Les états-unis détruisent les infrastructures pétrolières syriennes au lieu de lutter contre ISIS [New Eastern Outlook]
4 novembre, 2014 | Posté par Ender |
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Les états-unis envisagent de bombarder les pipelines
syriens au prétexte de couper les sources de financement de l’EIIL qui
retire d’importants profits de l’exploitation des champs pétroliers
passés sous son contrôle.
Le journal The Independent rapporte les propos de
Julieta Valls Noyes, la secrétaire adjointe pour les affaires
européennes et eurasiennes au département d’état, durant une visite à
Londres, comme quoi ISIS retirerait 2 millions de dollars chaque jour de
la vente de pétrole et que les USA envisageaient des « frappes chirurgicales contre certains pipelines » et « une action physique réelle pour stopper ce flux ».
Le problème avec cette justification afin de
bombarder les pipelines syriens, c’est qu’ISIS n’a pas les capacités
opérationnelles pour utiliser les pipelines afin d’exporter son pétrole.
ISIS transporte le pétrole volé à l’aide de camions et le vend sur le
marché noir en Turquie.
Ceci est admis dans le même article du journal The Independent qui rapporte les propos de Mme Noyes :
« ISIS a vendu une parti du pétrole provenant des installations saisies au régime de Damas au travers d’arrangements
locaux, dans le même temps, des cargaisons ont été vendues au marché
noir en Turquie. Le régime d’Erdogan a été accusé de fermer les yeux sur
ces transactions illicites. »
Si les USA désiraient vraiment couper à ISIS ses
ressources ils bombarderaient les convois de pétrole qui sont aisément
identifiables par les vols de reconnaissance aériens traditionnels qui
ont déjà été mis en place dans le cadre de l’opération de la coalition
actuellement en cours. L’agenda US de destruction des pipelines syriens a
en réalité très peu de choses à voir avec la volonté de couper les
sources de financement d’ISIS mais vise plutôt à détruire les
infrastructures pétrolières syriennes. En fait, l’estimation selon
laquelle ISIS retire 2 millions de dollars par jours de la vente de
ressources pétrolières provient d’une unique source qui se trouve être
une compagnie de consulting (IHS) basée au Colorado. L’administration US
a pourtant choisi de citer ses chiffres sans émettre le moindre doute à
leur sujet. Il est bien plus probable que le montant des profits ait
été surévalué pour masquer le fait qu’ISIS reçoit des fonds de la part
d’états acteurs du conflit comme la Turquie, le Qatar et d’autres états
du Golfe, et également pour fournir un prétexte au ciblage des
infrastructures syriennes.
Le mois derniers des raids aériens américains en
Syrie et en Irak ont supposément détruit de petites raffineries à Raqqa.
Aucune démarche n’a été faite pour prouver si ISIS était capable dans
les faits d’utiliser les raffineries de pétrole syriennes. En réalité,
la même compagnie de consulting dont l’administration US utilise les
chiffres en ce qui concerne les profits que tire ISIS de la vente de
pétrole (IHS), affirme qu’ISIS vend du pétrole non raffiné. IHS ajoute
une mise en garde spécifiant que ses estimations ont été effectuées
avant les frappes américaines, éludant la question de savoir si les
frappes de l’aviation US ont eu un impact sur les profits pétroliers de
l’organisation terroriste.
Pourtant, l’Observatoire Syrien des Droits de
l’Homme, une ONG pro-insurgés basée à Londres, qui a été la source
principale des médias de l’establishment depuis le début de la crise en
Syrie, a affirmé que les raffineries de pétrole ne constituaient pas de
véritables cibles car ISIS ne les utilisait pas.
Selon Reuters :
« Les soit-disant raffineries ne constituent pas
une cible pertinente et leur destruction n’affaiblira pas ISIS car elles
n’ont aucune valeur financière pour eux. » a confié Rami Abdael Rhaman à
Reuters.
