Un livre choc – "Une France sous influence" : Comment le Qatar s’est "offert" NS
Dans "Une France sous influence", un livre explosif à paraître dans quelques jours, Vanessa Ratignier et Pierre Péan racontent comment la France est devenue le terrain de jeu préféré du Qatar.
En 2008, Chirac serait même sorti de sa réserve d’ancien président pour prévenir Sarkozy qu’il fait alors fausse route en se rabibochant, grâce au Qatar, avec la Syrie de Bachar al-Assad. D’autant que circulent des rumeurs de corruption et de financement de son divorce par l’émirat. Un récit à découvrir dans "Marianne" cette semaine.
LUDOVIC-POOL/SIPA POOL/SIPA
Le
14 juillet 2008, à la veille d’un sommet de l’Union pour la
Méditerranée, Nicolas Sarkozy invite à sa tribune pour le défilé
militaire, le carré des dictateurs de la Méditerranée : Bachar al-Assad, le Tunisien Zine El-Abidine Ben Ali, l’Egyptien Hosni Moubarak et l’émir al-Thani du Qatar. A
l’époque, Bachar est traité en paria par la communauté internationale
pour l’implication présumée de son régime dans l’assassinat de
l’ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri. Ce milliardaire a
été en 2005 la cible d’un attentat-suicide commis par une camionnette
contenant une charge explosive de 1 800 kilos. Les services de
renseignement syriens sont vite montrés du doigt.
Deux ans plus tard, lors de la
passation du pouvoir entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, c’est la
question du Liban qui domine les échanges en matière de politique
étrangère, expliquent Vanessa et Ratignier et Pierre Péan dans leur livre, Une France sous influence*.
Chirac conseille alors à son successeur de rencontrer le fils de Rafic
Hariri, chef de la majorité qui soutient le gouvernement libanais, et de
rester ferme avec la Syrie.
Sarkozy fera la sourde oreille. A l’époque, le nouveau président charge très vite Claude Guéant
de reprendre contact avec le régime Syrien. C’est l’émir du Qatar qui
sera à la manœuvre de ce rapprochement dont le point culminant sera le
défilé militaire du 14 juillet 2008. C’en est trop pour Jacques Chirac,
ami très proche des Hariri, qui a quitté le pouvoir il y a un an. En
août 2008, en vacances dans la résidence tropézienne de son ami
milliardaire François Pinault, Jacques Chirac se rend au Cap Nègre
visiter le couple Sarkozy-Bruni, prévenant le président qu’il fait
fausse route et que « la France a tout à perdre à aller à Damas. Tous nos amis libanais sont furieux ».
L’ancien président raconte à son successeur que le Premier ministre du Qatar, Hamad Jassem al-Thani a même tenté de le corrompre, venant à l’Elysée avec des valises remplies de billets : « Nicolas,
fais attention. Des rumeurs de corruption fomentée par le Premier
ministre qatari te concernant circulent dans Paris…Fais vraiment
attention ».
En effet, des bruits circulent
notamment sur le financement par le Qatar du divorce de Nicolas Sarkozy
avec Cécilia en octobre 2007. Certains suggèrent qu’il a été payé par un
prélèvement effectué sur l’argent versé par le Qatar à la Libye, en
échange de la libération des infirmières bulgares détenues par le régime
de Kadhafi. Le Qatar aurait versé bien plus que le montant de la rançon
réclamée par la Libye. Le tout sur des comptes en Suisse qui auraient
notamment servi à financer le divorce de Nicolas Sarkozy.
En 2008, l’émir de Doha raconte que le président français en a même pleuré sur son épaule : « Sarkozy
pleurait presque. Il m’a raconté que sa femme Cécilia lui demandait 3
millions d’euros pour divorcer. C’est moi qui ai payé »,
confie-t-il à l’ancien activiste libanais Anis Naccache, condamné à la
réclusion criminelle à perpétuité en 1982 pour avoir tenté d’assassiner
l’ancien Premier ministre du shah d’Iran, Shapour Bakhtiar.
Toujours est-il que Sarkozy contribuera à
installer le Qatar comme une puissance incontournable du Moyen-Orient,
ses dirigeants lui dictant même sa politique étrangère dans la
région. D’autres responsables politiques rapporteront que le Qatar
aurait pu être « la pompe à fric » de Sarkozy bien après avoir quitté
le pouvoir, allant jusqu’à imaginer la création d’un fonds
d’investissement dirigé par l’ancien chef de l’Etat, qui lui aurait rapporté 3 millions d’euros par an.
Une France sous influence. Quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu, Vanessa Ratignier et Pierre Péan, Fayard, septembre 2014.