Élections européennes : Cafouillage sur la légitimité démocratique du futur président de la Commission
Petite confusion sur ce qu'est la "démocratie" au sein des instances européennes.
Dans l'espoir de dépasser les 45% de participation, et donc de dépasser le score de 43.5% de 2009, les communicants des diverses institutions européennes (ou non), se sont mis en tête de présenter les élections européennes comme celles du changement ("Cette fois-ci, c'est différent" : source). Parfois tellement qu'on y décèlerait presque un aveu : "Les élections européennes qui se dérouleront en mai 2014 donneront aux électeurs la possibilité d'influer sur le cours de l'Union européenne en désignant 751 députés au Parlement européen qui représenteront leurs intérêts au cours des cinq prochaines années." (Donc avant ce n'était pas le cas, vu que cette fois, c'est différent...).
Ainsi l'argument principal pour attirer les électeurs est le suivant : "L'une des principales nouveautés introduites par le traité est que, lorsque les États membres désigneront le prochain Président de la Commission européenne qui succédera à José Manuel Barroso à l'automne 2014, ils devront, pour la première fois, tenir compte du résultat des élections européennes. La nomination de ce candidat devra être approuvée par le nouveau Parlement: le Président de la Commission est, aux termes mêmes du traité, "élu" par le Parlement. Cela signifie que les électeurs ont un véritable droit de regard en ce qui concerne la personnalité qui sera placée à la tête du gouvernement de l'Union." En effet, depuis le traité de Lisbonne a été inscrit dans le Traité sur l'Union Européenne l'article suivant (article 17 - 7°) : "En tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai d'un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure."
- Je laisse de côté la légimité démocratique d'une personne dont la place résulte de la confirmation par une assemblée élue à la minorité absolue de suffrages d'un candidat proposé par le Conseil Européen pour en venir
Le problème qui est intervenu est consécutif à une interview du président du Conseil Européen Herman Von Rompuy au journal allemand Süddeutche Zeitung dans laquelle il affirme son opposition à ce que le président de la Commission soit élu à partir des têtes de listes des élections législatives parce que le résultat de l'élection dépend de nombreux autres facteurs (sensibilités nationales etc...) et ne mène pas nécessairement à la désignation du meilleur candidat pour la Commission. Il a également ajouté « Les citoyens comprennent très clairement la différence entrele Parlement européen et ceux qui prennent les vraies décisions.». Cette sortie a fait réagir, le leader des sociaux démocrates au Parlement Européen a qualifié l'interview de "scandaleuse" et attaqué la méconnaissance du processus démocratique des élections européenne. Une divergence ressort indirectement avec le président actuel de la Commission qui s'est déclaré à l'origine de l'idée.
Néanmoins, derrière cette petite polémique de façade on peut relever au moins 2 autres problèmes :
- Quand bien même les États-Membres accepteraient le compromis et soumettraient au Parlement Européen, la candidature de Martin Schulz ou Jean-Claude Juncker, serait-il élu avec la majorité simple au Parlement Européen ? Oui, dans le scénario optimiste ou l'un des partis l'emporterait avec une marge suffisante et que les parlementaires jouent le jeu de manière suffisante pour qu'il y ait une majorité (à savoir 376 sièges sur les 751 sièges pourvus). Et il va falloir que beaucoup de monde joue le jeu. Le vainqueur de l'élection disposera d'environ 220 sièges, il faudra rallier environ 150 députés supplémentaires.
En revanche, si le scrutin est beaucoup plus serré, se jouant à 5-10 sièges, certains pourraient être tentés de faire valoir une logique de bloc et de faire durer, provoquant la nécessité de la recherche d'un candidat plus consensuellement acceptable par le Parlement. Certains doivent même l'espérer secrètement (comme Herman Van Rompuy). Néanmoins, il faudrait alors revenir sur les déclarations de Jean-Claude Juncker et Martin Schulz selon lesquelles "le futur président de la Commission sera moi ou l'autre".
En revanche, si le scrutin est beaucoup plus serré, se jouant à 5-10 sièges, certains pourraient être tentés de faire valoir une logique de bloc et de faire durer, provoquant la nécessité de la recherche d'un candidat plus consensuellement acceptable par le Parlement. Certains doivent même l'espérer secrètement (comme Herman Van Rompuy). Néanmoins, il faudrait alors revenir sur les déclarations de Jean-Claude Juncker et Martin Schulz selon lesquelles "le futur président de la Commission sera moi ou l'autre".
- De toute manière, l'essentiel des postes de la Commission (qui font déjà l'objet de tractations...) seront ensuite fournis selon la procédure classique d'un accord encore Conseil Européen et Président (avant de se faire confirmer devant le Parlement).
Le porte-parole du président de la Commission, Jonathan Todd, a esquissé un sourire et marqué un long silence avant de commenter l'entretien d'Herman Van Rompuy, suscitant des rires dans la salle de conférence de presse.
Par la suite, il a expliqué que le président du Conseil avait le droit d'exprimer son point de vue, mais a ajouté que la Commission veillerait à l’application des traités européens en bonne et due forme.
« Je pense toutefois qu'il est prématuré de prendre position sans savoir ce qu'il se passera après les élections », a-t-il précisé.
Les amis politiques de l’actuel président du Conseil voient en lui un médiateur « à la belge », qui pourrait former une coalition au Parlement européen après les élections européennes. En Belgique, c'est le roi qui désigne un médiateur afin de trouver des accords et des coalitions entre les différents partis. Cette pratique permet d'aboutir à la nomination d'un premier ministre.
Surtout les libéraux ont demandé la formation d'une coalition entre les grands groupes politiques afin de garantir la stabilité lors de la prochaine législature. L'ADLE, une force beaucoup plus petite que le S&D et que le PPE, espère ainsi placer son candidat à la présidence de la Commission.