dimanche 22 juin 2014

Texte de l’audition de Fleur Pellerin devant la commission des affaires étrangères sur le projet de partenariat transatlantique (partie I) (les moutons enragés)

Texte de l’audition de Fleur Pellerin devant la commission des affaires étrangères sur le projet de partenariat transatlantique (partie I)



Je rappelle que ce texte est la retranscription de la première partie de l’audition de la secrétaire d’état Fleur Pellerin (j’espère pouvoir mettre en ligne la deuxième partie prochainement) que vous pouvez également visionner en intégralité ci-dessous. C’est donc un document « exclusif » retranscrit par ma pomme pour les moutons enragés…


Commission des affaires étrangères et commission des affaires européennes : Audition de Mme Fleur Pellerin sur le projet de partenariat transatlantique

Partie 1 : exposé de Fleur Pellerin sur le projet de partenariat transatlantique et les négociations en cours.
Propos liminaires. Intervention de Pierre Lelouche.
Madame Elisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :
Je veux, avec Danielle Auroi, qui nous fait le plaisir d’être avec nous avec quelques-uns de ces collègues de la commission des affaires européennes, remercier Fleur Pellerin secrétaire d’état en charge du commerce extérieur pour cette audition ouverte à la presse qui va être consacrée exclusivement aux négociations sur le partenariat transatlantique.
On sait qu’il y a une forte mobilisation de l’opinion publique sur cet important sujet, c’est parfaitement légitime. Vous vous souvenez chers collègues que nous avons eu ici même plusieurs débats sur ce projet de traité. Je salue la présence de Seybah Dagoma bien qu’en principe elle soit en congé. Mais Sebah avec plusieurs d’entre vous a beaucoup travaillé. Nous avons discuté ensemble ici même puis en séance publique un projet de résolution et projet de résolution qui le 22 mai dernier s’est prononcé pour la poursuite des négociations puisqu’il y avait un projet de résolution qui demandait la suspension des négociations au motif des risques, qui sont réels évidemment, que l’on encourt dans cette discussion. Mais la résolution finale que nous avons profondément amendée a demandé la poursuite des négociations avec évidemment une exigence de transparence et d’information du parlement vis à vis du gouvernement.
Donc nous allons évidemment demander à la ministre où on en est des demandes d’information, de la publication du mandat que le gouvernement a demandé mais il faut un accord au conseil là dessus. Et comme ce sont tenues je crois 5 séries de négociations qui viennent d’avoir lieu justement en Virginie, nous attendons de vous madame la ministre que vous nous fassiez le point. Je rappelle brièvement pour nos collègues que si nous avons cette négociation c’est parce que nous pensons avoir un intérêt à l’ouvrir. Naturellement si elle se conclue de façon favorable compte tenu du mandat que le gouvernement donné à la commission.
Il y a pour nous ce qu’on appelle les intérêts défensifs, c’est à dire ce sur quoi nous devons nous protéger dans cette négociation. Je rappelle qu’il n’est pas question évidemment d’accepter les poulets chlorés les boeufs aux hormones, de céder sur la législation européenne concernant les protections sanitaires, par exemple. Nous avons demandé, et ce sera peut être un sujet de discussions, d’exclure le secteur de la défense et audiovisuel. Par ailleurs nous avons aussi des intérêts offensifs qui sont le secteur financier qui doit pouvoir être présent davantage aux états-unis et nous avons certainement un intérêt à rapprocher les normes européennes et américaines dans tous les domaines mais spécialement dans celui-ci parce que nous pourrions peser beaucoup dans le reste du monde. Et puis il y a l’ouverture des marchés publics.
Je donne ces grandes indications mais la ministre reviendra dans le détail. D’ailleurs nous avons exprimé lors du débat sur la résolution notre inquiétude sur la perspective d’avoir un mécanisme de résolution des différents sachant que le mécanisme en cours dans l’ALENA soulève des craintes qui sont tout à fait légitimes. Est-ce que ça ne permettrait pas à des entreprises de contester des normes et des législations européennes ou nationales ?
