Les entreprises seraient-elles en train de devenir responsables?
VENDREDI 26 OCTOBRE 2012
SOCIAL • Les accords sur la responsabilité sociale des entreprises se multiplient. Le cas d’Adidas en témoigne. Mais pour quels résultats ?
La semaine dernière, 1300 salariés indonésiens licenciés sauvagement par leur entreprise, un sous-traitant d’Adidas, ont manifesté pour obtenir leur réintégration. La direction d’Adidas, qui a délocalisé la quasi-totalité de sa production et compte 1200 sous-traitants dans le monde entier, s’est jointe à eux pour faire pression sur l’entreprise. «C’est une des raisons pour lesquelles nous organisons une rencontre sur le sujet en Suisse à la fin du mois d’octobre», explique Katja Schreiber, porte-parole de l’entreprise. Adidas, qui s’est doté d’une charte sur la responsabilité sociale de l’entreprise, a l’intention de réunir financiers, assureurs et entreprises du secteur afin de créer un fonds d’indemnisation pour les salariés d’entreprises sous-traitantes situés dans des pays où le droit du travail est ignoré.
La démarche ne plaît pas à tout le monde. Pour Lars Stubbe, de l’ONG Clean Clothes Campaign, l’écart entre les principes énoncés par Adidas et la réalité sur place demeure encore «énorme» et «des doutes» sont permis sur la réalisation de ce fonds. Selon lui, le projet d’Adidas est avant tout une réaction aux pressions venues des USA. A la mi-septembre, Cornell University, l’une des plus grandes universités du pays, a ainsi résilié son contrat de sponsoring, reprochant à Adidas son attitude dans un conflit qui l’oppose aux 2800 anciens ouvriers de PT-Kizone, un autre sous-traitant indonésien en faillite, et pour qui personne ne se sent responsable.
Le levier de l’image
A quel point les entreprises sont-elles socialement responsables? Pour Marie-Noëlle Lopez, directrice de Planet Labor, une agence française de veille sociale européenne et internationale, «il est clair qu’aucune entreprise n’est socialement responsable pour le seul plaisir de l’être. Dans ce domaine, le levier de l’image est essentiel. On est socialement responsable parce que les consommateurs, les investisseurs ou les salariés le veulent.» Pour autant, elle ne rejette pas la démarche d’Adidas et d’autres entreprises qui se sont dotés de chartes internes et autres accords mondiaux sur la responsabilité sociale.
«Il faut distinguer deux types d’instruments: la charte interne imposée de manière unilatérale par la direction et l’accord-cadre négocié au niveau mondial avec les syndicats. Le premier ne fonctionne que s’il y a une vraie volonté managériale de le mettre en œuvre. Tandis que l’autre est un accord d’entreprise contractuel, négocié avec les partenaires sociaux, et qui oblige à rendre des comptes. Mais dans les deux cas de figure, on trouve des exemples positifs et négatifs», précise-t-elle. Dans les deux cas également, l’essentiel est l’importance accordée au suivi et à la mise en œuvre de ces accords.
Accords imprécis
Le discounter allemand KIK (vêtements) vient d’en faire la cruelle expérience. Malgré les contrôles soi-disant «sévères» réalisés par KIK, le feu vient de ravager l’usine d’un de ses sous-traitants pakistanais et l’absence de sorties de secours a coûté la vie à 259 ouvriers! KIK a annoncé que les familles des victimes allaient toucher 1900 euros, une piètre compensation. Bien sûr, la signature d’un accord avec les syndicats (ACM) ne garantit pas non plus le succès: «Je suis allé voir comment étaient appliqués les ACM en Inde dans trois usines de Bosch, Daimler et Volkswagen et personne ne les connaissait. Les directions locales ne sont pas intéressées, les réseaux syndicaux sont lacunaires et les accords sont imprécis. Personne n’est vraiment responsable de la mise œuvre. Il faut s’améliorer sur ce point», témoigne Anton Wundrack, expert syndical allemand.
