La Russie et la Chine retiendront-ils leur riposte, jusqu’à ce que la guerre soit la seule possibilité qui reste ?
Le discours d’Obama à l’ONU, le 24 septembre, est la chose
la plus absurde que j’aie entendue de toute ma vie. Il est tout à fait
étonnant que le président des USA se présente devant le monde entier et
dise ce que tous savent être des mensonges flagrants, tout en démontrant
les doubles standards de Washington, et la croyance que seuls les USA,
qui seraient exceptionnels et indispensables, ont le droit de violer
toutes les lois.
Il est encore plus étonnant que les personnes présentes ne se soient pas levées pour quitter l’assemblée générale.
Les diplomates de la planète sont restés assis à écouter les
mensonges flagrants du plus grand terroriste de la planète. Ils ont même
applaudi pour montrer leur accord.
Le reste du discours était de la fadaise complète : « Nous sommes à la croisée des chemins », « signes de progrès », « risques réduits de guerre entre les grandes puissances », « des centaines de millions sortis de la pauvreté », et alors que le virus Ébola fait des ravages en Afrique « nous avons appris à guérir les maladies et harnacher l’énergie du vent et du soleil ». Nous sommes Dieu. « Nous », cela signifie des « gens exceptionnels ». Personne d’autre ne compte. « Nous » sommes le tout.
Il est impossible de choisir l’affirmation la plus absurde dans le
discours d’Obama ou le mensonge le plus flagrant. Peut-être celui-ci ? «
L’agression russe en Europe rappelle les jours où les grandes nations
écrasaient les petites dans leur poursuite d’ambitions territoriales ».
Ou peut-être celui-ci ? « Après que le peuple ukrainien s’est
mobilisé pour protester et appeler à des réformes, leur président
corrompu a fui. Contre la volonté du gouvernement de Kiev, la Crimée a
été annexée. La Russie a livré des armes à l’est de l’Ukraine pour
attiser les violences des séparatistes, dans un conflit qui a tué des
milliers de personnes. Lorsqu’un avion civil a été abattu au-dessus des
régions contrôlées par ces suppôts, ils ont refusé l’accès au site de
l’écrasement pendant des jours. Lorsque l’Ukraine a commencé à affirmer
son contrôle sur son territoire, la Russie a abandonné la prétention de
simplement soutenir les séparatistes et a fait traverser la frontière à
ses troupes ».
Le monde entier sait que Washington a renversé le gouvernement
ukrainien élu, que Washington empêche la diffusion des photos de la
destruction de l’avion de ligne malaysien, que l’Ukraine refuse de
divulguer ses instructions de plan de vol au pilote de l’avion, que
Washington a empêché une véritable enquête sur la destruction de
l’avion, que des experts européens sur la scène de l’écrasement ont
témoigné que les deux côtés de la cabine de pilotage étaient troués par
des balles de mitrailleuses, ce qui indique que l’avion a été abattu par
des avions de chasse qui le poursuivaient. En effet, il n’y a aucune
explication au fait que des avions de combat poursuivaient cet avion de
ligne pourtant dirigé par le contrôle aérien ukrainien.
Le monde entier sait que si la Russie avait des ambitions
territoriales, lorsque l’armée russe a vaincu l’armée géorgienne,
entraînée et armée par les Américains, et qui avait attaqué l’Ossétie du
sud, la Russie aurait gardé la Géorgie et l’aurait annexée à la Russie,
comme pendant des siècles.
Remarquez que ce n’est pas une agression lorsque Washington bombarde
et envahit sept pays en treize ans, sans la moindre déclaration de
guerre. Mais il y aurait eu agression lorsque la Russie a reconnu la
pétition des Criméens, qui ont voté à 97 % en faveur du rattachement à
la Russie, comme cela fut pendant des siècles, avant que Khrouchtchev ne
la rattache à la République soviétique socialiste de l’Ukraine en 1954,
époque où la Russie et l’Ukraine faisaient parties du même pays.
Et la planète entière sait que, comme l’a dit le chef séparatiste de la république de Donetsk « Si
les armées russes combattaient avec nous, la grande nouvelle ne serait
pas la chute de Marioupol, mais celle de Kiev et Lviv ».
Quel est ce « cancer de l’extrémisme violent » ? L’État
islamique (EI), qui décapite quatre journalistes, ou Washington, qui a
bombardé sept pays au XXIe siècle, assassinant des centaines de milliers
de civils et obligeant des millions de personnes à fuir pour trouver
refuge ?
