Régression sociale
Valls et Rebsamen oseront-ils suspendre le droit d’expression des salariés ?
Le dialogue social coûterait trop cher et
freinerait la création d’emplois, donc suspendons-le. C’est ce qu’a
suggéré le ministre du travail François Rebsamen, dans un entretien au
journal régional Le Bien Public.
Le ministre répond ainsi favorablement à une demande du Medef et de la
CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises) de
supprimer les seuils sociaux de représentativité obligeant les
entreprises à mettre en place des institutions représentatives du
personnel à partir de 10 puis de 50 salariés. « Les organisations
patronales affirment que les seuils de dix et de cinquante salariés
constituent des freins à l’embauche. Je dis donc aux organisations
syndicales que le meilleur moyen de faire tomber cet argument, c’est de
tenter l’expérience », explique le ministre, qui propose de « suspendre » pendant trois ans les droits sociaux que déclenchent ces seuils.
Si la proposition du ministre du Travail est reprise par Matignon, cela signifiera que les entreprises dépassant les dix salariés ne seront plus obligées d’organiser l’élection d’un délégué de personnel. Les entreprises atteignant un effectif de 50 salariés n’auront plus à mettre en place ni comité d’entreprise, ni Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Les syndicats, s’ils sont présents, ne pourront plus désigner de délégué syndical. En clair, tous les espaces qui permettent aux salariés de s’informer sur les projets de leurs entreprises, de s’exprimer collectivement et d’interpeller leur employeur – sur leurs conditions de travail et leur santé, sur leur sécurité face à la manipulation d’un produit dangereux, sur un ou plusieurs licenciements, sur un projet de restructuration, sur les comptes de la société… – seront suspendus !
Un faible impact de ces effets de seuil, selon l’Insee
Ces seuils sont déjà peu respectés. 25% des établissements de plus de 20 salariés ne disposent pas d’instances représentatives du personnel (IRP). « Cela signifie qu’en France, près d’un salarié sur cinq – 17% exactement – n’est pas représenté dans son entreprise ! C’est encore le cas dans 10% des établissements de 50 à 100 salariés », nous rappelle le sociologue Etienne Pénissat, animateur de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale (lire notre entretien). Ces seuils d’effectifs impliquent également d’autres obligations pour l’employeur : verser une aide au transport (à partir de 10 salariés et plus), s’astreindre à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (à partir de 20 salariés), augmenter les cotisations pour la formation professionnelle, ou mettre en place un plan de participation aux bénéfices pour les salariés (à partir de 50 salariés). Ces devoirs des employeurs seront-ils eux aussi suspendus ?
Pour les principaux représentants du patronat, tout cela coûte trop cher. « Au total, le seuil des 50 déclenche 35 obligations légales, ce qui représente un surcoût de 4,5% de la masse salariale », déplorait Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME, après une réunion avec Manuel Valls à Matignon le 11 avril où le sujet a été abordé [1]. Que de temps de réunions inutiles pour permettre aux salariés d’avoir leur mot à dire et à leurs représentants d’avoir les moyens d’accomplir leurs missions ! « Il y a 2,5 fois plus d’entreprises de 49 salariés que de 50 », renchérit Pierre Gattaz, pour le Medef. Un chiffre totalement faux : s’appuyant sur les déclarations annuelles de données sociales (DADS), « la source la plus fiable et la plus complète » sur les effectifs des entreprises, une étude de l’Insee sur l’impact de ces seuils sociaux pour les entreprises comptabilisait environ 1200 entreprises employant 49 salariés exactement (et le même nombre de sociétés employant 48 salariés) et un peu plus d’un millier de sociétés employant 50 salariés (environ un millier également pour celles de 51 salariés). Nous sommes donc très loin de l’écart proclamé par Pierre Gattaz [2]. Si le patron calcule ses primes de la même manière…
L’étude de l’Insee relève d’ailleurs que l’impact de ces seuils sur les créations d’emplois des entreprises a « un effet de faible ampleur ». Et que « la probabilité de croître » pour une entreprise en dessous de ce seuil diffère peu de celles qui l’ont déjà atteint [3]. Qu’importe ce que révèle la statistique nationale. Après avoir voté début 2013 l’accord interprofessionnel qui simplifie à l’extrême plusieurs procédures de licenciement, le gouvernement envisage désormais de suspendre l’une des rares possibilités de recours des salariés : leurs institutions représentatives du personnel.
