Le communiqué du Ministre de l’Economie et des Fiances n° 736 du 19 juillet 2013 fait chaud au cœur. Le ministre
Moscovici
s’auto congratule au sujet de l’adoption 24 heures plus tôt de « la loi
de séparation et de régulation des activités bancaires » : « …
C’est
un texte précurseur en Europe, une réforme que nous sommes les premiers
à entreprendre pour moraliser la finance, mieux la réguler et empêcher
ceux qui prennent des risques indus, d’en faire peser la responsabilité
sur les clients ou les contribuables… ».
Le pauvre garçon… alors qu’il se prépare à passer un mauvais moment
devant la Commission Economique du Parlement européen qui va devoir
donner un avis sur ses aptitudes à contrôler l’économie de l’Union, une
recherche menée par les professeurs Robert Engle, Eric Jondeau et
Michael Rockinger («
Systemic Risk in Europe – Too big to save ») dont les résultats viennent d’être publiés par le Center for Risk Management de Lausanne (
www.crml.ch), risque de compliquer un peu plus son examen de passage devant les parlementaires européens.
Menée sur un échantillon d’environ 400 entités financières (banques,
compagnies d’assurance, prestataires divers de services financiers)
européennes affichant une capitalisation boursière d’au moins un
milliard d’euros et cotées en bourse au moins depuis janvier 2000,
l’étude consiste à évaluer la contribution des pays d’Europe et de leurs
entreprises financières au risque financier systémique qui plane au
dessus de la tête du Vieux Continent.
Too big to be saved
Les auteurs ont adopté la définition du risque systémique proposée
dans le rapport sur la Stabilité Financière Globale du FMI de 2009 ; à
savoir « un risque d’interruption brutale des services financiers
causé par la défaillance partielle ou totale du système financier et qui
est susceptible d’avoir de graves conséquences sur l’économie réelle ». Une approche leur ayant permis l’élaboration de deux concepts fondamentaux :
Le premier, reprenant la terminologie du Comité de Bale sur la
Supervision bancaire, consiste en ce que les auteurs désignent comme les
« Institutions Financières Globales Importantes en termes Systémiques »
(Global Systemically Important Financial Institutions ou « G-SIFIs »)
dont la défaillance aurait des conséquences au niveau du continent tout
entier. Le second, (« D-SIFIs) consiste dans les entreprises d’une
taille inférieure dont la défaillance ne mettrait le souk qu’au niveau
de l’un des pays (c’est le « D » de « domestic »).
Ainsi armés, les auteurs ont donc sorti les calculettes afin de
déterminer le risque systémique, par pays, puis par institution
financière, en observant au passage que lorsqu’une entreprise financière
présente un risque correspondant à plus de 3% du PIB de son pays
d’origine, le poids de son sauvetage serait insupportable pour les
contribuables du pays concerné. Elles constituent donc, pour les
auteurs, des entreprises « trop grosses pour être secourues » (« too big
to be saved »).
La France en tête
Au 31 juillet 2014, terme de la période étudiée, le risque
systémique représenté par les 100 entreprises les plus exposées,
représentait une ardoise potentielle de 810 milliards d’euros et le
pays présentant le risque systémique le plus élevé est…la France avec
250,41 milliards d’Euros au compteur, devant le Royaume Unis
(188,18 milliards d’euros) l’Allemagne (114,08 milliards) l’Italie
(62,89 milliards) les Pays-bas (46,23 milliards)et la Suisse (34,51
milliards). Les « lauréats » du risque systémique, France et Royaume
Unis, représentent donc à eux-seuls, 55% du risque systémique européen.
Une jolie poudrière en cas de déflagration…
La loi bancaire évoquée plus haut confie au Haut Conseil de la Stabilité Financière, la délicate mission de « surveiller le développement d’éventuels risques systémiques et de bulles spéculatives… ».
Nul doute que ses membres doivent être un peu sur les dents. Car comme
l’indiquent les auteurs de l’étude en ce qui concerne cette fois la
contribution des entreprises au risque systémique européen, les banques
bleu-blanc-rouge caracolent en tête du classement.
C’est toutefois la Deutsche Bank qui décroche le pompon avec une
possible contribution individuelle au feu d’artifice global de 70,01
milliards d’euros. Elle coiffe sur le poteau la BNP Paribas avec un
risque de 67,88 milliards d’euros. Viennent ensuite, la Barclays qu’on
ne présente plus avec 63,10 milliards d’euros de risque, le groupe
Crédit Agricole avec 58,74 milliards d’euros et la Société Générale
(54,16 milliards d’euros). Bref 3 banques tricolores parmi les 5
lauréates du risque systémique intra-européen global. Par chance, nous
avons le Haut Conseil de la Stabilité Financière à la
manœuvre…N’empêche, à elles cinq les banques en question représentent
une charge explosive de 314 milliards d’euros ou 39% du risque global en
cas de nouvelle crise financière d’ampleur équivalente à celle de 2008…
La BNP ne pourrait pas être sauvée
Là où ça devient franchement poilant, c’est lorsque le risque des
sociétés financières est exprimé en pourcentage du PIB : La BNP occupe
une très honorable 5ème place avec un risque évalué à 3,4% du
PIB par les auteurs, derrière, dans cet ordre, le groupe néerlandais ING
(5,6%) le Groupe Crédit Suisse (3,9%) la Danske Bank danoise (3,7%) et
la Barclays également à 3,4%.
Si l’on ajoute, les contributions du Crédit Agricole (2,9%) et de la
Société Générale (2,7%) on se retrouve avec un singulier cocktail
explosif tricolore qui, théoriquement, rayerait de la carte près de 10%
du PIB hexagonal en cas de malheur…
Certes le fait d’avoir refiler le bébé de la supervision unique des
plus importantes banques de la zone Euro à la BCE à compter du début de
l’année prochaine, devrait permettre aux experts du Haut Conseil de la
Stabilité Financière de desserrer un peu les fesses.
D’ailleurs, étant donné la grande incertitude quant à la qualité des bilans des banques concernées,
les hommes de Draghi
ont déjà engagé des contrôles de la qualité de leurs actifs et des
stress-tests ; on n’est jamais à l’abri d’une mauvaise surprise…