assuré avec des valeurs a priori : une dette de 25% du PIB ; un déficit de 1% du PIB. Inscrire cela dans la Constitution est aussi fondé que d’y écrire : « les hommes devront peser 70 kg et les femmes 50 »
Les États membres devront inscrire la règle d’équilibre budgétaire et le mécanisme de correction automatique dans leur Constitution, ou si cela est impossible, dans un dispositif contraignant et permanent. Ainsi, des dispositifs flous, inapplicables, sans fondement économiques, seraient gravés dans le marbre.
Les pays membres devront mettre en place des institutions indépendantes chargées de vérifier le respect de la règle d’équilibre budgétaire et de la trajectoire d’ajustement. C’est un pas supplémentaire vers la technocratisation complète de la politique économique. Ces institutions indépendantes auront-elles le droit de remettre en cause la règle, si celle-ci ne correspond pas aux nécessités de la conjoncture ?
Selon l’article 4, un pays dont le ratio dette/PIB dépasse 60% du PIB devra réduire ce ratio d’au moins un vingtième de l’écart avec 60 % chaque année. Cela suppose qu’un ratio de 60% est un chiffre optimal réalisable par tous les pays. Or, des pays comme l’Italie ou la Belgique, avaient depuis des décennies des dettes publiques de 100% du PIB (le Japon de 200% même), sans déséquilibre car ces dettes correspondent à des forts taux d’épargne des ménages.
Selon l’article 5, un pays soumis à une « procédure de déficit excessif » (PDE) devra soumettre son budget et un programme de réformes structurelles à la Commission et au Conseil, qui devront l’approuver et en suivre la mise en place. Cet article est une nouvelle arme pour permettre d’imposer aux peuples des réformes libérales. Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays de l’UE (21 sur 27) sont soumis à des PDE ; ils n’ont pas besoin de réformes libérales, mais de croissance sociale et écologique. A moins que par réformes structurelles, le Traité n’entende des mesures visant à briser la domination des marchés financiers, à augmenter l’imposition sur les plus riches et les grandes entreprises, à financer la transition écologique.
Selon l’article 7, les propositions de la Commission seront automatiquement adoptées sauf si se dégagent contre elles une majorité qualifiée, le pays en question ne votant pas. Ainsi, en pratique, la Commission aura toujours le dernier mot.
Ce projet impose des politiques budgétaires quasi automatiques, il interdit toute politique de soutien de l’activité. Or celles-ci sont indispensables pour la stabilisation économique Fin 2008, le FMI, le G20 et la Commission européenne ont demandé aux pays d’entreprendre de telles politiques. Faut-il les interdire quatre ans après ?
Selon le Traité, chaque pays doit prendre isolément des mesures restrictives sans tenir compte de sa situation conjoncturelle et des politiques des partenaires. Le Traité fait l’hypothèse implicite que le multiplicateur keynésien est nul, que les politiques budgétaires restrictives n’ont pas d’impact sur l’activité. Aujourd’hui, à la mi-2012, cela impose que la plupart des pays pratiquent des politiques d’austérité alors que la cause des déficits publics est globalement un niveau insuffisant de production et d’emploi due à l’éclatement de la bulle financière.
Le souhait du nouveau gouvernement français de renégocier le TSCG a abouti le 29 juin à un Pacte pour la croissance et l’emploi. Malgré son titre, celui-ci n’est pas le symétrique du Pacte Budgétaire. Il ne comporte aucun objectif précis en termes d’emploi ou de croissance. Pour l’essentiel, il ne fait que reprendre des projets déjà engagés, généralement d'inspiration libérale : la stratégie Europe 2020, la nécessité de garantir la viabilité des systèmes de retraite (c’est-à-dire de reporter l’âge de la retraite ou de réduire le niveau des pensions), d’améliorer la qualité des dépenses publiques (ce qui signifie souvent réduire les dépenses sociales jugées improductives, en augmentant les aides aux entreprises), de favoriser la mobilité de la main d’œuvre, d’ouvrir la concurrence en matière de services, d’énergie, de marchés publics. Le Pacte reconnait qu’il n’y a pas d’accord sur une taxe sur les transactions financières ; il ne fait qu’ouvrir la porte à une coopération renforcée, un accord entre certains pays, sans le Royaume-Uni et le Luxembourg, ce qui en limitera fortement la portée. Les mesures de relance, à proprement parler, sont limitées, pour ne pas dire inexistantes. Il est question de 120 milliards soit 1% du PIB de la zone, mais sur un laps de temps indéfini, alors que les programmes d’austérité nationales représentent 240 milliards par an. Ces 120 milliards se décomposent entre une hausse prévue de 60 milliards de la capacité de prêt de la BEI grâce à une hausse de 10 milliards d’euros de son capital ; une émission envisagée de 5 milliards d’obligations de projets destinés à financer des projets d’infrastructures, enfin l’affectation à « des mesures destinées à dynamiser la croissance » de 55 milliards de fonds structurels qui étaient déjà disponibles. Dans les trois cas, rien n’assure qu’il n’y aura effectivement des fonds supplémentaires engagés. Ainsi, le Pacte apparaît-il surtout comme une concession de façade permettant au gouvernement français de ratifier le Pacte Budgétaire.
Le Traité ne remet pas en cause l’absence de garantie des dettes publiques par la BCE ; il ne prévoit pas l’émission d’euro-obligations ; le Mécanisme de Européen de Solidarité ne prévoit d’aider que les pays qui auront ratifié et respecté le Traité. Le pays aidé perdra toute autonomie, devra soumettre sa politique économique à la Troïka (la Commission, la BCE, le FMI) et devra s’engager dans une politique restrictive, qui comme le montre les exemples de la Grèce, du Portugal et de l’Irlande, l’enfoncera dans la récession et la misère. Le dispositif mis en place ne brise pas la spéculation. La BCE subordonne son soutien aux pays dont les taux d'intérêt flambent à des réformes libérales et à des plans d'austérité toujours plus drastiques qui les enfoncent dans la dépression
Le Traité budgétaire impose la mise en œuvre pendant une longue période de politiques d’austérité en Europe, qui non seulement briseront l’activité de la zone, aggraveront encore les déséquilibres dans les pays les plus fragiles, augmenteront les tensions en Europe mais aussi interdiront des politiques ambitieuses d’investissements écologiques d’avenir. Les États membres peuvent-ils se résoudre à un Traité qui paralyse, à jamais, leurs politiques budgétaires pour convaincre les marchés de leur future discipline budgétaire ? Peuvent-ils se résoudre à se voir confisquer les rênes budgétaires après avoir perdu celles de la politique monétaire ?
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