Si la proposition du ministre du Travail est reprise par Matignon, cela signifiera que les entreprises dépassant les dix salariés ne seront plus obligées d’organiser l’élection d’un délégué de personnel. Les entreprises atteignant un effectif de 50 salariés n’auront plus à mettre en place ni comité d’entreprise, ni Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Les syndicats, s’ils sont présents, ne pourront plus désigner de délégué syndical. En clair, tous les espaces qui permettent aux salariés de s’informer sur les projets de leurs entreprises, de s’exprimer collectivement et d’interpeller leur employeur – sur leurs conditions de travail et leur santé, sur leur sécurité face à la manipulation d’un produit dangereux, sur un ou plusieurs licenciements, sur un projet de restructuration, sur les comptes de la société… – seront suspendus !
Un faible impact de ces effets de seuil, selon l’Insee
Ces seuils sont déjà peu respectés. 25% des établissements de plus de 20 salariés ne disposent pas d’instances représentatives du personnel (IRP). « Cela signifie qu’en France, près d’un salarié sur cinq – 17% exactement – n’est pas représenté dans son entreprise ! C’est encore le cas dans 10% des établissements de 50 à 100 salariés », nous rappelle le sociologue Etienne Pénissat, animateur de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale (lire notre entretien). Ces seuils d’effectifs impliquent également d’autres obligations pour l’employeur : verser une aide au transport (à partir de 10 salariés et plus), s’astreindre à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (à partir de 20 salariés), augmenter les cotisations pour la formation professionnelle, ou mettre en place un plan de participation aux bénéfices pour les salariés (à partir de 50 salariés). Ces devoirs des employeurs seront-ils eux aussi suspendus ?
Pour les principaux représentants du patronat, tout cela coûte trop cher. « Au total, le seuil des 50 déclenche 35 obligations légales, ce qui représente un surcoût de 4,5% de la masse salariale », déplorait Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la CGPME, après une réunion avec Manuel Valls à Matignon le 11 avril où le sujet a été abordé [1]. Que de temps de réunions inutiles pour permettre aux salariés d’avoir leur mot à dire et à leurs représentants d’avoir les moyens d’accomplir leurs missions ! « Il y a 2,5 fois plus d’entreprises de 49 salariés que de 50 », renchérit Pierre Gattaz, pour le Medef. Un chiffre totalement faux : s’appuyant sur les déclarations annuelles de données sociales (DADS), « la source la plus fiable et la plus complète » sur les effectifs des entreprises, une étude de l’Insee sur l’impact de ces seuils sociaux pour les entreprises comptabilisait environ 1200 entreprises employant 49 salariés exactement (et le même nombre de sociétés employant 48 salariés) et un peu plus d’un millier de sociétés employant 50 salariés (environ un millier également pour celles de 51 salariés). Nous sommes donc très loin de l’écart proclamé par Pierre Gattaz [2]. Si le patron calcule ses primes de la même manière…
L’étude de l’Insee relève d’ailleurs que l’impact de ces seuils sur les créations d’emplois des entreprises a « un effet de faible ampleur ». Et que « la probabilité de croître » pour une entreprise en dessous de ce seuil diffère peu de celles qui l’ont déjà atteint [3]. Qu’importe ce que révèle la statistique nationale. Après avoir voté début 2013 l’accord interprofessionnel qui simplifie à l’extrême plusieurs procédures de licenciement, le gouvernement envisage désormais de suspendre l’une des rares possibilités de recours des salariés : leurs institutions représentatives du personnel.