Qui est le pire terroriste ? L’EI, un groupe qui redessine les
frontières artificielles créées par les colonisateurs britanniques et
français, ou Washington, avec sa doctrine Wolfowitz, le fondement de la
politique internationale des USA, qui déclare que l’objectif dominant
des USA est son hégémonie mondiale ?
L’EI est la création de Washington. L’EI est constitué de djihadistes
que Washington a utilisés pour renverser Kadhafi en Lybie, puis a
envoyés en Syrie pour renverser Assad. Si l’EI est « un réseau de la mort »,
le mal avec lequel il est impossible de négocier, comme le soutient
Obama, alors c’est un réseau créé par le régime d’Obama lui-même. Si
l’EI est une menace comme le prétend Obama, comment le régime qui a créé
la menace peut-il être crédible pour combattre cette même menace ?
Obama n’a jamais mentionné dans son discours que le principal
problème mondial est l’incapacité de Washington à accepter l’existence
de pays indépendants et forts, tels la Russie et la Chine. La doctrine
néoconservatrice de Wolfowitz piège les USA dans leur rôle d’unique
pouvoir mondial. Cette tâche oblige Washington à éviter qu’une puissance hostile puisse
dominer une région, dont les ressources pourraient, si elles étaient
sous contrôle des USA, engendrer un pouvoir global planétaire. Une puissance hostile, est n’importe quel pays qui a un pouvoir suffisant pour limiter l’exercice du pouvoir américain.
La doctrine Wolfowitz vise explicitement la Russie : « Notre
principal objectif est d’empêcher la réémergence d’un nouveau rival, sur
le territoire de l’ancienne Union soviétique ou ailleurs ». Un rival est défini comme tout pays capable de défendre ses intérêts et ceux de ses alliés contre l’hégémonie de Washington.
Dans son discours, Obama a dit à la Russie et la Chine qu’ils peuvent
faire partie de l’ordre mondial de Washington, à condition qu’ils
acceptent l’hégémonie de Washington et qu’ils n’agissent d’aucune façon
contre le contrôle de Washington. Quand Obama dit à la Russie que les
USA vont collaborer avec la Russie « si la Russie change de direction », cela signifie que Moscou doit accepter la primauté des intérêts de Washington sur les intérêts nationaux de la Russie.
Clairement, cette position est inflexible et irréaliste. Si
Washington maintien cette politique, la guerre avec la Russie et la
Chine est inévitable.
Obama a informé la Chine que Washington a intention de continuer à exercer son pouvoir dans la sphère d’influence chinoise, « faisant la promotion de la paix, de la stabilité et la libre circulation du commerce entre les nations
» en construisant des bases aériennes et navales, des Philippines au
Vietnam, de sorte que Washington puisse contrôler le flux des ressources
traversant la mer de Chine méridionale et couper ce flux à volonté.
Pour autant que je puisse le voir, les gouvernements de la Russie et
de la Chine ne semblent pas comprendre l’importance de la menace que
constitue Washington. La prétention de Washington à l’hégémonie mondiale
semble trop irréaliste à la Russie et à la Chine pour être vraie. Elle
est pourtant très réelle.
En refusant de prendre la menace au sérieux, la Russie et la Chine
n’ont pas répondu d’une façon suffisante pour contrer la menace. Cela
risque d’aboutir à une guerre inévitable.
Par exemple, le gouvernement russe pourrait probablement briser
l’Otan en réponse aux sanctions imposées par Washington et l’Union
européenne. Il suffirait d’informer les gouvernements européens que la
Russie ne vend plus de gaz naturel aux membres de l’Otan. Au lieu
d’utiliser ce pouvoir, la Russie a sottement permis à l’UE d’accumuler
des réserves importantes, permettant aux industries et à la population
de traverser l’hiver.
La Russie a-t-elle vendu son intérêt national pour des dollars ?
Une grande partie du pouvoir et de l’hégémonie financière de
Washington provient du rôle du dollar US comme monnaie mondiale. La
Russie et la Chine ont été lentes, même négligentes, à défendre leur
souveraineté, à tirer profit d’occasions d’affaiblir ce pilier du
pouvoir de Washington. Par exemple, les pourparlers du groupe des BRICS
[Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud] en vue d’abandonner le
dollar ont plus été des paroles que des plans d’action. La Russie n’a
même pas besoin de l’accord des états marionnettes européens pour se
faire payer le gaz naturel russe en roubles.
