Demain le film : l’interview de Cyril Dion
Caméra au poing, ils parcourent la Terre à la recherche des initiatives qui la font tourner plus rond. Mélanie Laurent et Cyril Dion
préparent un film résolument positif où l’on parlera d’écologie,
d’alimentation et de plein d’autres sujets encore. Leur long métrage
s’appellera Demain et, pour en parler, Cyril Dion, directeur de Colibris pendant 7 ans répond à nos questions Aujourd’hui.
Demain, c’est un tour du Monde des bonnes pratiques, un
puzzle des expériences les plus abouties dans tous les domaines
(agriculture, énergie, habitat, économie, éducation, démocratie…) pour
construire une autre histoire de l’avenir. Pourquoi avoir voulu faire ce
film ?
Cyril Dion : Cela fait des années que je me
dis que nous ne pouvons pas donner envie aux gens de changer la société
si nous ne montrons pas à quoi elle pourrait ressembler. Pour
construire un autre monde, nous avons besoin de nous projeter,
d’imaginer, de désirer. Personne n’a envie de lâcher ce qu’il a pour se
jeter dans le vide. On quitte souvent une situation, une relation pour
une autre, pas pour l’inconnu. Or, nous savons déjà comment ce monde de
demain pourrait être, nous connaissons la plupart des solutions à nos
problèmes. Mais elles n’ont jamais été rassemblées, assemblées, d’une
façon cohérente, qui nous permettrait de contempler un avenir
soutenable, intelligent, potentiellement heureux.
Il y a quelques années, vous avez contribué au film de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global qui présentait déjà pas mal de bonnes nouvelles de la planète, en quoi le film Demain sera différent ?
Solutions locales était essentiellement focalisé sur l’agriculture.
« Demain » sera une vision plus complète mêlant agriculture, énergie,
habitat, économie, éducation, démocratie… Un véritable projet de société
!
Vous avez déjà commencé à arpenter le monde, quelles sont les
belles initiatives touchant à l’agriculture, l’alimentation que vous
avez pu croiser ?
L’agriculture urbaine à Détroit par exemple. Il s’agit de la première
ville post-industrielle, où le modèle du XXème siècle s’est effondré.
Les supermarchés ont fermé les uns après les autres, la moitié de la
population a quitté la ville et ceux qui sont restés avaient de plus en
plus de difficultés à trouver des produits frais. Au lieu de se
lamenter, ils ont fait pousser eux-mêmes leurs légumes. Aujourd’hui
Détroit compte près de 1600 fermes urbaines. Il est fascinant de voir à
quel point l’alimentation est le maillon qui peut faire s’effondrer des
sociétés (les Mayas, les Sumériens) et celui par lequel des cultures
peuvent se transformer.
Et, de l’autre côté, qu’est-ce qui vous a fait bondir ?
Manger quinze jours d’affilé aux Etats-Unis ne peut que vous faire
bondir… Plus sérieusement, le gâchis alimentaire généralisé. Près de 30%
de ce que nous produisons sur la planète finit à la poubelle avant même
d’avoir été consommé. Alors que près d’un milliard de personnes meurt
de faim, c’est absolument intolérable.
On dit que la France est le pays de la bonne bouffe. Au
regard de tout ce que vous avez pu manger, est-ce qu’on reste sur le
podium ?
Oui, je pense qu’on peut le dire. Mais nous ne devrions pas nous
reposer sur nos lauriers ! On mange aussi sacrément bien à Copenhague, à
San Francisco et même en Angleterre que nous aimons tellement
critiquer. Nous avons une formidable culture culinaire, mais nous
devons, je crois, ne pas perdre la capacité de faire une bonne cuisine
au quotidien, chez nous ou dans les petits restaurants, les cafés.
Continuer à cuisiner chaque jour des produits frais et de saison, est
sans doute la clé.
Dans votre film, vous souhaitez présenter les bonnes
nouvelles. Pourtant il vous arrive parfois de toucher le fond. Etes-vous
résolument optimiste ou est-ce la méthode coué ?
Je crois en la capacité des êtres humains à se mobiliser, à se réunir
pour dépasser des situations dramatiques. C’est notre côté héroïque. De
multiples exemples l’ont prouvé dans l’Histoire. Mais je ne peux
m’empêcher de penser que nous allons attendre d’être au pied du mur pour
le faire. Et de nombreuses personnes en payeront le prix. C’est ce qui
me désespère certains jours.
Pour financer votre film, vous avez fait appel aux citoyens en lançant une grande collecte sur Kisskissbankbank.
Vous êtes entrés dans l’histoire avec un résultat jamais égalé : 444
390 € collectés et 10266 contributeurs. Ca met la pression ?
Oui, cela donne une responsabilité forte. Mais ça encourage aussi !
C’est extraordinaire d’être porté par l’énergie de dix mille personnes
qui vous disent qu’elles croient en votre projet, qu’elles voient qu’il
est important qu’il existe. Maintenant, nous ne voulons pas les
décevoir.
Quelles sont les prochaines étapes avant de voir Demain sur les écrans ?
Finir de tourner (nous n’avons plus qu’une dizaine de jours), monter,
mixer, étalonner, faire la musique, l’animation… Nous avons encore du
pain sur la planche ! Le film devrait sortir en octobre 2015.
Un message positif pour finir ?
Le futur est entre nos mains. Comme le disait l’un des intervenants :
c’est une accumulation de petites actions qui nous ont amené là où nous
sommes, c’est donc une accumulation de petites actions qui peut nous en
sortir. Les actions que nous entreprenons sont petites mais si nous
sommes sept milliards à les faire, le monde changera demain !