Sur tous ces points la ministre avait déjà répondu et je pense qu’elle fera un rappel. Si vous voulez bien madame la ministre nous dire où nous en sommes dans les discussions, quelles sont les premières indications que vous pouvez avoir sur l’ouverture des négociateurs américains sur les marchés publics qui est d’un intérêt fondamental pour nous.
Il y a la question qui est apparue depuis le 22 mai, la question de l’extraterritorialité soulevée par la situation de la banque BNP qui est menacée de sanctions par les américains. Je crois que c’est une occasion de faire le point.Moi je comprend qu’on dise attention on ne peut pas poursuivre cette négociation si la banque européenne BNP se trouve menacée de mort parce que c’est quand même de ça dont il s’agit. En même temps on peut peut-être voir les choses autrement et considérer que c’est justement cette négociation qui peut peut-être, si elle est bien menée, rendre à l’avenir impossible ce genre de traitement discriminatoire à l’égard des banques européennes. Je vais passer la parole pour son introduction à Danielle Auroi.
Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :
La commission des affaires européennes suit avec une grande vigilance les négociations entre l’union européenne et les états-unis en matière commerciale, nous avons d’ailleurs adopté deux résolutions sur le mandat de négociation du projet transatlantique. Par ailleurs au sein de notre commission nous avons constitué un groupe de travail qui a commencé des auditions. Nous avons déjà reçu le monde agro alimentaire, nous avons reçu le monde de la société civile, nous allons recevoir les PME PMI puis les grandes entreprises. Ceux que nous avons déjà reçu ont tous exprimés une grande inquiétude par rapport à ces négociations entamées, même si on leur dit qu’il y a des lignes rouges, même si on leur dit qu’il n’est pas question que le commerce s’ouvre sans perspectives de croissances et d’emploi au sein de l’union européenne, ils ne sont pas rassurés, que ce soit les uns ou les autres, parce qu’ils ont l’impression qu’on va laisser filer des choses.
Donc je pense qu’il faut effectivement et vous avez commencé à le faire largement madame la ministre, qu’il y ait une meilleure transparence sur les négociations à l’égard de la société civile de la part des représentants du peuple que nous sommes, nous les élus. Les parlements nationaux ont droit effectivement au premier chef d’être informés, le parlement européen doit l’être aussi. Nous serons amenés, les parlements, à ratifier cet accord, certes par un oui ou par un non, mais c’est quand même un mécanisme important de suivit, et donc toutes les étapes de cette négociation nous demandent me semble t-il des avis importants. Première question : est-il prévu que la représentation nationale se prononce prochainement sur cet accord de libre échange et sur ceux qui sont déjà en application, comme par exemple celui entre l’UE et la Colombie et le Pérou qui date de 2012, qui est déjà appliqué provisoirement mais que nous n’avons pas ratifié. En tant qu’assemblée nationale, on sait bien qu’il y a d’autres accords que les négociations entre les états-unis et l’UE, il y a le MERCOSUR, il y a l’Inde et il est peut être prudent d’être transparent sur tous ces sujets et ne pas se focaliser uniquement sur la négociation avec les états-unis. Certes la transparence est un point de départ mais la question de fond reste la qualité de l’accord.
Elisabeth Guigou a rappelé les lignes rouges. Nous avons travaillé l’année dernière sur l’exception culturelle européenne et la prise en compte des préférences collectives des citoyens européens mais nous avons l’impression que sans arrêt il y a des remises en cause. S’agissant par exemple de l’harmonisation des normes est-il raisonnable de s’engager dans les négociations alors que les états-unis sont actuellement en train de refondre leurs lois sur la sécurité sanitaire pour la plupart des aliments et que l’on a aucune visibilité sur le contenu de ces futurs règlements? Donc est-ce qu’on ne va pas être dans une négociation et s’apercevoir qu’il y a des lignes rouges qui sont franchies simplement parce que la loi américaine a changé.
La question du mécanisme du règlement des différents est un point d’inquiétude fort car il remet en cause la souveraineté des états et leur capacité à légiférer. L’Allemagne a déjà des soucis. Véolia attaque l’Egypte et Philipp Maurice l’Australie.
