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Le FMI vient de rendre la version octobre 2012 de son rapport sur la stabilité financière dans le monde. Pas très engageant lorsqu’on lit entre les lignes…
Franchement, nous avons littéralement a-do-ré le chapitre 3 traitant du rapport entre la finance et l’économie (cf. « changing global financial structures ; can they improve economic outcomes ? ») de la dernière livraison du FMI sur la Stabilité financière du Monde (Global Financial Stability Report).
Comme toute recherche ayant quelques prétentions un peu académiques, c’est bien entendu la règle du ‘ni oui ni non bien au contraire’ qui y prévaut. Le Diable sait se glisser dans les détails, c’est bien connu ; il faut donc analyser le pensum des petites mains de Christine Lagarde avec une attention soutenue sur les interlignes ; ça permet par exemple d’y découvrir (page 15) que sur les pays étudiés de 1998 à 2000, plus la proportion de banques étrangères dans un pays donné est élevée et plus la croissance y est faible et la volatilité élevée ; tiens tiens quelle surprise …
Pour ajouter à la tradition du ni oui ni non, rien de tel qu’un fastidieux recensement bibliographique sur la relation entre structures financières et résultats économiques. Les experts de Washington s’y emploient donc à partir de la page 24. No comment…
Le premier bulletin (« Quel compromis entre croissance et sécurité du secteur financier ? ») est un effrayant aveu d’impuissance :
Avec sans doute présent à l’esprit le gênant contre-exemple islandais, les grosses têtes en viennent à admettre du bout des lèvres « qu’aucun modèle de structure financière ne répond à toutes les situations…et que ce qui vaut pour la Chine ne s’applique pas forcément à l’Allemagne et que ce qui est bon pour le Japon ne l’est pas nécessairement pour les Etats Unis. » ; ce sont les grecs qui vont apprécier…
Certes, on confirme que plus le ratio des fonds propres aux actifs des banques est élevé et meilleurs sont les résultats de l’économie, mais aussi que « le mieux est l’ennemi du bien » et « qu’un système trop sûr réduit le volant de fonds disponibles pour les prêts et freine la croissance ». Bref qu’en matière de régulation et de supervision bancaire, il faut « ni trop, ni trop peu – juste ce qu’il faut ». La belle affaire : les banques n’ont pas attendu l’entrée en vigueur des normes « Bâle III » pour réduire la voilure envers l’économie réelle afin de mobiliser un max de tunes sur des activités aussi risquées que rémunératrices quitte à abandonner les vrais gens à leur triste sort…
C’est dans le second bulletin (« Les travaux pour un système financier mondial plus sûr n’ont pas encore abouti ») que les experts du FMI se montrent nettement plus facétieux.
Une lucidité hélas éphémère et rapidement mise à mal au paragraphe sous-titré « Dans la bonne direction » où le naturel reprend très vite le dessus : « la bonne nouvelle est que la mondialisation financière ne semble pas avoir été mise en cause… » (alors que les mêmes experts constatent par ailleurs, comme indiqué plus haut, la corrélation négative entre forte proportion de banques étrangères et croissance !).
De plus, comment ne pas s’émouvoir de les voir se tirer dans le pied une balle de très gros calibre dès la ligne d’en dessous en constatant : (« …qu’en l’absence de mesures appropriées, les économies fortement intégrées restent vulnérables à des effets de contagion transfrontaliers dommageables ».
Ou bien la petite phrase anodine qui vise sans les nommer les politiques folles de Quantitative Easing des banques centrales engagées dans une course folle au rachat de tous les titres obligataires pourris qui traînent, et au déversement gratuit vers les banques, de fafiots fraîchement imprimés : « Le faible niveau des taux d’intérêt est essentiel pour le moment mais il peut également être source de vulnérabilités à l’avenir. C’est maintenant qu’il faut avertir les autorités de réglementation et de surveillance, des effets secondaires possibles de ces mesures liées à la crise, pour que, par la suite, elles ne soient pas surprises par de nouveaux risques ».
C’est sûrement très utile en effet de rappeler à Super Mario (Draghi) et à son alter ego barbu de la FED déterminés à jeter le bébé avec l’eau du bain, que si les trillions balancés à taux zéro par les fenêtres de leurs forteresses parviennent péniblement à contenir la progression de l’épidémie, de quelle marge de manœuvre disposeront-ils d’ici quelques mois, si ce n’est de créer la plus importante période de « stagflation » que le monde ait jamais connu ?
