Vivre et penser comme la droite : le paradoxe Cahuzac
"La lutte des classes. Vous, vous y croyez toujours. Moi, je n'y ai jamais cru. Jamais."
Jérôme Cahuzac, 07/01/2013. Mots croisés, France 2
Si l'affaire Cahuzac peut également faire comprendre au pouvoir socialiste que c'est avant tout ce laisser-aller de droite qu'il convient de rectifier dans ses rangs, on aura avancé.
"La lutte des classes. Vous, vous y croyez toujours. Moi, je n'y ai jamais cru. Jamais."
Jérôme Cahuzac, 07/01/2013. Mots croisés, France 2
Promis, c'est le dernier billet sur le sujet. Mais, il n'est pas tant question de Cahuzac ici que du rapport de la droite aux agissements de l'ancien ministre du budget.
En effet, la droite est confrontée à un paradoxe. Elle aura beau critiquer le mensonge et par delà la complicité éventuelle d'une partie du gouvernement et d'un manque de morale, dans la pratique, Cahuzac n'a fait que concrétiser la ligne antiimpôts défendue par une large partie de la droite, et bien remise au centre du débat public depuis la rentrée. La ligne est pitchée à la perfection par le député UMP, Jean-Michel Fourgous, jeudi dernier dans le Grand Soir 3:
Après les leçons de patriotisme et d'identité nationale du dernier quinquennat, on se souvient des récents soutiens appuyés d'une bonne partie de l'UMP à l'exil fiscal de Depardieu (l'acteur à 10 patates le navet devenu l'icône du bagne fiscal hexagonal) ou d'un Bernard Arnault (Le Rémi sans famille des multimilliardaires)... Comment la droite peut-elle attaquer l'ex-ministre du Budget sur son manque de moralité et le fait qu'il ait soustrait de l'argent au fisc ? C'est simple, elle ne le peut pas : Cahuzac a eu un comportement de droite. Donc, elle attaque sur le reste.
Quelques jours avant l'aveu de Jérôme Cahuzac, des députés UMP déposaient à l'Assemblée nationale une proposition de loi, d'inspiration Berlusconienne, visant à amnistier fiscalement le rapatriement des capitaux placés à l'étranger. La droite confirme ainsi que ceux que nous considérons comme des coupables, elle les considère comme des victimes (et vice versa).
Quelques jours avant l'aveu de Jérôme Cahuzac, des députés UMP déposaient à l'Assemblée nationale une proposition de loi, d'inspiration Berlusconienne, visant à amnistier fiscalement le rapatriement des capitaux placés à l'étranger. La droite confirme ainsi que ceux que nous considérons comme des coupables, elle les considère comme des victimes (et vice versa).
J'aime bien écouter BFM Business, on y pèche à toute heure de la journée, sans filtre de bienséance, un concentré rapide du délire libéral décomplexé ne tirant des leçons de rien. L'autre soir, on y entendait de la bouche d'un animateur maison que l'affaire Cahuzac n'était pas si grave, car au fond il n'avait pas abusé d'une petite vieille (et je pense qu'il n'était même pas fait allusion à l'affaire Sarkozy / Bettencourt). Comment mieux résumer, l'esprit de droite?[1]. La délinquance n'est qu'une affaire de violence physique locale, ne concernant donc que les pauvres et les ghéttoisés, dont l'avis compte peu puisqu'ils gagnent peu mais avec qui il faudra faire preuve de la plus grande fermeté. La classe supérieure qui a le bon goût d'avoir trop pognon, elle, a le droit d'être délinquante à l'international puisque cela reste sans arme, ni haine, ni violence et que, quelque part, oui monsieur, grâce aux bienfaits internationalement reconnus de la mondialisation, c'est bon pour l'économie[2].
Tout cela est bien sur faux. L'argent de l'exil fiscal, en plus du manque à gagner local, on l'a vu dans l'histoire de Chypre, finit invariablement par jouer contre les peuples de chaque pays, d'abord les pauvres puis les classes intermédiaires. Les coups et blessures sont bien plus violents, bien plus étendus, plus prolongés dans le temps. Des coups indirects et cachés derrière l'anonymat de banques, de comptes offshore, de fonds de pension, ne permettant pas de pointer du doigt un individu responsable : 30.000 milliards de dollars sont dissimulés dans les paradis fiscaux, l'équivalent de 3/4 de la dette mondiale. Les "victimes" vous remercient.
Ne nous trompas pas de cible, Cahuzac n'est pas coupable parce qu'il est politique, c'est juste une circonstance aggravante elle-même aggravée par la période (L'aurait-on autant accablé avec un chômage en baisse et 2% de croissance ? Pas sur). Combien de Cahuzac œuvrent toujours dans l'ombre, sans aucune responsabilité politique ? C'est contre cela qu'il convient de lutter avec fermeté[3].
Si l'affaire Cahuzac peut également faire comprendre au pouvoir socialiste que c'est avant tout ce laisser-aller de droite qu'il convient de rectifier dans ses rangs, on aura avancé.
Articles connexes :
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- Cahuzac ou le symptôme du laxisme fiscal
- Vers un surhomme autonome et défiscalisé
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[1] On reconnait souvent cet esprit à ce qu'il se défend d'être ni de droite ni de gauche (mais surtout pas de gauche).
[2] La ruse de la classe supérieure étant, grâce à ses relais médiatiques, de persuader les classes intermédiaires de se rallier à sa cause en s'appuyant sur le dégoût pour la pauvreté, l’accès au crédit et la stimulation continue du désir de richesse.
[3] Ci-joint la pétition contre la lutte fiscale à destination du gouvernement initiée par Politeeks
[2] La ruse de la classe supérieure étant, grâce à ses relais médiatiques, de persuader les classes intermédiaires de se rallier à sa cause en s'appuyant sur le dégoût pour la pauvreté, l’accès au crédit et la stimulation continue du désir de richesse.
[3] Ci-joint la pétition contre la lutte fiscale à destination du gouvernement initiée par Politeeks