Nous comptons sur le gouvernement français pour que la commission européenne et la commission des affaires étrangères fassent un compte rendu sérieux et détaillé de la consultation actuellement en cours et que le gouvernement français puisse nous informer sur un mécanisme d’arbitrage investisseur-état ou bien est-ce qu’il y a uniquement recours aux voies du droit national puisqu’on sait que l’UE a déjà pris un certain nombre de résolutions dans ce domaine là, en particulier, sur la publication des informations financières des entreprises. Donc au moment où au niveau de l’Europe il y a de la transparence acquise, est-ce que ces négociations les remettent en cause ?
Enfin dernière question : croyez-vous madame la ministre que ces négociations pourront aboutir dans le moment très court imposé par les échéances électorales aux états-unis ? On est déjà aux élections de mi-mandat, et compte tenu que le congrès n’accordera sans-doute pas au président Obama le fast track. Donc comment allez-vous vous sortir de tous ces pièges, si je peux m’exprimer ainsi ?
Fleur Pellerin, secrétaire d’état en charge du commerce extérieur :
Tout d’abord merci aux présidentes Guigou et Auroi de m’avoir invitée à avoir ce temps d’échange avec les deux commissions. C’est je crois un exercice utile et que je me suis engagée devant la représentation nationale à reproduire autant de fois que nécessaire pendant toute la durée des négociations. Je voudrais moi aussi revenir un petit peu sur le rappel de nos intérêts économiques offensifs dans le cadre de cette négociation, rappeler l’intérêt que peut avoir la France et l’Europe à conduire ces négociations avant de revenir également sur les lignes rouges et puis pour finir par faire un point sur l’état d’avancement des négociations du 5ème cycle de négociations qui vient de se terminer. Tout d’abord sur les intérêts offensifs je crois qu’il faut partir de l’idée qu’il faut absolument combattre les arguments qui consistent à dire que nous n’aurions rien à gagner dans ces négociations, je crois qu’il faut aussi refuser l’idée que notre partenaire américain pourrait se détourner de l’Europe au profit d’autres grandes régions et que les américains négocient d’autres traités de libre échange actuellement vers d’autres régions du monde (l’Asie-Pacifique) et je crois qu’il y a aussi un intérêt à garder un équilibre dans les échanges économiques internationaux. Nos économies, union-européenne états-unis, sont déjà très très liées, très très intégrées de part et d’autre de l’Atlantique, et je pense qu’il est absolument naturel et nécessaire de s’interroger sur la meilleure manière d’améliorer des relations commerciales qui sont aujourd’hui privilégiées mais dans un esprit de réciprocité, de vigilance et de transparence, je reviendrais sur chacun de ses termes.
Le commerce, les intérêts et les investissements croisés comme justification de la création d’un zone de libre échange UE/Etats-Unis. Les « potentialités » supposées de croissance et d’emploi.
Alors il faut tout d’abord rappeler que la France et les états-unis sont des partenaires majeurs l’un pour l’autre, notre relation s’appuie sur un dynamisme des échanges dans nos économies respectives, qu’il s’agisse d’investissements directs étrangers ou d’investissements bilatéraux ou de commerce. Pour la France, les états-unis sont les premiers clients, hors union européenne, le premier investisseur étranger, et également le premier destinataire de nos investissements directs à l’étranger. Le premier constat c’est d’abord que nos investissements croisés sont aujourd’hui source d’emploi et de croissance et qu’ils ont ces derniers temps atteint une densité assez exceptionnelle. Les USA sont les premiers investisseurs étrangers en France avec près de 20% des capitaux étrangers investis dans nos entreprises. La moitié de ces investissements étant concentrée dans l’industrie, ce qui représente un total de 450000 emplois en France sur notre territoire. Les USA sont également notre première destination en matière d’investissements français à l’étranger et aussi près de 20% du total des investissements français en dehors du territoire. La France est devenue en 2012 le 5ème investisseurs étranger aux états-unis en progression de 2 places et ce sont aujourd’hui plus de 2300 entreprises françaises qui emploient 500000 américains pour un chiffre d’affaire cumulé supérieur à 170 milliards d’euros.En dépit d’idées reçues et de clichés bien enracinés, l’économie française est l’une des plus ouvertes du monde, nous sommes le 5ème récipiendaire en matière d’investissements directs étrangers et le premier récipiendaire d’investissements étrangers dans l’industrie en Europe. Deuxième constat, nos échanges commerciaux sont eux aussi extrêmement dynamiques. Hors de l’UE les états-unis sont notre premier client, notre deuxième fournisseur, avec près de 60 milliards d’euros échangés. 