Remettre l’Europe sur ses pieds !
Contribution de D&S, écrite pour le CN du 13 avril, en vue de la convention Europe du Parti socialiste du 15 juin, du débat de la motion 3 préparatoire à cette convention, d’un texte commun motion 4 et UMA. Si la gauche du parti s’assemble, elle peut rencontrer un très large succès dans la convention (dépôt des textes le 30 avril, arrivée chez les militants le 7 mai, débats entre le 8 mai et le 6 juin, vote le 7 juin, convention nationale le 16 juin) (Cf. revue mensuelle D&S n°204 avril 2013)
L’Europe a suscité un immense espoir pour les peuples européens après les deux guerres atroces qui avaient laissé exsangue notre continent.
L’Union européenne a une population et un PIB qui en font un espace suffisamment puissant pour instaurer une zone d’activité financière mettant hors la loi la spéculation. Un espace dans lequel il est possible de réaliser les investissements publics qui assureront la transition énergétique Un espace où il est possible d’instaurer une harmonisation fiscale et une harmonisation sociale vers le haut.
L’Europe libérale que nous imposent Angela Merkel et les marchés financiers tourne le dos à cette espérance. L’Union européenne aujourd’hui se construit sans les peuples européens et de plus en plus, malheureusement, contre eux.
I- Ils mènent l’Europe droit dans le mur !
L’euro « sauvé » 13 fois en 3 ans !
Depuis la crise grecque du printemps 2010, l’euro a été « sauvé » tous les trois mois. Une monnaie à la merci de la crise d’un pays (Chypre) dont l’économie s’élève à 0,2 % du PIB de cette zone n’a pas d’avenir. Il faut d’urgence modifier profondément ses règles de fonctionnement.
L’éclatement de la zone euro entraînerait, à plus ou moins brève échéance, l’implosion de l’Union européenne. Nous savons ce que signifierait, en France, l’éclatement de la zone euro : le risque immédiat de l’arrivée au pouvoir de l’UMP-FN ou du FN-UMP car il n’y a plus, aujourd’hui, que l’euro qui les sépare.
La démocratie recule en Europe
Avec la réforme de la « gouvernance » européenne imposée par Angela Merkel les Parlements des Etats de l’Union européenne sont en train de perdre la plus importante de leurs prérogatives : le vote du budget. Le budget de l’Union européenne ne compense pourtant en rien cette perte de souveraineté des Etats. Il reste toujours aussi dérisoire : 1 % du PIB européen alors que celui des Etats-Unis est supérieur à 20 %.
Les « plans de sauvetage » sont des plans de sauvetage des banques
L’Union européenne, aujourd’hui, pour des millions d’Espagnols, de Grecs, d’Irlandais, de Portugais et maintenant de Chypriotes, ce sont les plans de destruction sociale imposés par la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI). Ces plans ne sont pas des « plans de sauvetage » de la Grèce, de l’Irlande ou du Portugal mais uniquement des plans de sauvetage des banques allemandes, britanniques et françaises qui risqueraient d’être emportées dans le naufrage des dettes publiques. Les pays concernés ne voient pas la couleur d’un centime d’euro des fonds versés par la Troïka. Ces fonds sont utilisés pour rembourser les titres des dettes publiques arrivés à échéance que détiennent les banques et les assurances.
L’extrême-droite qui prospère partout en Europe prend appui sur le chômage et la crise de l’Union pour exiger des référendums contre le maintien dans l’Union européenne ou dans la zone euro. Qui oserait affirmer aujourd’hui qu’ils n’auraient aucune chance d’être victorieux ? Les 48,5 % de voix obtenues par le Front National dans l’élection législative partielle de l’Oise n’ont, hélas, rien d’anecdotique.
II – Il est impératif de rompre avec la politique d’Angela Merkel !
Rompre avec la politique de « rassurer les marchés »
Il faut, d’urgence, rompre avec la politique suicidaire de « rassurer les marchés » et décider d’affronter la finance comme l’avait annoncé François Hollande dans son discours du Bourget. Chercher à « rassurer les marchés » a provoqué une triple catastrophe.
Une catastrophe sociale tout d’abord
Près de 20 millions de personnes sont au chômage (catégorie 1) dans la zone euro, 11,6 % de la population active. Le taux de chômage atteint 10,5 % en France, 12 % en Italie, 17 % au Portugal, 27 % en Grèce et en Espagne.
Une catastrophe économique ensuite
Depuis l’adoption du TSCG, la récession devient le seul horizon européen. Le « Pacte de croissance » de François Hollande était une tentative pour combler avec une petite cuillère le trou que l’austérité de Merkel creuse avec une pelleteuse.
L’austérité a échoué partout en Europe. Partout où les Etats appliquent cette politique ce n’est pas la croissance qui est au rendez-vous, mais la récession ou la stagnation économique. En France, c’est une croissance zéro qui est (pour le moment) au rendez-vous en 2013. Ce chiffre est terrible. Il n’est possible de commencer à créer des emplois qu’avec une croissance d’au moins 1,5 %. Une croissance zéro signifie une perte supplémentaire de centaines de milliers d’emplois.
Imposer la réduction à marche forcée des déficits publics signifie enclencher un cercle vicieux redoutable puisque l’austérité entraîne la récession, ce qui augmente la dette publique et qu’on y répond par de nouvelles mesures d’austérité… Ce cercle vicieux est d’autant plus redoutable que, non seulement la demande intérieure des pays européens diminue, mais qu’il en va de même pour leur demande extérieure. 60 % des échanges de la zone euro se font à l’intérieur de la zone euro alors que les politiques de rigueur y sont appliquées simultanément.