«Chez Daimler et Faurecia (équipementiers) aux Etats-Unis, nous avons en revanche des exemples positifs où les ACM ont permis d’établir des représentations des salariés dans les entreprises. Chez Danone, qui n’a qu’une charte interne, les suivis et l’intégration des pratiques de responsabilité sociale dans le management sont tout à fait exemplaires. Actuellement, le vrai problème, c’est que les grandes entreprises délèguent de plus en plus de tâches à des sous-traitants et que les accords ne concernent jamais ces derniers», conclut Marie-Noëlle Lopez. I
La démarche ne plaît pas à tout le monde. Pour Lars Stubbe, de l’ONG Clean Clothes Campaign, l’écart entre les principes énoncés par Adidas et la réalité sur place demeure encore «énorme» et «des doutes» sont permis sur la réalisation de ce fonds. Selon lui, le projet d’Adidas est avant tout une réaction aux pressions venues des USA. A la mi-septembre, Cornell University, l’une des plus grandes universités du pays, a ainsi résilié son contrat de sponsoring, reprochant à Adidas son attitude dans un conflit qui l’oppose aux 2800 anciens ouvriers de PT-Kizone, un autre sous-traitant indonésien en faillite, et pour qui personne ne se sent responsable.
Le levier de l’image
A quel point les entreprises sont-elles socialement responsables? Pour Marie-Noëlle Lopez, directrice de Planet Labor, une agence française de veille sociale européenne et internationale, «il est clair qu’aucune entreprise n’est socialement responsable pour le seul plaisir de l’être. Dans ce domaine, le levier de l’image est essentiel. On est socialement responsable parce que les consommateurs, les investisseurs ou les salariés le veulent.» Pour autant, elle ne rejette pas la démarche d’Adidas et d’autres entreprises qui se sont dotés de chartes internes et autres accords mondiaux sur la responsabilité sociale.
«Il faut distinguer deux types d’instruments: la charte interne imposée de manière unilatérale par la direction et l’accord-cadre négocié au niveau mondial avec les syndicats. Le premier ne fonctionne que s’il y a une vraie volonté managériale de le mettre en œuvre. Tandis que l’autre est un accord d’entreprise contractuel, négocié avec les partenaires sociaux, et qui oblige à rendre des comptes. Mais dans les deux cas de figure, on trouve des exemples positifs et négatifs», précise-t-elle. Dans les deux cas également, l’essentiel est l’importance accordée au suivi et à la mise en œuvre de ces accords.
Accords imprécis
Le discounter allemand KIK (vêtements) vient d’en faire la cruelle expérience. Malgré les contrôles soi-disant «sévères» réalisés par KIK, le feu vient de ravager l’usine d’un de ses sous-traitants pakistanais et l’absence de sorties de secours a coûté la vie à 259 ouvriers! KIK a annoncé que les familles des victimes allaient toucher 1900 euros, une piètre compensation. Bien sûr, la signature d’un accord avec les syndicats (ACM) ne garantit pas non plus le succès: «Je suis allé voir comment étaient appliqués les ACM en Inde dans trois usines de Bosch, Daimler et Volkswagen et personne ne les connaissait. Les directions locales ne sont pas intéressées, les réseaux syndicaux sont lacunaires et les accords sont imprécis. Personne n’est vraiment responsable de la mise œuvre. Il faut s’améliorer sur ce point», témoigne Anton Wundrack, expert syndical allemand.
«Chez Daimler et Faurecia (équipementiers) aux Etats-Unis, nous avons en revanche des exemples positifs où les ACM ont permis d’établir des représentations des salariés dans les entreprises. Chez Danone, qui n’a qu’une charte interne, les suivis et l’intégration des pratiques de responsabilité sociale dans le management sont tout à fait exemplaires. Actuellement, le vrai problème, c’est que les grandes entreprises délèguent de plus en plus de tâches à des sous-traitants et que les accords ne concernent jamais ces derniers», conclut Marie-Noëlle Lopez. I