22000 entreprises françaises exportent aujourd’hui aux états-unis. 80% de ces entreprises sont des PME et des ETI. La France est le 9ème fournisseur des états-unis avec une part de marché en progression en 2013. Nous sommes aussi la 6ème puissance exportatrice mondiale, le 4ème exportateur mondial dans le secteur agroalimentaire. Défendre notre économie, nos emplois et notre croissance, c’est aussi défendre nos exportations et l’accès des entreprises aux marchés des pays tiers. Troisième constat, les états-unis sont le premier partenaire scientifique de la France et un partenaire majeur pour la coopération universitaire. Le président de la république a inauguré à San Francisco en février dernier un incubateur, un accélérateur d’entreprises, de start-up françaises. Donc cette relation qui est déjà très dense doit maintenant se renouveler et se projeter davantage vers l’avenir. Le partenariat commercial transatlantique n’est pas une idée neuve, l’idée date des années 90 et s’est traduite par le lancement en 1995 d’un dialogue économique transatlantique.
En 2013 nous avons décidé d’aller plus loin en ouvrant des négociations pour un accord aux ambitions plus vastes que des seules ambitions commerciales. Cet accord présente comme toutes négociations, des défis, des difficultés, elles se heurtent de part et d’autres à des sensibilités légitimes mais je crois qu’il importe de rappeler qu’il constitue également une opportunité de part et d’autres.
Les intérêts offensifs
Donc je voudrais revenir un petit peu sur les intérêts offensifs. Du côté français, l’objectif du gouvernement est défendu, il s’agit de manière non exhaustive de l’accès au marché public américain, au niveau fédéral et subfédéral, de la protection des indications géographiques, de l’allègement des coûts réglementaires pour nos exportateurs dans le secteur des cosmétiques, des médicaments, des biens industriels ou encore des produits alimentaires ou du textile, via la suppression de barrières non tarifaires que constituent des procédures extrêmement lourdes d’enregistrement, d’agrément ou encore de recertification. Ambitieux également via la reconnaissance mutuelle des normes quand ce sera possible ou encore l’adoption de futures normes compatibles pour les nouveaux secteurs, par exemple pour les véhicules électriques ou encore en matière de 5G. L’ambition qu’il y a derrière cette convergence ou cette reconnaissance mutuelle des normes c’est de permettre à l’Europe de donner un peu plus le là en matière de normes et de standards.
On le sait aujourd’hui les normes et les standards sont devenus un élément essentiel de la compétitivité mondiale. Hier nous avons su triompher avec la norme mobile GSM aux retombées économiques considérables, et c’est avec ce type d’ambitions qu’il faut aujourd’hui renouer.
Notre objectif n’est donc pas seulement de réduire des droits de douane, il en existe encore un peu avec des pics dans certains secteurs mais ils sont plutôt relativement faibles des deux côtés de l’atlantique, ce résultat là ne serait évidemment pas satisfaisant et ne répondrait pas à nos attentes. Ce que nous visons dans cet accord c’est d’abaisser les barrières non tarifaires pour que les produits français soient exportés plus facilement vers les états-unis. Naturellement on entre pas dans une négociation en ayant seulement à l’esprit ce que l’on peut y gagner, ce serait trop simple, la France et l’UE sont entrées dans ces négociations avec la pleine conscience qu’ils ne sont pas prêts à négocier, et nous l’avons clairement fait inscrire dans le mandat de négociation, un certain nombre de lignes rouges.
Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir à l’occasion des questions que vous souhaiterez me poser après ces propos introductifs mais je souhaite vous rappeler trois points de vigilance ainsi que les lignes rouges que j’évoquais à l’instant.
