lundi 14 janvier 2013

Sécurisation de l’emploi ? Non, coup bas contre les travailleurs ! (Agoravox)

Sécurisation de l’emploi ? Non, coup bas contre les travailleurs !

par Jacques Arfeuillère lundi 14 janvier 2013 -
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/securisation-de-l-emploi-non-coup-128917


La CFDT salue l'accord sur la flexisécurité, le qualifie même d'historique ! A nous, salariés, d’organiser maintenant les ripostes avec les syndicats qui refusent de casser davantage le droit du travail, qui savent que protéger le travailleur, c'est protéger le travail : avant que cet accord ne se traduise dans la loi (avril), on doit entendre les forces de gauche parler d'une voix audible face à l'intox conjointe du patronat, du social-libéralisme, du syndicalisme dit "réformiste".

Il y a d’abord le mot ! « Flexisécurité », invention néerlandaise popularisée par le Danemark, le système repose sur la croyance que les deux parties du mot-valise (flexibilité de la gestion de l’emploi pour l’employeur, sécurité pour le salarié) peuvent construire un bagage suffisant pour effectuer sans encombre le périple que tout travailleur a à accomplir durant sa vie d’actif. Le retrouver aujourd’hui au cœur du lexique politique et syndical quand il s’agit de définir une politique de l’emploi, n’est pas surprenant : quand un ministre du budget affirme devant des millions de téléspectateurs qu’il n’a jamais cru qu’il y eût une lutte des classes, on comprend que cette politique ne peut être fondée que sur la confiance benoîte que le patronat ne cherche au bout du compte, quand il réclame le droit de licencier, que la possibilité d’embaucher davantage !
Nous voilà donc à courir à nouveau après ce modèle danois dont on ne dit pas assez qu’il produit un taux de pauvreté de 12%, chiffre comparable à ce que nous connaissons en France. Laurence Parisot est bien dans son rôle à affirmer depuis des décennies que les entreprises ont besoin de flexibilité pour créer des emplois. Nous sommes cependant dans le nôtre, et certains syndicats, ne devraient pas l’oublier en martelant que la priorité des priorités, c’est bien la sécurité des travailleurs pour lesquels, par définition, la société doit assumer collectivement les conditions d’une existence décente.
Il y a ensuite le mot « historique ». Employé par François hollande pour essayer de donner à l’enjeu des négociations entre patronat et syndicats une portée qui le fasse enfin sortir de son image piège de « normalité » ; employé par la CFDT pour masquer la nouvelle trahison dont la centrale syndicale s’apprête à entacher l’histoire du mouvement social. Le mot, là, malheureusement, est plus que pertinent : un tel accord est effectivement historique ! Il donne le premier coup de masse sur le CDI dont il anticipe la mort prochaine, il restreint le doit des travailleurs à être indemnisés devant les prud’hommes. Il est à tous les étages, un recul de la protection des salariés !
Rappelons cependant que les droits sociaux, contenus dans le code du travail, ne sont pas un obstacle à l’emploi. Au contraire, « il a permis que la France soit moins frappée par la hausse de chômage que les autres pays européens où la précarité est plus prononcée dans le droit du travail. Entre le début 2008 et la mi-2012, elle est un des trois seuls pays, avec l’Autriche et l’Allemagne, où l’embauche des 25-29 ans s’est globalement maintenue alors qu’il a baissé dans les autres pays. Et le fameux modèle danois, où s’applique la « flexisécurité », le taux d’emploi y a reculé de 4,5 points », rappelle Alexis Corbière, membre du Bureau National du Parti de Gauche.
Chez les socialistes-mêmes, on reconnaît l’imposture !
"Le temps de lire ces accords, on est effaré !" Ce n'est pas nous qui le disons, c'est Gérard Filoche (Dont on aimerait bien, entre parenthèses, qu'il franchisse enfin le pas et tire les conclusions qui s'imposent de son analyse de la politique du gouvernement). Spécialiste du droit du travail et des questions sociales, il livre, en tout cas, une analyse point par point des accords qui permet de remettre les choses à leur place, de comprendre que la fameuse taxation des CDD dont se rengorge la CFDT, représente en fait un gain net de 45 millions pour le patronat ; que le CDI, pour certains secteurs, devient "intermittent" ; que les dommages et intérêts aux prudhommes seront plafonnés, que l'assurance complémentaire pour tous ne consistera pas à abonder la sécu mais les assurances privées et dans des conditions qui laissent rêveurs... J'arrête la liste. Les syndicats signataires qui ne représentent, rappelons-le que 25 % des salariés, feraient bien de réfléchir avant de parapher définitivement ces accords, et la représentation parlementaire fera bien de regarder dans le détail les termes du débat qui lui sera proposé : nous sommes devant une agression sans précédent des travailleurs de ce pays. Si tous ne peuvent encore lire entre les lignes les conséquences désastreuses de cet accord, ils seront nombreux demain à en éprouver les effets. Les responsables syndicaux qui font défaut aujourd'hui, feraient bien d'y penser !
Photographie Séverine Lenhard