La cerise sur le gâteau vient au paragraphe « Il y a encore beaucoup à faire » qui suit l’aveu le plus flippant des experts-maison selon lequel « Nous ne voyons pas encore les effets des réformes ; elles ont de longs délais de mise en œuvre et la crise n’est pas terminée… ».
Le fruit défendu consiste bien sûr dans le traitement qu'il convient d'administrer aux établissements bancaires "trop importants pour faire faillite". Il faut croire que le fruit en question n'est pas encore à maturité du côté de Washington ; les experts s'en tirent donc par une prudente et attendrissante suggestion selon laquelle on attend : "la réalisation de nouveaux progrès dans la solution des problèmes posés par les grands établissements financiers en difficulté y compris la résolution transfrontalière des défaillances pour mieux ancrer les bienfaits de la mondialisation financière." Chez DEXIA, on doit boire du petit lait.
Quant à la suggestion d’un séjour en prison pour les auteurs de ces abus de confiance, recel d’abus de confiance, vol en bandes organisées, corruption active et passive d’ampleur inégalée, qui ont mené les établissements financiers qu’ils dirigeaient en soins intensifs plutôt que palliatifs aux frais des contribuables du monde, elle n’est pas prête d’être inscrite à l’ordre du jour des travaux du FMI. Est ce véritablement surprenant ?
lun, 01/10/2012 - 23:15
Franchement, nous avons littéralement a-do-ré le chapitre 3 traitant du rapport entre la finance et l’économie (cf. « changing global financial structures ; can they improve economic outcomes ? ») de la dernière livraison du FMI sur la Stabilité financière du Monde (Global Financial Stability Report).
Comme toute recherche ayant quelques prétentions un peu académiques, c’est bien entendu la règle du ‘ni oui ni non bien au contraire’ qui y prévaut. Le Diable sait se glisser dans les détails, c’est bien connu ; il faut donc analyser le pensum des petites mains de Christine Lagarde avec une attention soutenue sur les interlignes ; ça permet par exemple d’y découvrir (page 15) que sur les pays étudiés de 1998 à 2000, plus la proportion de banques étrangères dans un pays donné est élevée et plus la croissance y est faible et la volatilité élevée ; tiens tiens quelle surprise …
Pour ajouter à la tradition du ni oui ni non, rien de tel qu’un fastidieux recensement bibliographique sur la relation entre structures financières et résultats économiques. Les experts de Washington s’y emploient donc à partir de la page 24. No comment…
Deux bulletins en bonus
Sentant bien qu’il a laissé son public sur sa faim, le Fond vient préciser le fond de sa pensée dans deux courts bulletins en ligne (cf. pièces jointes) datés du 25 septembre, qui en disent long sur le degré d’incertitude au sein des grandes institutions financières internationales quant à ce qu’il convient de faire pour sortir le monde du merdier dans lequel l’ont plongé les banquiers avides.Le premier bulletin (« Quel compromis entre croissance et sécurité du secteur financier ? ») est un effrayant aveu d’impuissance :
Avec sans doute présent à l’esprit le gênant contre-exemple islandais, les grosses têtes en viennent à admettre du bout des lèvres « qu’aucun modèle de structure financière ne répond à toutes les situations…et que ce qui vaut pour la Chine ne s’applique pas forcément à l’Allemagne et que ce qui est bon pour le Japon ne l’est pas nécessairement pour les Etats Unis. » ; ce sont les grecs qui vont apprécier…
Certes, on confirme que plus le ratio des fonds propres aux actifs des banques est élevé et meilleurs sont les résultats de l’économie, mais aussi que « le mieux est l’ennemi du bien » et « qu’un système trop sûr réduit le volant de fonds disponibles pour les prêts et freine la croissance ». Bref qu’en matière de régulation et de supervision bancaire, il faut « ni trop, ni trop peu – juste ce qu’il faut ». La belle affaire : les banques n’ont pas attendu l’entrée en vigueur des normes « Bâle III » pour réduire la voilure envers l’économie réelle afin de mobiliser un max de tunes sur des activités aussi risquées que rémunératrices quitte à abandonner les vrais gens à leur triste sort…
C’est dans le second bulletin (« Les travaux pour un système financier mondial plus sûr n’ont pas encore abouti ») que les experts du FMI se montrent nettement plus facétieux.
