Ces journaux libéraux qui profitent de la dépense publique
289 millions d'euros...
Combien d'articles lus dans le Figaro, les Echos ou les autres pour fustiger le poids trop lourd des dépenses d'intervention de l'Etat ? On ne les compte plus. Ils encombrent leurs pages jour après jour.
Comment concilier un tel discours austéritaire pour les autres avec le bénéfice de telles aides publiques ?
La nouvelle fut à peine commentée, un peu raillée sur les réseaux sociaux. Le 29 avril dernier, le gouvernement a publié la liste des aides par titre versées en 2013. L'an passé, elles ont totalisé 289 millions d'euros. La liste des 20 premiers bénéficiaires étaient éclairantes:
Avec 16 millions d'euros reçus, le Figaro apparaît donc comme le grand gagnant de cette loterie. Que pouvait-on lire dans les colonnes du Figaro ces derniers jours ? Le 1er mai, l'une des journalistes du service Eco, Caroline Piquet, dressait une liste (non exhaustive) des dépenses inutiles, "l'inventaire de ces comités fantômes auxquels le gouvernement pourrait s'attaquer." Le 30 avril, le même Figaro publiait la tribune de Patrick Devedjian, l'élu francilien UMP avait plein de bons conseils à livrer en matière de réduction de la dépense publique: "C'est le moment d'entreprendre un important programme de privatisation des participations financières de l'Etat qui n'ont d'autre visée stratégique que de caser la haute fonction publique avant ses pantouflages et sans préjudice des conflits d'intérêt !" Le 2 mai, le même Figaro publiait un texte d'un économiste qui fustigeait le coût et l'inefficacité des emplois aidés.
Les Echos, un journal dont trois éditorialistes donnent chaque matin à la radio (deux à France Inter, le troisième sur Europe 1) des leçons de bonne gestion, récupère 4 millions d'euros. Le Point qui affirmait, le 30 avril dernier, que "le gouvernement n'avait plus le droit à l'erreur" en matière de baisse de dépenses, a touché 4,7 millions d'euros. L'Express nous régale tout autant de ses conseils justifiés au plus près des experts des officines néo-lib tel l'institut Montaigne.
Fallait-il préférer Paris Match, dont le choc des photos consiste à dérouler la publicité du couple Carla/Nicolas, et le poids des mots à relayer des éditoriaux sur la rigueur ? La République du Centre (4,6 millions d'euros d'aide publique) où officie Jacques Camus, lequel conseillait fin avril aux députés frondeurs de "s'incliner" ? Ouest France (10 millions d'euros d'aide publique) où François Régis Hutin s'indigne contre les "effectifs de la fonction publique" qui, en France, "ont augmenté, entre 2000 et 2005, de 240 000, soit 48 000 de plus par an en moyenne" ?
Bien sûr, on pouvait se réjouir que d'autres titres, plus rares, tels l'Huma, la Croix ou même le Monde (pas franchement gauchiste, mais un "chouille" plus tolérant vis-à-vis des voix discordantes du moment) étaient également soutenus. Mais là n'était pas le fond du problème.
Tous les relais de la parole dominante touchent sans gêne ni honte des aides publiques directes qui font défaut ailleurs.
Une parole médiatique quasi-unanime, étouffante.
La confirmation était publiée ces derniers jours dans les colonnes de LExpress.fr, sous la plume de Jacques Attali. Il y écrit régulièrement. Il a conseillé François Mitterrand, Nicolas Sarkozy puis maintenant, bénévolement, François Hollande.
Le 4 mai dernier, dans un billet contre la "Droite sans vergogne", il rappelle le fond du problème, sans doute sans mesurer la portée dévastatrice de ses propos. Il critique la droite en expliquant que les Copé, Fillon et consorts ne devraient pas s'énerver puérilement puisqu'il y a consensus sur l'essentiel "parmi les élites".
Il a raison. C'est tout le problème. Le danger menace, un grave danger d'asphyxie générale. Malgré ces millions d'argent public distribué pour aider à la diversité de la presse, le discours dominant s'impose et se relaye avec facilité dans la quasi-totalité de nos médias.
En lisant ces quelques lignes, ne suffoquez pas. Le propos est si grave d'honnêteté involontaire qu'il faut le citer in extenso.
Dans son édition papier du 2 mai dernier, l'hebdomadaire Marianne expose la chose en couverture: c'est le "retour de la pensée unique".
C'est peu de le dire.
Merveilleuse démocratie ! Depuis bien longtemps, l'Etat subventionne la presse au nom de sa diversité.
Pourtant, le discours dominant imprime la plupart de nos médias écrits. Pire, les mêmes titres qui bénéficient de cette générosité du contribuables sont étonnamment sympathiques et supporteurs de la réduction de la dépense publique.
Quelle indépendance d'esprit !
289 millions d'euros...
Combien d'articles lus dans le Figaro, les Echos ou les autres pour fustiger le poids trop lourd des dépenses d'intervention de l'Etat ? On ne les compte plus. Ils encombrent leurs pages jour après jour.