Une catastrophe financière, enfin
A l’exact opposé de ce qui nous était annoncé, les dettes publiques augmentent considérablement partout en Europe. La Grèce avait une dette publique de 113 % fin 2009, elle atteignait 152,6 % au 3ème trimestre 2012. La dette irlandaise bondissait de 25 % du PIB fin 2007 à 117 % fin 2012. La dette espagnole de 37 % à 77,4 % dans le même temps. La dette portugaise de 70 % à 120,3 %. La dette italienne de 105 à 127,3 %. La dette chypriote va doubler et dépasser les 120 %. En France, la dette publique atteint 90,2 % du PIB fin 2012 contre 86 % un an auparavant.
Rompre avec la volonté de rembourser l’intégralité de la dette publique !
Il faut rompre avec le poids d’une dette qui n’est plus supportable, qui ne cesse de croître (et qui ne pourra pas, de toute façon, être remboursée dans son intégralité. Elle a déjà été restructurée en Grèce, malgré toutes les proclamations de la Commission européenne. Comment pourrait-elle ne pas l’être en Irlande, au Portugal, en Espagne, en Italie et demain en France ou en Allemagne ?
La « dette publique » est utilisé comme levier contre les acquis sociaux : les salaires, les retraites, la sécurité de l’emploi, la sécurité sociale, la fonction publique, les entreprises publiques qui, dans le cadre des plans de privatisation, deviennent la proie des multinationales.
L’origine de la dette se trouve dans la baisse généralisée des impôts des riches et des sociétés depuis le début des années 2000. Dans des pays comme l’Irlande ou l’Espagne elle est, pour l’essentiel, le transfert des dettes privées des banques à la dette publique. En quoi serait-il « moral », comme l’affirmait François Hollande a Dijon en mars dernier, de renoncer à une retraite à taux plein à 60 ans, à une assurance maladie qui permet de se soigner correctement, à un hôpital public de qualité pour rembourser aux banques et aux compagnies d’assurance l’intégralité de la dette publique et, en plus, comme en 2012, de leur payer 48,8 milliards d’euros d’intérêt ?
Cela ne sera pas la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une dette ne sera pas remboursée dans sa totalité. De l’Empire romain à la restructuration de la dette grecque en 2012, en passant par Charles Quint, la Russie en 1998 ou l’Argentine en 2001 c’est au contraire une constante de l’histoire.
Rompre avec l’extrême dangerosité de la « banque universelle »
Il faut en finir avec le « modèle » de la « banque universelle » qui peut, à tout moment, plonger l’économie européenne dans une crise pire que celle de 1929 car ces banques ont aujourd’hui une toute autre capacité de nuisance. Nous avons eu un avant-goût de cette capacité de nuire lors de la crise financière de 2007-2008. L’aurions-nous déjà oubliée ?
La crise chypriote doit aussi nous alerter sur l’ampleur du danger qui nous menace. Les ministres des finances des 17 pays de la zone euro ont poussé les hauts cris en « apprenant » que le total des bilans des banques chypriotes représentait 750 % du PIB de Chypre. Mais la situation est-elle vraiment beaucoup plus rassurante en France où le total des bilans des quatre principales banques s’élève à 400 % du PIB de notre pays ?
Une banque qui fait faillite devrait faire payer le prix de cette faillite à ses actionnaires, pas aux déposants ou aux contribuables européens. Il est donc urgent d’ériger, comme l’avait fait le « Glass Steaggall Act » de Rosevelt, une muraille infranchissable entre les banques de dépôts et les banques d’investissement, c’est-à-dire les banques spéculatives.
III – Remettre l’Europe sur ses pieds
Pour Angela Merkel, l’avenir de l’Union européenne est tout tracé. A coup de « réformes structurelles », c’est-à-dire de baisse des salaires et des retraites, de précarisation de l’emploi, d’asphyxie de la Sécurité sociale, les 17 pays de la zone euro doivent devenir « 17 Allemagnes ». Cela n’a pas de sens. L’excédent commercial de l’Allemagne n’est que la conséquence du déficit commercial de la France, de l’Italie, de l’Espagne…
Le TSCG a montré sa nocivité. En généralisant l’austérité, il a généré la stagnation ou la récession. L’Union européenne doit donc y mettre fin.
Le budget européen doit augmenter considérablement pour permettre de mettre en place des politiques économiques solidaires. Un budget de 5 % du PIB de l’Union européenne, alimenté par un impôt européen spécifique, voté démocratiquement par un Parlement européen souverain, doit être l’objectif de la prochaine législature.
Comme toutes les banques centrales dans le monde, la Banque Centrale Européenne doit pouvoir acheter directement et sans condition les titres des dettes publiques européennes. Elle doit, comme la Réserve fédérale des Etats Unis, avoir pour objectif principal la croissance économique.
Un salaire minimum européen, pour en finir avec le dumping social, doit être instauré par étapes et le temps de travail doit diminuer partout en Europe pour faire reculer le chômage de masse.
Pour protéger cette politique sociale, l’Union européenne doit mettre en place une politique protectionniste. D’abord en mettant fin à la libre circulation des capitaux qui met son économie sous la dépendance des fonds d’investissement ou des fonds spéculatifs anglo-saxons. Ensuite, en protégeant son économie du dumping social orchestré par les firmes transnationales. Ce protectionnisme doit avoir pour seule fonction de défendre les conquêtes sociales et non les profits des entreprises. Il sera donc coopératif. Si un pays étranger à l’Union européenne accepte, par exemple, de taxer le capital ou d’augmenter ses salaires dans les mêmes proportions que le fera l’Union européenne, les protections mises en place seront levées d’autant.
François Hollande doit rompre la « grande coalition » qui le lie à Angela Merkel, et prendre la tête d’une alternative de gauche en Europe en s’appuyant sur les mouvements sociaux de plus en plus puissants, sur les syndicats et les partis de gauche.