On pourrait penser qu’un pays comme la Russie, après avoir vécu une
telle hostilité et une telle diabolisation de la part de l’Occident,
soutiendrait d’abord sa propre monnaie, grâce aux ventes de gaz, plutôt
que le dollar américain. Si le gouvernement russe continue de soutenir
les économies des pays européens hostiles à la Russie, et d’empêcher que
les peuples d’Europe ne gèlent durant l’hiver prochain, alors la Russie
ne devrait-elle pas, en échange d’une telle subvention à ses ennemis,
s’arranger pour soutenir sa monnaie en exigeant que les pays européens
paient en roubles ? Malheureusement pour la Russie, la Russie est
infectée d’économistes néo-libéraux formés à l’ouest, qui représentent
les intérêts occidentaux, plutôt que les intérêts russes.
Lorsque l’Occident voit une telle faiblesse, extraordinaire de la
part du gouvernement russe, Obama sait qu’il peut se rendre à l’ONU et y
dire les mensonges les plus flagrants sur la Russie, sans conséquences
pour les USA et l’Europe. L’inaction russe entretient la diabolisation
de la Russie.
La Chine n’a pas eu plus de succès dans ses occasions de déstabiliser
Washington. Par exemple, c’est un fait bien connu, que Dave Kranzler et
moi avons démontré, la Réserve fédérale utilise ses agents dans les
banques pour faire chuter le prix de l’or et protéger la valeur du
dollar, selon les politiques de la Réserve fédérale. La méthode utilisée
par ces banques est de faire chuter le prix de l’or, par des ventes
énormes à découvert, à des moments où il y a peu de volume, voire aucun
volume de transaction.
La Chine et la Russie pourraient tirer profit de ces tactiques en
achetant les découverts non garantis ou garantis, lorsqu’il y en a, et
en exigeant livraison au moment de régler les contrats en liquide. Ni la
Comex de New York, ni le marché de Londres ne pourraient livrer, et le
système imploserait. La conséquence d’un défaut de livraison pourrait
être catastrophique pour le système financier occidental, mais, au
moins, cela démontrerait la nature corrompue des institutions
financières occidentales.
Ou la Chine pourrait frapper le coup fatal. En choisissant un moment
de grande inquiétude ou de perturbation des marchés américains, la Chine
pourrait lâcher sur le marché ses milliards de bons du Trésor, ou même
tous ses avoirs en produits financiers. La Réserve fédérale et le Trésor
américain pourraient tenter de stabiliser les prix des produits
financiers, en imprimant encore plus de monnaie, afin d’acheter ces bons
et produits. Cette création de monnaie engendrerait encore plus
d’inquiétude sur la valeur du dollar, au point que la Chine pourrait
déverser sur le marché tous les paiements reçus en dollars. La Réserve
fédérale ne peut imprimer des monnaies étrangères avec lesquelles
acheter les dollars excédentaires, de sorte que la valeur d’échange du
dollar s’effondrerait, tout comme sa valeur à titre de monnaie mondiale.
Les USA deviendraient un autre pays en faillite, incapable de payer
pour ses importations.
Il est possible que Washington puisse obtenir du Japon et de la
Banque centrale européenne qu’ils impriment des yens ou des euros pour
acheter les dollars excédentaires, mais cela entraînerait la chute du
yen et de l’euro face au dollar.
Une ruée sur les monnaies chinoise et russe s’ensuivrait, et l’Occident perdrait son hégémonie financière mondiale.
Par leur retenue, la Russie et la Chine facilitent les attaques de
Washington contre elles. La semaine dernière, Washington a incité des
milliers d’activistes d’organisations non gouvernementales à contester,
dans les rues de Moscou, la « guerre de Poutine en Ukraine ».
Sottement, la Russie a permis à des intérêts étrangers de devenir
propriétaires des journaux russes qui, dès lors, dénoncent en continu
Poutine et le gouvernement russe aux yeux des lecteurs russes.
La Russie a-t-elle vendu son âme et son réseau de communication pour
quelques dollars ? Des oligarques ont-ils vendu la Russie pour des
comptes bancaires en Suisse et à Londres ?
La Russie et la Chine ont toutes deux des populations musulmanes,
grâce auxquelles la CIA cherche à provoquer la déstabilisation, la
rébellion et la violence. Washington a l’intention de briser la
Fédération russe en pays plus petits et plus faibles, qui ne pourraient
résister à l’hégémonie de Washington. La crainte russe et chinoise d’une
discorde avec leur population musulmane a eu pour effet que les deux
gouvernements ont fait l’erreur grave de s’aligner avec Washington
contre l’EI et le maintien du statu quo dans le monde musulman.
