samedi 12 janvier 2013

Négociations emploi: l'accord trouvé instaure plus de précarité (l'humanité)

- le 11 Janvier 2013

Négociations emploi: l'accord trouvé instaure plus de précarité

 
Récit. Plus de flexibilité pour les entreprises contre quelques droits nouveaux aux salariés. L'accord sur la réforme du travail satisfait amplement les représentants du patronnat. Ceux de la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC en donnent un avis positif. La CGT et FO dénoncent "un jour sombre pour les droits des salariés", qui "renforce la précarité".
Retour sur cette journée particulière pour le droit du travail.
11 heures 30. Il aura fallu patienter jusqu'à la mi-journée pour que le patronat arrive avec un nouveau texte. La fameuse taxation des contrats courts attendue depuis le début de la négociation est enfin dedans. La cotisation d'assurance chômage sera portée à 7% pour les contrats d'une durée inférieure à un mois et à 5,5% pour les contrats d'une durée comprise entre 1 et 3 mois, contre 4 % actuellement. Mais les contrats pour l'exécution d'une tâche précise ne seront pas concernés ainsi que les contrats saisonniers. En contrepartie, le CDI conclu pour l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans est exonéré de cotisations patronales d'assurance chômage pendant une durée de 3 mois, dès lors qu'il se poursuit au-delà de la période d'essai.
Midi. Pendant que les syndicats décortiquent le texte, Patrick Bernasconi, négociateur pour le Medef, fait son apparition. Satisfait, il annonce que la taxation de certains CDD coûtera 110 millions d'euros mais que l'exonération fera économiser rien de moins que 150 millions au patronat. « Nous prenons en considération l'emploi des jeunes, en incitant les chefs d'entreprises à aller dans ce dispositif », s'est-il réjoui.
14 heures. L'ajout de cet article va dans le sens de ce que souhaitait la CFDT, même s'il reste encore de nombreux points à préciser. Patrick Pierron, son négociateur, explique la portée de cet article: «650 000 à 900 000 jeunes pourront bénéficier de cette mesure. Mais on a encore trois ou quatre points à trancher pour continuer à avancer.»

Au contraire pour Agnès le Bot, de la CGT, « de notre point de vue, ça ne fera pas reculer la précarité. Il n'y a pas de mesures spécifiques sur les entreprises de plus de 2000 salariés, qui sont les plus grandes utilisatrices de CDD. Elles profiteront en revanche de l'exonération sur le CDI"!
17 heures. Nouvelle suspension de séance. Le patronat est en train de modifier son texte. La plupart des syndicats refusent l'article qui fait prévaloir le fond sur la forme en cas de recours du salarié en justice. La CFDT souhaite aussi que les contrats d'usages, présents dans l'hôtellerie et le spectacle, soit inclus dans le dispositif de majoration des cotisations d'assurance chômage. Ces contrats ont représenté la moitié des contrats de moins d'un mois en 2010.
Pour Stéphane Lardy,de FO, cet article ajouté ce matin « est une occasion ratée. Il faut taxer tous les contrats précaires, sinon les entreprises vont aller vers les contrats non taxés ».
20 heures. Les discussions reprennent entre syndicats et patronats.

22 heures 15. Après une ultime interruption de séance, un projet d'accord est trouvé. La CFDT et la CFTC se disent prêtes à signer. La CFE-CGC réserve sa réponse qui devrait être positive. Lors des dernières modifications, le patronat a notamment cédé sur la revendication de la CFDT sur la taxation des CDD d'usage. Pour Patrick Pierron, de la CFDT, « ce projet d'accord est ambitieux pour lutter contre le chômage, favoriser l'emploi et lutter contre précarité ».
Interrogé sur les nombreuses flexibilités du texte, facilités pour licencier et en prime la création de dernière minute d'un CDI intérimaire(!), le syndicaliste botte en touche. L'avis de Joseph Thouvenel de la CFTC, est aussi positif. Pour Marie-Françoise Leflon, de la CFE-CGC, "on a abouti à un accord plus équilibré qu'au début de la négociation". De son côté, Patrick Bernasconi, pour le Medef, se réjouit. Il a obtenu un texte très largement en faveur du patronat. "Nous allons être une meilleure référence en terme de flexisécurité pour le travail et les entreprises", sourit-il.
Pour FO et la CGT, c'est un "non" ferme. Stéphane Lardy, de Froce ouvrière, enrage: "C'était les soldes pour les droits des salariés". Pour Agnès le Bot, de la CGT, « c'est un accord proprement inacceptable, à contrario de l'objectif initial de sécurisation de l'emploi. Les entreprises seront plus libres de licencier. On va informer et mobiliser les salariés ». Les centrales syndicales consulteront leurs instances la semaine prochaine pour confirmer leur avis sur la signature.

Les principaux points de l'accord. Côté flexibilité, figurent notamment l'encadrement des accords permettant de baisser salaires et/ou temps de travail en cas de difficulté, des mesures pour faciliter et "déjudiciariser" les licenciements et la possibilité de restructurer sans plan social via une mobilité obligatoire. En contrepartie, de nouveaux droits sont octroyés aux salariés et aux chômeurs: généralisation d'une complémentaire santé, limitation des temps partiels ou encore droits rechargeables à l'assurance-chômage.