Un nouveau Maïdan… à Hong Kong ?
Un Maïdan à Hong Kong fomenté
par les USA ? Ce bruit court avec insistance, notamment dans les réseaux
de blogueurs russes, qui font le parallèle immédiat avec l’Ukraine, et
est repris dans un article de Zero Hedge de ce jour [1]. Nous ne pouvons
précisément vérifier sa véracité, compte tenu de nos moyens
d’information limités. Il n’est pas interdit cependant de lui donner
écho, pour suivre plus attentivement la suite des événements. Mais de quoi s’agit-il ?
Rappelons que, par le terme de révolution de la place Maïdan,
l’opinion occidentale désigne les manifestations s’étant produites à
Kiev il y a quelques mois, qui ont entrainé la chute du président
prorusse de l’époque, remplacé par un président pro-occidental, dit
aussi « Roi du chocolat », compte tenu de ses intérêts personnels dans
ce domaine. Or, cette révolution, présentée sur le moment, par des
forcenés du type de Bernard Henri Lévy, comme une explosion de la démocratie
enfin revenue à Kiev, s’est révélée rapidement comme le résultat de
manœuvres en sous-main, à la limite du terrorisme, conduites par des
groupes de mercenaires financés par la CIA, afin d’affaiblir l’influence
russe dans ce pays, et de compromettre l’image de Poutine.
L’opération se poursuit actuellement dans le cadre des combats
sanglants qui se mènent entre pro-russes et troupes gouvernementales
dans le Donbass et en Ukraine russophone. Poutine en est effectivement
affaibli, car il est pris en deux maux : intervenir militairement
au-delà des frontières de la Fédération de Russie, ou laisser les
répressions gouvernementales se poursuivre.
Dans Le double jeu américain avec le Calife [2], nous
indiquions récemment que, selon diverses informations, Washington se
préparait à mener contre la Chine, devenue, en second rang après la
Russie, son nouvel ennemi héréditaire, une opération du même type que
celle qui lui avait si bien réussi à Kiev : susciter dans certaines
provinces des manifestations populaires qui permettraient d’ébranler le
régime. Nous évoquions le soutien donné à des indépendantistes musulmans
ouïghours. Mais en fait il paraît très probable que Washington ait
décidé de s’en prendre à une autre des faiblesses du régime, le statut
du Territoire de Hong Kong. Ne revenons pas ici sur l’historique de ce
que certains avaient appelé l’annexion de l’ex-colonie britannique. Elle
avait suscité de nombreuses opposions, venues de différents milieux.
Mais finalement l’actuel système, dit des deux Chines, un seul système, auquel est soumis le territoire paraissait satisfaire l’ensemble des parties.
Or les médias du monde entier ont pu constater que depuis quelques
jours, des foules nombreuses, composées principalement de manifestants
se disant en lutte pour la démocratie, avaient occupé divers lieux
sensibles, notamment Central et Admiralty, centres
financiers situés non loin du siège du gouvernement. Les manifestations
se veulent pacifiques. Cependant, des échauffourées ont déjà eu lieu
avec les forces de police. Aujourd’hui 1er octobre, les manifestants
pro-démocratie sont toujours fortement mobilisés, à la veille de la fête
nationale chinoise, refusant de répondre aux appels à la dispersion
lancés par le chef de l’exécutif, présenté comme aux ordres de Pékin par
les plus activistes d’entre eux.
Nous n’examinerons pas ici la légitimité de ces manifestations, ni le
contenu des réformes politiques qu’elles demandent, promises après la
rétrocession à la Chine de la colonie en 1997. Il est difficile par
ailleurs d’évaluer le soutien populaire qu’apporte le reste de la
population à ces revendications. Il est certain cependant que la
confrontation des manifestants avec les forces de police est localement
très électrique, et pourrait rapidement dégénérer en batailles rangées,
dont l’issue, comme toujours en de telles situations, serait incertain.
Ce qui est certain par contre c’est que les États-Unis n’avaient pas
manqué, depuis longtemps, de mener à Hong Kong, et dans d’autres régions
proches, des actions du même type que celles ayant provoqué, ces
dernières années, le succès des révolutions dites orange aux frontières de la Russie. Il s’agit de ce que l’on peut qualifier de diplomatie
du dollar et des services secrets. Les officiels chinois ont dénoncé
ces manœuvres et appellent à la résistance. Le Département d’État
américain n’hésite plus dorénavant à se confronter directement avec eux
sur le plan diplomatique. Quelle que soit la sympathie que l’on puisse
éprouver en faveur du concept de démocratie, à Hong Kong comme
ailleurs, on ne peut s’empêcher de constater que ce concept est devenu
la plus performante des armes utilisées par les bellicistes américains
pour étendre leur domination systémique à certaines parties de l’Asie
jusque-là préservées.
Affaire donc à suivre attentivement, notamment au regard de ce qu’il
pourrait en résulter sur l’avenir du BRICS et des offensives anti-dollar
envisagées par ce dernier, ainsi que sur la façon dont réagira
l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).
Jean-Paul Baquiast
Notes
[1] Is the U.S. Secretly Egging On Hong Kong Protesters? (zerohedge.com, 01-10-2014)[2] Le double jeu américain avec le Calife (vineyardsaker, français, 27-09-2014)