Si la Russie et la Chine comprenaient la gravité de la menace que
pose Washington, les deux gouvernements agiraient de concert avec le
principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami ». La Russie et
la Chine armeraient l’EI de missiles sol-air pour abattre les avions
américains et fourniraient des renseignements militaires pour permettre
une défaite américaine. Suite à cette défaite suivraient des
renversements en Arabie saoudite, au Bahreïn, au Qatar en Jordanie, en
Égypte, aux Émirats arabes, ainsi que de tous les régimes fantoches de
la région. Washington perdrait le contrôle sur le pétrole, et les
pétrodollars passeraient dans l’histoire. C’est extraordinaire, au
contraire, de voir la Russie et la Chine protéger le contrôle de
Washington au Moyen-Orient, ainsi que les pétrodollars.
La Chine est l’objet de diverses attaques. La Fondation Rockefeller
embauche des agents américains dans des universités chinoises, j’en suis
informé par des universitaires. Des compagnies américaines sises en
chine créent des conseils d’administration chinois, dans lesquels elles
nomment des parents d’officiels du parti communiste, locaux ou
régionaux. Cela a pour effet de déplacer la loyauté due au gouvernement
central vers les dollars américains. Par ailleurs, la Chine a de
nombreux économistes formés aux USA, imprégnés de l’idéologie
néo-libérale, qui représentent les intérêts de Washington.
Aussi bien en Russie qu’en Chine, un pourcentage significatif de la
population souhaite devenir occidental. L’échec du communisme dans les
deux pays et la réussite américaine dans la guerre de propagande ont
engendré des loyautés envers l’Amérique, plutôt qu’envers leurs propres
gouvernements. En Russie, on les appelle intégrationnistes atlantistes.
Il s’agit de Russes qui souhaitent l’intégration de la Russie à
l’Occident. Je connais moins l’équivalent chinois, mais le matérialisme
et le manque de retenue sexuelle y est effroyable.
L’incapacité des gouvernements russe et chinois à faire face à la
menace contre leur souveraineté, et l’insistance des adeptes de
l’économie néo-libérale, rendent la guerre nucléaire plus probable. Si
les Russes et les Chinois comprennent les enjeux trop tard, la seule
alternative sera la guerre ou la soumission à l’hégémonie américaine.
Comme il n’y a aucune possibilité pour les USA et l’Otan d’occuper la
Russie et la Chine, la guerre sera nucléaire.
Pour éviter cette guerre, qui, selon de nombreux experts, pourrait
détruire la vie sur terre, les gouvernements russe et chinois doivent
rapidement devenir réalistes dans leur évaluation du mal au sein de
Washington, qui a fait des USA le pire état terroriste de la planète.
Il est possible que la Russie, la Chine et le reste du monde puissent
être sauvés par l’implosion de l’économie américaine. L’économie des
USA est un château de cartes. Le revenu moyen réel des familles est en
déclin sur le long terme. Les universités produisent des diplômés
criblés de dettes, mais sans emploi. Le marché obligataire est trafiqué
par la Réserve fédérale, qui a besoin de magouiller sur les marchés des
lingots pour protéger le dollar. Le marché boursier est truqué par le
déversement de billets de banque émis par la Réserve fédérale et son
équipe de protection contre l’effondrement, ainsi que par les
entreprises qui rachètent leurs propres actions boursières. Le dollar
est soutenu par tradition, habitude et troc de monnaies.
Le château de cartes américain continue de tenir, grâce à la
tolérance mondiale pour la corruption à grande échelle et à la
désinformation, et aussi car la cupidité est satisfaite par l’argent
provenant d’un système truqué.
La Russie ou la Chine (ou les deux) pourront abattre ce château de
cartes lorsqu’ils auront des responsables capables de le faire.
Paul Craig Roberts
Traduit par François Gauthier, et relu par Wayan, pour vineyardsaker.fr
Traduit par François Gauthier, et relu par Wayan, pour vineyardsaker.fr
Source : Will Russia and China Hold Their Fire Until War Is the Only Alternative? (paulcraigroberts.org, anglais, 25-09-2014)
Paul Craig Roberts a été Assistant secrétaire aux politiques
économiques du Trésor des USA et éditeur associé du Wall Street Journal.
Il a été chroniqueur pour Business Week, Scripps Howard News Service et
Creators Syndicate. Il a occupé de nombreux postes universitaires. Ses
chroniques par Internet ont attiré un auditoire mondial. Son dernier
livre, The Failure of Laissez Faire Capitalism and Economic Dissolution of the West est présentement disponible (en anglais).