« Ils utilisent des camions avec un équipement spécifique qui sépare le diesel de l’essence utilisé par les véhicules civils. »
Les deux principales raffineries syriennes sont
situées près d’Homs et Banyas, et pas quelque part près de Raqqa. La
déclaration US comme quoi les frappes aériennes détruisaient les
raffineries d’ISIS est un écran de fumée et sera probablement encore
utilisée pour justifier la destruction d’autres infrastructures
syriennes.
La destruction des infrastructures pétrolières
syriennes va également amener aux compagnies américaines et anglaises
d’importants contrats de reconstruction qui vont obliger l’état syrien à
s’endetter. Les compagnies étrangères qui vont s’implanter en Syrie
empêcheront toute nationalisation des ressources pétrolières qui
permettrait de fonder un état prospère et indépendant. Cela aura pour
effet la mise en esclavage du pays tout en atténuant la menace qu’il
pose aux clients régionaux des états-unis comme Israël, l’Arabie
Saoudite ou la Turquie.
L’enjeu des gazoducs
L’objectif américain est plus vaste que
l’exploitation du pétrole syrien. Les états-unis essaient également de
contrôler les flux de pétrole et leur vente aux autres nations ce qui
est essentiel dans leur projet d’hégémonie globale. Leur objectif prend
également en compte les réserves de gaz de la Russie et de l’Iran.
Selon le journal The Guardian :
« En 2009 Assad a refusé de signer un projet avec
le Qatar qui prévoyait la construction d’un gazoduc de son champ le plus
au Nord, contigü du champ iranien South Pars et traversant l’Arabie
Saoudite, la Jordanie puis la Turquie, avec comme projet d’alimenter le
marché européen et de concurrencer la Russie. Le raisonnement d’Assad a
été de protéger ses alliés russes qui sont les premiers fournisseurs de
gaz naturel à l’Europe.
Les années précédentes, Assad a poursuivit un
projet de gazoduc alternatif avec l’Iran pour un coût estimé de 10
milliards de dollars. Ce dernier devait connecter l’Iran à la Syrie en
traversant l’Irak, ce qui aurait potentiellement permis à l’Iran de
donner à son champ de South Pars, commun avec le Qatar, un débouché sur
le marché européen. Le protocole d’accord pour le projet a été signé en
juillet 2012 , en même temps que la guerre civile syrienne gagnait Alep
et Damas. Auparavant l’Irak venait de signer un accord pour la
construction du gazoduc. Ce projet Iran-Irak-Syrie, constituait un
véritable camouflet pour les plans du Qatar. »
Le projet de gazoduc Iran-Irak-Syrie débouchant sur
la Méditerranée par la côte syrienne,où la Russie dispose d’une base
navale, aurait permis à cette dernière d’avoir un contrôle sur le débit
du gaz iranien, atténuant la rivalité entre les deux pays.
L’intérêt du Qatar, en finançant l’insurrection,
consiste à renverser le gouvernement syrien et à installer une
opposition inféodée à ses intérêts afin de mener à bien son propre
projet de gazoduc. La Turquie, l’Arabie Saoudite et la Jordanie
partagent également des intérêts dans ce projet. Ce dernier correspond à
l’objectif états-unien d’affaiblissement de la position stratégique de
la Russie vis à vis de l’Europe.
Ils ont également un plan alternatif pour cela, le
projet de gazoduc Nabucco, raccordant l’Iran à l’Europe via la Turquie
et qui mettrait directement en concurrence le gaz iranien et russe.
Devant l’échec de leur projet visant à renverser le gouvernement syrien,
les états-unis ont décidé de détruire ce qu’ils ne pouvaient contrôler.
La guerre perpétuelle et la destruction des gazoducs et pipeline
existants devrait rendre impossible tout futur projet concurrent.
Avec des titres tels que « Les USA bombardent les
pipeline d’ISIS » dans les médias dominants, il est facile d’oublier que
les pipeline et les raffineries bombardés par les USA n’appartiennent
pas à ISIS mais à la population syrienne.
Maram Susli pour le New Eastern OutlookTraduction Ender pour les moutons enragés