vendredi 21 septembre 2012

Pacte budgétaire : « Non de soutien » et autres contorsions sémantiques (Rue89)

Pacte budgétaire : « Non de soutien » et autres contorsions sémantiques

Mathieu Deslandes | Journaliste Rue89

Une contortionniste au Festival de Cannes, le 23 mai 2012 (Anne-Christine Poujoulat/AFP)
Le pacte budgétaire européen suscite au sein de la majorité une folle créativité sémantique. En dehors de quelques « non » francs (Marie-Noëlle Lienemann), on observe beaucoup de contorsions chez :
  • tous ceux que ce traité n’emballent pas mais qui ne veulent pas bafouer l’autorité du duo Hollande-Ayrault ;
  • tous ceux qui l’acceptent mais ne veulent pas se mettre à dos l’aile gauche du parti à cinq semaines du congrès de Toulouse ;
  • tous ceux qui ne savent plus très bien quoi penser.
Florilège.

Le « non de soutien »

Forgée par le député de l’Essonne Jérôme Guedj, cette formule est à la fois la plus faux-cul et la plus absurde. Le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, lui a répondu par une évidence :
« La meilleure façon de soutenir quelqu’un, c’est de dire “oui”. Le “non de soutien”, ça n’existe pas ! »

Le « oui de soutien »

C’est la lapalissade opposée à la formule précédente par Bruno Le Roux et François Rebsamen, les patrons des groupes socialistes à l’Assemblée et au Sénat.

Le « oui raisonnable »

Le choix de la raison, pas celui du cœur : ainsi Philippe Martin, le député du Gers, souligne-t-il son manque d’enthousiasme.

Le oui de désamour

L’ancienne ministre des Affaires européennes Elisabeth Guigou a affirmé au JDD.fr qu’elle « n’aime pas ce traité », qu’elle le trouve même « superflu » mais estime « qu’il n’est pas nécessaire d’aimer un traité pour le ratifier ». Elle le considère comme un mal nécessaire :
« Si on veut faire plus et mieux en Europe, il faut le ratifier. »

Le « oui de résistance »

Voilà le slogan retenu par Bernard Cazeneuve, eurosceptique mais actuel ministre des Affaires européennes. Sa « résistance » est dirigée contre « le fédéralisme technique », son « oui » est censé signifier l’espoir d’une « intégration solidaire », dont ce traité serait une « première étape »...

Le non « à titre personnel »

La formule « à titre personnel » est censée atténuer l’opinion exprimée – on se souvient du choix de Bayrou « à titre personnel » pour Hollande entre les deux tours de la dernière élection présidentielle.
Cette fois, c’est François de Rugy, le coprésident du groupe EELV à l’Assemblée qui y recourt : « A titre personnel, je voterai contre », a-t-il indiqué au Figaro. Avant d’ajouter :
« N’en faisons pas une affaire. Ce traité n’est pas un acte fondateur pour la France et l’Europe. »

L’abstention solidaire

C’est l’option retenue par tous ceux qui, comme le député de l’Ardèche Olivier Dussopt, veulent voter non mais ne sont pas prêts à rompre « la solidarité gouvernementale ». C’est aussi l’attitude prônée par Pascal Canfin, le vert ministre délégué au Développement.

Le vote « pas pour »

La députée du Doubs Barbara Romagnan ne votera pas tout à fait « contre » ; elle ne votera « pas pour » – nuance. Elle l’a écrit dans une tribune publiée par Libération :
« Ce que je vais exprimer par mon vote, c’est une volonté de dépasser le TSCG. »
Mais elle en fait des caisses pour ne pas être vue comme une vilaine dissidente :
  • « dans le sens de l’action de François Hollande, il faudra soutenir une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières » ;
  • « il n’y a rien de plaisant à se retrouver minoritaire dans le vote d’un texte présenté par sa majorité au risque de sembler vouloir s’en démarquer » ;
  • « c’est un choix de conviction motivé par un engagement politique entier en faveur de la mise en œuvre du projet socialiste. »

Le oui « fort »

C’est celui que Jean-Marc Ayrault appelle de ses vœux. Il l’a répété mercredi 19 septembre : « Plus le vote sera fort, plus la voix de la France sera forte, plus nous pourrons continuer à travailler à la réorientation de l’Europe. » Pour les durs à cuire, il a tenté une raffarinade :
« Pour gravir un escalier il est pertinent de ne pas s’arrêter à la première marche. »

Le oui sarkozyste

Les parlementaires UMP n’auront aucune difficulté à voter le texte présenté par le gouvernement. Ils répètent tous que c’est, à la virgule près, le « traité signé par Nicolas Sarkozy en mars dernier ». Et en profitent pour s’admirer en « opposants constructifs ».