Comment concilier un tel discours austéritaire pour les autres avec le bénéfice de telles aides publiques ?
La nouvelle fut à peine commentée, un peu raillée sur les réseaux sociaux. Le 29 avril dernier, le gouvernement a publié la liste des aides par titre versées en 2013. L'an passé, elles ont totalisé 289 millions d'euros. La liste des 20 premiers bénéficiaires étaient éclairantes:
Avec 16 millions d'euros reçus, le Figaro apparaît donc comme le grand gagnant de cette loterie. Que pouvait-on lire dans les colonnes du Figaro ces derniers jours ? Le 1er mai, l'une des journalistes du service Eco, Caroline Piquet, dressait une liste (non exhaustive) des dépenses inutiles, "l'inventaire de ces comités fantômes auxquels le gouvernement pourrait s'attaquer." Le 30 avril, le même Figaro publiait la tribune de Patrick Devedjian, l'élu francilien UMP avait plein de bons conseils à livrer en matière de réduction de la dépense publique: "C'est le moment d'entreprendre un important programme de privatisation des participations financières de l'Etat qui n'ont d'autre visée stratégique que de caser la haute fonction publique avant ses pantouflages et sans préjudice des conflits d'intérêt !" Le 2 mai, le même Figaro publiait un texte d'un économiste qui fustigeait le coût et l'inefficacité des emplois aidés.
Les Echos, un journal dont trois éditorialistes donnent chaque matin à la radio (deux à France Inter, le troisième sur Europe 1) des leçons de bonne gestion, récupère 4 millions d'euros. Le Point qui affirmait, le 30 avril dernier, que "le gouvernement n'avait plus le droit à l'erreur" en matière de baisse de dépenses, a touché 4,7 millions d'euros. L'Express nous régale tout autant de ses conseils justifiés au plus près des experts des officines néo-lib tel l'institut Montaigne.
Fallait-il préférer Paris Match, dont le choc des photos consiste à dérouler la publicité du couple Carla/Nicolas, et le poids des mots à relayer des éditoriaux sur la rigueur ? La République du Centre (4,6 millions d'euros d'aide publique) où officie Jacques Camus, lequel conseillait fin avril aux députés frondeurs de "s'incliner" ? Ouest France (10 millions d'euros d'aide publique) où François Régis Hutin s'indigne contre les "effectifs de la fonction publique" qui, en France, "ont augmenté, entre 2000 et 2005, de 240 000, soit 48 000 de plus par an en moyenne" ?
Bien sûr, on pouvait se réjouir que d'autres titres, plus rares, tels l'Huma, la Croix ou même le Monde (pas franchement gauchiste, mais un "chouille" plus tolérant vis-à-vis des voix discordantes du moment) étaient également soutenus. Mais là n'était pas le fond du problème.
Tous les relais de la parole dominante touchent sans gêne ni honte des aides publiques directes qui font défaut ailleurs.
Une parole médiatique quasi-unanime, étouffante.
La confirmation était publiée ces derniers jours dans les colonnes de LExpress.fr, sous la plume de Jacques Attali. Il y écrit régulièrement. Il a conseillé François Mitterrand, Nicolas Sarkozy puis maintenant, bénévolement, François Hollande.
Le 4 mai dernier, dans un billet contre la "Droite sans vergogne", il rappelle le fond du problème, sans doute sans mesurer la portée dévastatrice de ses propos. Il critique la droite en expliquant que les Copé, Fillon et consorts ne devraient pas s'énerver puérilement puisqu'il y a consensus sur l'essentiel "parmi les élites".
Il a raison. C'est tout le problème. Le danger menace, un grave danger d'asphyxie générale. Malgré ces millions d'argent public distribué pour aider à la diversité de la presse, le discours dominant s'impose et se relaye avec facilité dans la quasi-totalité de nos médias.
En lisant ces quelques lignes, ne suffoquez pas. Le propos est si grave d'honnêteté involontaire qu'il faut le citer in extenso.
"La droite, comme la gauche, sait ce qui est nécessaire ; et il y a dans ce pays un consensus implicite de toutes les élites, politiques et syndicales, sur ce qu’il convient de faire pour moderniser le pays : rendre plus efficaces et plus justes les dépenses publiques, en particulier le financement du logement et des prestations sociales ; prolonger la durée du travail au rythme de l’augmentation de l’espérance de vie ; supprimer les départements ; concentrer la formation professionnelle sur les chômeurs ; développer la formation par alternance ; mettre en place une dévaluation fiscale pour améliorer la compétitivité ; développer la recherche ; relancer des grands investissements d’infrastructure ; briser les rentes des professions règlementées, des taxis aux commerces ; promouvoir la transition énergétique ; libérer les initiatives individuelles en particulier en renforçant les petites et moyennes entreprises; concentrer les moyens de l’éducation sur l’enseignement préscolaire. Et bien d’autres."
Dans son édition papier du 2 mai dernier, l'hebdomadaire Marianne expose la chose en couverture: c'est le "retour de la pensée unique".
C'est peu de le dire.