Trois points de vigilance essentiels : ce sont tout d’abord la nécessité d’atteindre un accord équilibré.
Les intérêts défensifs et les « lignes rouges » du mandat de négociation
Le risque de déséquilibre il est inhérent à toute négociation et c’est pour cela que le gouvernement sera très vigilant aux côtés de la commission européenne. Les états européens partent avec un certain handicap face aux états-unis dans la mesure où nos intérêts offensifs portent essentiellement sur les barrières non tarifaires et réglementaires, dont la négociation est par essence beaucoup plus complexe que des discussions tarifaires car les dispositifs américains et européens sont assez différents en la matière. Et à cet égard une application insuffisante du partenariat transatlantique aux états américains conduirait à un résultat final déséquilibré et donc inacceptable pour l’UE et pour la France, c’est donc un point « dur » à défendre. Les produits agricoles, ce sont les produits sensibles européens face à la concurrence du fait de notre différentiel de compétitivité, donc la France a demandé à la commission européenne conjointement avec la Pologne de ne pas libéraliser complètement un certain nombre de produits sensibles agricoles, cela représente environ 4% des lignes agricoles et 0.6% des importations dont notamment la viande de boeuf, la viande de porc, la volaille, le maïs doux, quelques produits aminacés, le bioethanol, le rhum, ou les ovoproduits.
Autre ligne rouge, les préférences collectives, pour prendre en compte les choix citoyens, la France et l’UE ont toujours adoptées une attitude prudente fondée sur le principe de précaution conduisant ainsi à exclure la décontamination chimique des viandes, ce qu’on appelle le poulet chloré, l’utilisation de promoteurs de croissance, les hormones en élevage. La commission a assuré publiquement qu’elle défendrait nos positions et nous y veillerons donc de manière extrêmement étroite. En tout état de cause la législation européenne ne sera pas modifiée par l’accord avec les états-unis, donc il est faux de dire que se négocie dans le cadre du partenariat transatlantique une révision à la baisse de nos normes sanitaires et phyto sanitaires, notamment dans le secteur agro-alimentaire.
Donc les lignes rouges : le maintient de l’exclusion des services audio-visuels dans les engagements de libéralisation des services constitue une ligne rouge qui est garantie par le mandat de négociations. Cette exclusion sera assurée dans le principe du respect de neutralité technologique. C’est important de préciser ce dernier point car il ne faudrait pas que l’exception culturelle soit remise en cause par l’introduction d’un concept de produit numérique qui permettrait de revenir sur l’exclusion des services audio-visuels de la négociation.
Deuxième ligne rouge : la réciprocité dans la libéralisation des marchés publics. Aujourd’hui nous considérons que l’ouverture doit être la même pour les entreprises européennes aux états-unis qu’en Europe pour les entreprises américaines. Aujourd’hui la situation c’est que 100% des marchés publics européens sont ouverts à des entreprises étrangères et donc américaines mais seulement 47% des marchés publics américains sont ouverts à des entreprises européennes. Donc ça c’est un point « dur » de l’accord. Et je me rendrai d’ailleurs la semaine prochaine à Washington pour rencontrer le négociateur américain et j’aurai l’occasion à ce moment là de réitérer cette ligne dure de l’UE.
Autre ligne rouge, la protection des données personnelles. Ce sujet n’est pas négocié dans le cadre de l’accord mais puisqu’il sera question néanmoins de ecommerce et de services il faut qu’il soit très clair qu’aucune règle de l’accord, notamment dans son volet relatif au commerce électronique, ne pourra affecter le niveau de protection des données personnelles qui existe dans l’UE.
La santé et la protection des consommateurs, autre ligne rouge, donc le niveau de protection de la santé, de l’environnement et des consommateur en place en Europe via nos législations internes, sera pleinement préservé et pleinement respecté. La législation européenne ne sera pas modifiée dans ces domaines et notamment pas en matière de décontamination chimique des viandes, d’OGM, de promoteurs de croissance, donc ça c’est quelque chose qui figure explicitement dans le mandat de négociation.
