vendredi 6 décembre 2013

Crédit : les banques autorisées à mentir, l’interview d’une avocate (Contre l'usure bancaire)

Crédit : les banques autorisées à mentir, l’interview d’une avocate

ennemi-financeINTERVIEW Ganaëlle Soussens, avocat au barreau de Paris, explique comment la loi de Finances 2014 va permettre aux banques d’éviter toute poursuite lorsqu’elles indiquent un TEG erroné.

A quoi sert le taux effectif global (TEG)?
Le TEG est une information que l’établissement prêteur doit donner à l’emprunteur. L’emprunteur est ainsi en mesure de connaître le coût réel de l’emprunt qu’il contracte. C’est aussi un élément de comparaison entre plusieurs offres de prêt. Cette information permet de comprendre qu’un taux nominal faible mais associé à de nombreux frais peut être moins intéressant qu’un taux nominal plus élevé mais sans frais associés comme les frais de dossier ou les frais de garanties.
Quelle est actuellement la législation bancaire en vigueur en matière de TEG?
Aujourd’hui lorsque le TEG calculé par le banquier et mentionné dans le contrat de prêt est erroné ou omis, l’erreur ou l’omission est sanctionnée. La clause du contrat qui stipule le taux d’intérêt est ainsi frappée de nullité. Par conséquent le taux d’intérêt qui va s’appliquer depuis l’origine du prêt et jusqu’à son terme sera le taux de l’intérêt légal.
Que va changer la loi de finances 2014?
Le projet de loi de finances 2014 tend à modifier ce mécanisme pour les seuls prêts souscrits par des personnes morales, pour le moment…S’il est adopté en l’état, l’article 60 de la loi de finances 2014 viendrait valider a posteriori les contrats dans lesquels ne figurent tout simplement pas de TEG. Et, pour les contrats de prêt dont le TEG est erroné, la sanction serait considérablement diminuée. Il s’agit en fait d’une disposition consentie aux banques dans le cadre de l’article 60 qui prévoit une sécurisation c’est-à-dire une sortie honorable aux collectivités territoriales plombées par des emprunts toxiques. Ce qui va permettre de limiter les risque pour l’Etat et Dexia, la banque des collectivités locales en faillite, qui ne vit aujourd’hui que de l’argent public.

Et quel est l’intérêt pour les banques?

Si la loi de Finances 2014 est votée en l’état, les banques vont tout simplement jouir d’une impunité. Impunité pour le passé et blanc seing pour l’avenir. Les banques ne pourront plus être poursuivies si leurs contrats de prêt n’indiquent pas de TEG ou des TEG faux. Le gouvernement va ainsi accorder aux banques une véritable loi d’amnistie.
Quel va être l’impact pour les emprunteurs?
Pour le moment le dispositif ne vise que les prêts souscrits par des personnes morales, c’est à dire tous les emprunteurs sauf les personnes physiques. Cette catégorie d’emprunteur va se trouver privée d’une information substantielle relative au coût du financement qui lui est accordé. C’est exactement ce qui est arrivé aux collectivités, comme Dexia, qui ont souscrit des emprunts toxiques. Le législateur valide la pratique et crée dans le même article de loi un fonds de soutien aux collectivités piégées.
A quoi peuvent s’attendre les particuliers?
Les particuliers risquent également de perdre le bénéfice des informations qu’apporte la connaissance du TEG. D’un côté la loi définit les modalités de calcul et précise ce qui doit être intégré dans ces calculs. De l’autre côté, le gouvernement prive la loi de cette substance en faisant disparaître la sanction du non respect de la loi, qui plus est de manière rétroactive.
Propos recueillis par Pierrick Pédel pour Challenges http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20131125.CHA7482/credit-les-banques-autorisees-a-mentir-sur-le-taux-effectif-global-teg.html