Taxe Tobin sur les transactions financières : l’Allemagne se rebiffe
Quand les banques allemandes se cachent derrière le droit européen pour refuser l’application de taxes sur les transactions financières …Les fédérations bancaires allemandes se sont officiellement plaintes à Bruxelles des taxes sur certaines transactions financières décidées par la France et l’Italie. Jugeant leur application à d’autres pays membres de l’UE contraire aux principes du Droit européen.
Des courriers ont été adressés à la Commission européenne le 23 septembre dernier, afin que cette dernière se prononce sur la légalité d’appliquer à des banques allemandes une loi française ou italienne, alors que ni l’une ni l’autre n’ont été promulguée en Allemagne ou dans d’autres pays de l’Union européenne. Sous-entendu : la France et l’Italie ne peuvent aucunement se targuer de la primauté du Droit européen sur la législation nationale, le texte concernant les taxes sur les n’ayant pas été voté par les instances européennes.
Rappelons à cet égard que les législateurs français ont instauré la mise en place en août 2012 d’une version restreinte du modèle de taxation des transactions financières développé par l’économiste US James Tobin, dite « Taxe Tobin ». L’Italie emboîtant le pas à la France au printemps 2013. Dans l’Hexagone, la mesure prévoit la création d’une taxe de 0,1 % sur les échanges d’actions des sociétés dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d’euros et dont le siège social est en France. Elle vise aussi, avec un taux de 0,01 %, certains produits ou opérations accusés de favoriser la spéculation tels que les Credit Default Swaps (CDS) ou le « trading à haute fréquence » reposant sur des échanges par ordinateur à la nanoseconde.
Face à de telles mesures, les banques allemandes refusent avant tout une taxation des achats de titres français des clients allemands des banques d’outre Rhin, considérant qu’il s’agit là d’une potentielle atteinte aux principes du Droit européen. Remettant ainsi en cause la taxation de ce qu’elles considèrent être des transactions allemandes et non françaises.
Mais ce que redoutent encore plus les établissements financiers d’outre Rhin, c’est que de telles mesures n’inspirent un peu trop à leur goût d’autres pays membres. «Le pire des scénarios serait que les 27 Etats membres introduisent 27 taxes nationales, ne tenant pas compte de l’endroit où ont lieu les transactions», s’exclament ainsi les banques allemandes. Tentant de faire croire qu’il s’agit là avant tout un problème de forme, et droit européen … alors que c’est au final le fond qui semble poser problème …
En tout état de cause, les services de la Commission européenne ont répondu le 29 novembre dernier, que les missions de contrôle de cette dernière ne s’appliquaient uniquement «sur la législation existante». Sous-entendu : le projet de taxe européenne sur les transactions financières n’ayant pas encore été adopté, la Commission ne peut se prononcer, l’Allemagne faisant en effet référence à des textes nationaux et non pas à une législation européenne.
Précisons à cet égard que la Commission prévoit de taxer à hauteur de 0,1% les transactions d’actions et obligations, et 0,01% celles sur les produits dérivés. L’entrée en vigueur de la taxe, initialement prévue pour janvier 2014, a été repoussée de six mois en juin dernier.
Reste qu’au delà de la bataille juridique, les Etats membres de l’UE sont actuellement divisés face à la mise en place de telles mesures. Si l’idée d’une telle taxation est soutenue par onze pays dont la France, d’autres pays ne l’entendent pas de cette manière.
Mais c’est Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, qui pourrait au final porter soutien aux banques allemandes. Fin octobre, ce dernier a en effet laissé entendre dans un entretien publié par le Financial Times que la Commission européenne devait revoir sa copie sur la Taxe Tobin.
Selon lui, le projet de loi, qui vise à taxer les transactions financières dans 11 pays de la zone euro, constitue en effet « un risque énorme en termes de réduction de la production là où la taxe s’appliquera, de hausse du coût du capital pour les Etats et les entreprises ».
Tout comme le sous-entend l’Allemagne, Christian Noyer craint lui aussi des » délocalisations importantes des activités de trading », tout en redoutant une « baisse de la liquidité des marchés ». Pour le gouverneur de la Banque de France, ce projet doit être « entièrement revu ».
D’autant plus que selon les banques centrales, de telles mesures pourraient provoquer « un assèchement du marché des prises en pension », entravant ainsi la diffusion de la politique monétaire européenne tout en augmentant le risque d’instabilité financière.
En juillet dernier, le ministre français des Finances, Pierre Moscovici, avait jugé quant à lui excessive la proposition de la Commission européenne, estimant qu’elle risquait d’aboutir à l’effet inverse de ce qui était recherché.
En septembre dernier, des experts juridiques européens avaient laissé entendre pour leur part que le projet de taxe Tobin était illégal, l’estimant contraire au principe de la libre circulation des capitaux, élément toutefois réfuté par la Commission européenne.
Source: Le Blog Finance