La reconnaissance des indications géographiques, l’utilisation abusive bien connue des appellations françaises comme le champagne générique ou semi générique, doit être proscrite par une protection efficace des indications géographiques alors que les américains sont dans une démarche qui consiste plutôt à protéger les marques que les indications géographiques. Donc là aussi l’enjeu sera d’obtenir un haut niveau de protection pour toutes nos indications géographiques, et c’est d’autant plus vrai en matière de vins et spiritueux ou de produits agroalimentaires.
Le mécanisme d’arbitrage
Autre ligne rouge, et ça fait parti des craintes, des doutes émis au sujet du règlement des différents. La préservation du droit à réguler des états dans le cadre du débat qui est engagé sur le dispositif d’arbitrage dans le chapitre protection des investissements est une exigence très forte des états membres parfaitement identifiée par la commission et prise en compte dés l’adoption du mandat. Donc effectivement il y a actuellement une consultation publique qui est ouverte par la commission au mois de mars à la demande de la France et qui s’achèvera le 06 Juillet. Nous avons eu l’occasion à plusieurs reprises de demander à la commission de faire en sorte que les dizaines de milliers de réponses à cette consultation qui ont été reçues par la commission fassent l’objet d’une analyse, d’une restitution et que ces contributions puissent faire l’objet d’un certain nombre de conclusions qui devront être tirées dans le cadre des négociations. Ce sujet est compliqué parce que la France comme ses partenaires européens a des accords bilatéraux avec des pays tiers de protection des investissements. La France en a environ 90, près d’une centaine, ce sont des accords qui visent à protéger les intérêts de nos entreprises à l’étranger et ces accords ont tous été approuvés par la représentation nationale, je le rappelle. Nous avons donné un mandat à la commission dont c’est la compétence depuis 2009, de négocier des accords de protection de nos investissements dans un certain nombre de pays. La question sera donc, après la consultation publique en cours, de décider si oui ou non nous voulons un accord de ce type avec les américains pour tout ce que nous mettrons dedans parce que le texte n’est pas encore écrit ou la proposition n’est pas encore écrite donc il faudra à ce moment là pouvoir juger du dispositif proposé par la commission.
La « transparence » et l’information des parlementaires et de la société civile sur l’avancée des nagociations
Le débat sur le traité transatlantique n’est pas qu’un débat sur le fond des sujets, c’est aussi un débat sur la méthode de négociation d’un traité commercial de cette importance. Plus largement se pose la question de la nécessaire transparence démocratique. Effectivement la demande exprimée par les parlementaires et la société civile d’une plus grande transparence rejoint la position constante défendue par la France depuis 2 ans. Le 22 mai à l’occasion de l’examen de la proposition de résolution socialiste, nous avons eu un débat important sur cette question, à mon sens il ne s’agit plus tant de parler de transparence désormais que de la mettre en pratique très concrètement et c’est la raison pour laquelle je me suis engagée à venir devant vos commissions à la fin de chaque cycle de négociation afin de pouvoir vous donner un aperçu de l’état des négociations précis et le plus actualisé possible. J’ai également demandé à ce que les modalités de transmission des documents du conseil à cette assemblée soient clarifiées et un travail a été engagé en ce sens par le secrétariat général aux affaires européennes et avec la commission des affaires européennes. Je rappelle à cet égard que les documents du conseil sont transmis à la commission des affaires européennes par un canal sécurisé à ce titre le mandat a été transmis.
Le gouvernement a décidé de vous transmettre également les comptes rendus confidentiels de négociation rédigés par la commission après chaque cession de négociations mais pour cela il sera nécessaire que la commission des affaires européennes et le secrétariat puisse travailler sur le respect des règles de confidentialité qui s’imposent aux parlementaires. Il y a un dispositif au parlement européen en vertu duquel tous les parlementaires peuvent avoir accès, en respectant un certain nombre de règles de confidentialité aux documents confidentiels d’accès restreint donc lorsque ce travail aura pu être effectué. Je vous laisse le soin de poursuivre cette réflexion avec le SGAE (Secrétariat Général des Affaires Etrangères). Vous pourrez avoir accès via la commission des affaires européennes à l’ensemble de ces documents. En ce qui concerne le grand public et la société civile je vous rappelle que le gouvernement a soutenu la demande de déclassification du mandat, mais il faut l’unanimité des états membres et aujourd’hui 11 d’entre eux s’y opposent. J’ai demandé au commissaire De Gucht qu’un document à usage public puisse être diffusé par la commission après chaque cycle de négociations, qu’il y ait un compte rendu différent du document confidentiel, qu’un compte rendu à usage public puisse être diffusé aux organisations non gouvernementales et à la société civile et j’attends la réponse du commissaire à cette demande.
