«
Je pense que les agences internationales de notation devraient garantir la sécurité du système financier mondial » tels sont les mots du président, Guan Jianzhong, de l’agence de notation chinoise
Dagong dans un contexte de crise financière globalisée. Les agences de notation sont des organismes indépendants spécialisés dans l’étude du risque de défaut. Les plus reconnues sont
Fitch,
Moody’s et
Standard and Poor’s, agences de notation anglo-saxonnes, qui représentent à elles seules plus de 97% de la notation financière. Cet oligopole s’appuie sur une réputation bâtie depuis plus de 100 ans. L’agence
Dagong, quant à elle, s’est développée dès 1994 sous l’impulsion de sept institutions étatiques chinoises (1). Son président, Guan Jianzhong, possède 60% des capitaux de l’agence, les 40% restants appartiendraient à l’un des fondateurs dont ne connaît pas l’identité. Guan Jianzhong a reçu, en janvier 2012, le prix du « Shangai leader talent ». Aujourd’hui l’agence compte 1 000 salariés répartis dans 34 succursales éparpillées sur le sol chinois. L’émergence d’une agence notation au sein du pays premier créancier de la planète change les codes d’une industrie jusqu’ici peu diversifiée. Selon le directeur de l’agence, nous sommes dans «
une situation où les pays endettés dominent le système de notation et fournissent des informations qui leur sont favorables entraînant ainsi l’effondrement du rapport créancier/débiteur » (2).
En effet, contrairement aux pays occidentaux, la Chine n’a pas subi directement les conséquences de la crise financière et économique qui a éclaté en 2007. Elle avait déjà accumulé jusque-là une richesse sans précédent, la plaçant en seconde puissance économique mondiale. En 2011, l’excédent commercial s’élevait à 155,14 milliards de dollars. Ce surplus de richesse lui a permis d’investir dans d’autres pays tels que les Etats-Unis. Ainsi la Chine détiendrait 8% de la dette américaine. Pour le président de l’agence Dagong, les agences Moody’s, Fitch et Standard & Poors continuent d’attribuer la note maximale aux Etats-Unis alors que, toujours selon lui, la capacité de ce dernier à rembourser sa dette est de plus en plus faible. On note bien de la part de Guan Jianzhong une certaine amertume à l’égard des agences de notations anglo-saxonnes et du principal rival de la Chine, le pays de l’oncle Sam. De surcroit, toujours selon le président de Dagong, il existe des différences de traitement entre la crise aux Etats-Unis et la crise en Europe (3).
- Une agence de notation avec une nouvelle vision du monde
Au-delà du cas particulier des Etats-Unis, le directeur de l’agence de notation chinoise reproche aux Big Three (4) de se focaliser essentiellement sur des critères politiques qu’elle qualifie même d’idéologiques tels que le degré d’ouverture à l’étranger ou encore le régime politique. Clément Lacombe, journaliste économique au Monde, explique qu’ « en Russie dans la fin des années 1990, il y a eu des débats entre les agences de notation au sujet de la notation au sujet du groupe pétrolier Ioukos qui était le grand groupe pétrolier de l’époque et qui présentait des résultats absolument fabuleux, une dette très faible etc…seulement il était en Russie, et à tout moment l’Etat peut décider de nationaliser les entreprises, il y avait donc un risque politique derrière » (5). On peut donc se demander si cette même société aurait obtenu la même note avec l’agence Dagong. A cela, nous pouvons ajouter que Dagong se distingue de ses concurrents par ses notations souvent moins bonnes que les anglo-saxonnes à l’égard des Etats-Unis et des pays de l’Union Européenne. Par exemple, la France obtient avec Dagong « A+ » alors que S&P lui attribue un « AA+ » sachant que les deux agences utilisent une grille de notation similaire. En outre, si l’on se focalise sur les méthodologies employées, Dagong cherche à se différencier de ses principaux concurrents par l’emploi beaucoup plus marqué de critères quantitatifs et particulièrement ceux concernant la création de valeur des économies. Dagong revendique une philosophie qui intègre le « potentiel de croissance des pays » (6). C’est pourquoi les économies émergentes, en forte croissance, obtiennent des notes supérieures aux européennes, en stagnation.