Les aveux du second bulletin
Si, aux dires véhéments de l’internationale des Banksters, il existait encore un doute infime, c’est la première fois qu’un grand argentier mondial identifie avec une justesse jusqu’ici inédite, l’acte fondateur de la gabegie ambiante : « La crise financière mondiale qui a commencé sur le marché des prêts hypothécaires à risque aux Etats Unis avant de s’étendre au monde entier, a provoqué le plus grave ralentissement de l’activité économique que le monde ait connu depuis la Grande dépression, a mis au chômage des millions de personnes et obligé ( !) les pouvoirs publics à renflouer un certain nombre d’établissements financiers importants ». Amen. Avec une pensée émue pour nos voisins espagnols qui viennent de rééditer l’exploit et hésitent encore à demander le bénéfice d’un plan de sauvetage européen qui les précipiterait dans un scénario tragique à la grecque…Une lucidité hélas éphémère et rapidement mise à mal au paragraphe sous-titré « Dans la bonne direction » où le naturel reprend très vite le dessus : « la bonne nouvelle est que la mondialisation financière ne semble pas avoir été mise en cause… » (alors que les mêmes experts constatent par ailleurs, comme indiqué plus haut, la corrélation négative entre forte proportion de banques étrangères et croissance !).
De plus, comment ne pas s’émouvoir de les voir se tirer dans le pied une balle de très gros calibre dès la ligne d’en dessous en constatant : (« …qu’en l’absence de mesures appropriées, les économies fortement intégrées restent vulnérables à des effets de contagion transfrontaliers dommageables ».
C’est au paragraphe consacré à « la réforme monétaire comme point de mire » que les experts tirent un véritable feu d’artifice qui donne toute la mesure de leur impuissance et met en pleine lumière leur conviction intime selon laquelle rien n’est réglé : « il faut admettre que des produits novateurs sont déjà en cours d’élaboration pour contourner certaines des nouvelles réglementations. Les nouvelles normes bancaires encourageront peut être le transfert de certaines activités vers le secteur financier non bancaires qui échappe à ces normes… » ; bref, bye-bye investment banking, bonjour hedge Funds incontrôlés…
Ou bien la petite phrase anodine qui vise sans les nommer les politiques folles de Quantitative Easing des banques centrales engagées dans une course folle au rachat de tous les titres obligataires pourris qui traînent, et au déversement gratuit vers les banques, de fafiots fraîchement imprimés : « Le faible niveau des taux d’intérêt est essentiel pour le moment mais il peut également être source de vulnérabilités à l’avenir. C’est maintenant qu’il faut avertir les autorités de réglementation et de surveillance, des effets secondaires possibles de ces mesures liées à la crise, pour que, par la suite, elles ne soient pas surprises par de nouveaux risques ».
C’est sûrement très utile en effet de rappeler à Super Mario (Draghi) et à son alter ego barbu de la FED déterminés à jeter le bébé avec l’eau du bain, que si les trillions balancés à taux zéro par les fenêtres de leurs forteresses parviennent péniblement à contenir la progression de l’épidémie, de quelle marge de manœuvre disposeront-ils d’ici quelques mois, si ce n’est de créer la plus importante période de « stagflation » que le monde ait jamais connu ?
La cerise sur le gâteau vient au paragraphe « Il y a encore beaucoup à faire » qui suit l’aveu le plus flippant des experts-maison selon lequel « Nous ne voyons pas encore les effets des réformes ; elles ont de longs délais de mise en œuvre et la crise n’est pas terminée… ».
Le fruit défendu consiste bien sûr dans le traitement qu'il convient d'administrer aux établissements bancaires "trop importants pour faire faillite". Il faut croire que le fruit en question n'est pas encore à maturité du côté de Washington ; les experts s'en tirent donc par une prudente et attendrissante suggestion selon laquelle on attend : "la réalisation de nouveaux progrès dans la solution des problèmes posés par les grands établissements financiers en difficulté y compris la résolution transfrontalière des défaillances pour mieux ancrer les bienfaits de la mondialisation financière." Chez DEXIA, on doit boire du petit lait.
Quant à la suggestion d’un séjour en prison pour les auteurs de ces abus de confiance, recel d’abus de confiance, vol en bandes organisées, corruption active et passive d’ampleur inégalée, qui ont mené les établissements financiers qu’ils dirigeaient en soins intensifs plutôt que palliatifs aux frais des contribuables du monde, elle n’est pas prête d’être inscrite à l’ordre du jour des travaux du FMI. Est ce véritablement surprenant ?