Où en sont les négociations aujourd’hui ?
Sur le cinquième cycle de négociations, où en sommes-nous aujourd’hui ? C’est un cycle qui s’est tenu du 19 au 23 mai derniers aux états-unis. La première année de négociations avec les états-unis aura essentiellement permis aux négociateurs de plutôt bien cerner les difficultés à surmonter. Pour être totalement franc, elle n’a donné lieu qu’a peu d’avancées substantielles sur le fond. Donc depuis la fin de l’année 2013 plusieurs blocages techniques et politiques ne sont aujourd’hui pas résolus.
En ce qui concerne l’accès au marché des biens, les deux parties, la commission et les américains, affirment leur volonté de parvenir à un démantèlement complet des tarifs mais les offres actuellement en discussion ne matérialisent pas réellement cette volonté, l’offre américaine est beaucoup moins ambitieuse, très nettement inférieure à celle qui a été faite par les européens et pour l’instant nous ne sommes pas en mesure de trouver un terrain d’accord sur les offres tarifaires en matière d’accès au marché aux biens.
En ce qui concerne les services, l’échange d’offres en cours ne devrait pas régler le fond du problème qui tient pour le moment au refus des états-unis de lister les mesures non conformes au principe de l’accord qui existent au niveau des états fédérés, donc il n’y a pas non plus d’accord à ce stade. Il y a plusieurs modalités de négociations. On liste les services pour lesquels on ne veut pas libéraliser, soit on liste les services pour lesquels on souhaite libéraliser. Nous avons une approche différente en Europe par rapport aux modalités privilégiées par les états-unis. Donc pour l’instant on n’a pas d’accord sur les modalités de négociations.
L’offre européenne sera présentée dans les prochains jours en offre positive, c’est à dire la description de ce qui est ouvert, les services que nous souhaitons ouvrir aux entreprises américaines et en réponse à celle des états-unis qui est elle en mode négatif, c’est à dire la description de ce qui ne serait pas ouvert. L’audiovisuel et les services publics, juste pour mémoire, en sont effectivement bien exclus.
Sur les services financiers il y a blocage également puisque à ce stade les états-unis continuent de refuser l’inclusion d’un volet sur la coopération réglementaire des services financiers alors que c’est un enjeu important offensifs pour l’UE. Donc pour l’instant nous sommes bloqués sur la négociation en matière de services financiers.
Sur les marchés publics les états-unis refusent le principe du traitement national en matière de marchés publics c’est à dire garantir les mêmes conditions de traitement des offres européennes que celles qui sont réservées aux entreprises américaines au motif que cela remettrait partiellement en cause les mesures du Buy American Act et pour cela ils se retranchent de manière assez injustifiée derrière la compétence des états fédérés pour exclure tout engagement d’accès aux marchés publics de niveau subfédéral même lorsque ces marchés subfédéraux bénéficient de subventions et de financements fédéraux. C’est un point « dur » pour la commission et nous la soutenons.
Sur les indications géographiques les états-unis écartent les pistes de travail proposées par la commission afin d’accorder une protection renforcée aux indications géographiques en continuant de préférer leur système de marques commerciales.
Là aussi c’est un point dur pour la commission et pour la France.
Et puis s’agissant de la protection de l’investissement c’est un sujet sur lequel la France exerce la plus grande vigilance, je l’ai rappelé tout à l’heure, les discussions ont marqué le pas en attendant le résultat de la consultation publique européenne. Elles sont suspendues en réalité jusqu’à la clôture de la consultation publique d’ici au 06 juillet prochain. Un rapport de synthèse sera rédigé par la commission dans le courant de l’été à partir des dizaines de milliers de réponses reçues. Ce rapport sera débattu sans doute sous la nouvelle commission qui prendra ses fonctions début novembre 2014 avec les états membres du conseil et avec le parlement européen. Un point sur la convergence réglementaire, qui est un enjeu majeur des négociations, et qui fait elle aussi l’objet de différences marquées.
Sur le plan sectoriel il y a eu peu d’avancées enregistrées sur la dizaine de secteurs en discussion qui pour mémoire inclus la chimie, la cosmétique, la pharmacie, les équipements médicaux, l’automobile ou encore le textile. Donc là les discussions sur les obstacles techniques au commerce se heurtent au problème de l’application de l’accord aux états fédérés donc évidemment pour nous c’est peu satisfaisant d’avoir des discussions qui ne concerneraient que l’état fédéral et à ce stade des négociations il apparaît très clairement que le point de blocage majeur concerne la nécessité pour l’UE que soient impliqués les états fédérés américains comme cela avait été le cas dans les négociations avec le Canada par exemple.
Au terme de ce cinquième cycle de négociations et compte tenu du contexte politique américain qu’a rappelé la présidente Auroi, en 2014-2015, qui sera marqué notamment par les élections de mi-mandat et par l’adoption éventuelle d’un mandat du congrès aux négociateurs américains le fast track, très peu d’avancées sont à noter ou à espérer à brève échéance et donc on peut légitimement se dire que peu d’avancées seront réalisées d’ici la fin de l’année en tout cas certainement pas sous la présidence de l’actuelle commission.
La prochaine session de négociations a été confirmée la semaine du 14 juillet à Bruxelles et à priori celle d’après en septembre aux états-unis. Ces cycles de négociation seront suivit de ce qu’on appelle un exercice de stock taking, c’est à dire un état des lieux entre les négociateurs européens et américains De Gucht et Froman au mois d’octobre, avant un conseil informel des ministres du commerce extérieur auquel je participerai le 15 octobre.
Mon intention est bien entendu de vous tenir régulièrement informés et de revenir devant vos deux commissions à l’automne afin de faire un nouveau point. Je suis assez, pour ma part, satisfaite de votre intérêt pour cette négociation parce que je crois qu’il est très utile d’avoir ces échanges et qu’on puisse également avec vos collègues parlementaires échanger ces informations qui sont je crois très utiles mais également pour que je puisse recueillir vos points de vue parce que vos points de vue sont pris en compte dans la position de la France vis à vis de la commission européenne.
Les autres accords de libre échange en négociation ou en cours de ratification
Peut-être un point très rapide sur les autres accords de libre échange et l’implication du parlement, puisque c’est une question de la présidente Auroi.
Sur l’accord avec le Canada, nous sommes en train d’achever les négociations, donc elles ne sont pas terminées, nous n’avons pas encore vu le texte définitif et consolidé. Les autorités françaises ne se prononceront définitivement sur cet accord que sur la base du texte qui nous sera transmit par la commission mais pour l’instant nous n’y avons pas encore eu accès.D’un point de vue juridique ce traité sera bien un accord mixte, donc il requerras la ratification des états membres en plus de celle du parlement européen.
Sur l’accord avec la Colombie et le Pérou, l’entrée en vigueur provisoire de cet accord est intervenue effectivement le premier mars 2013 avec le Pérou et le premier août 2013 avec la Colombie. Le parlement français doit ratifier ces deux accords.
Un projet de loi a été préparé par le ministère des affaires étrangères et envoyé le 28 avril dernier au SGG (Secrétariat Général du Gouvernement). Il devra ensuite faire l’objet d’une consultation interministerielle, en général il faut compter un délais de deux mois, puis il y aura ensuite l’examen par le conseil d’état, au plut tôt si la procédure est accélérée en Juillet, et il faudra ensuite une adoption en conseil des ministres puis un examen par les assemblées, donc au mieux aux sessions de rentrée vers le mois d’octobre.
Fin de l’exposé de Madame Fleur Pellerin et début des questions des parlementaires.