Hier, après l’annonce par le nouveau gouvernement de mesures approuvées par les électeurs, la Bourse a perdu 10% et les banques grecques un quart de leur valeur.
Les marchés n’aiment pas les élections. Encore moins quand elles portent au pouvoir un gouvernement de gauche soucieux d’abord de satisfaire sa population. L’annonce, mercredi, par le nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras de l’arrêt de certaines privatisations clés comme celle du port du Pirée ou de la compagnie national d’électricité (DEI), ainsi que la réaffirmation de sa détermination à tourner la page de l’austérité, ont immédiatement été suivies d’une chute de la Bourse et notamment des grandes banques.
L’indice général de la Bourse d’Athènes a perdu 9,24 % en une journée, et les banques un quart de leur valeur (-26,67%) [1], tandis que l’obligation grecque à 10 ans est repassée au-dessus de 10 %.
Ces décrochages avaient commencé avant la victoire de Syriza. Depuis le 8 décembre et l’annonce de la tenue des élections qui ont conduit dimanche à la victoire de Syriza aux législatives, la Bourse d’Athènes a perdu 31 %. Les retraits dans les banques grecques ont également fortement augmenté dans les semaines précédant les élections.
Ces décrochages avaient commencé avant la victoire de Syriza. Depuis le 8 décembre et l’annonce de la tenue des élections qui ont conduit dimanche à la victoire de Syriza aux législatives, la Bourse d’Athènes a perdu 31 %. Les retraits dans les banques grecques ont également fortement augmenté dans les semaines précédant les élections.
La menace d’un membre de la Banque centrale allemande
Le montant de ces retraits, selon une source informée, citée par l’agence Bloomberg News sous couvert d’anonymat, s’est élevé à 11 milliards d’euros, contre 3 milliards d’euros de retraits nets en décembre. Ce qui a obligé les quatre banques grecques, qui avaient été deux fois recapitalisées depuis l’éclosion de la crise de la dette en 2010, à recourir le 21 janvier, soit quatre jours avant la victoire du Syriza, au programme de liquidités d’urgence (ELA) prévu par la BCE [2].
Dans ce contexte, les déclarations, mardi, de Joachim Nagel, membre de la Banque centrale allemande, ont été un élément déclencheur du mouvement de défiance constaté hier. M. Nagel avait mis en garde le nouveau gouvernement grec contre un arrêt du programme de réformes en cours, en brandissant la menace de possibles « conséquences fatales pour le système financier grec », dont les banques « perdraient alors leur accès à l’argent de la Banque centrale ».
Dans ce contexte, les déclarations, mardi, de Joachim Nagel, membre de la Banque centrale allemande, ont été un élément déclencheur du mouvement de défiance constaté hier. M. Nagel avait mis en garde le nouveau gouvernement grec contre un arrêt du programme de réformes en cours, en brandissant la menace de possibles « conséquences fatales pour le système financier grec », dont les banques « perdraient alors leur accès à l’argent de la Banque centrale ».
L’agence de notation Standard & Poor’s est passée elle aussi à l’offensive, en début de soirée, en menaçant d’abaisser la note « B » de la Grèce de stable à négative. Et cela en raison notamment de l’incertitude politique actuelle, justifie-t-elle dans un communiqué :
« Certaines des politiques économiques et budgétaires promues par le nouveau gouvernement récemment élu en Grèce, mené par le parti de gauche Syriza, sont incompatibles avec le cadre politique négocié entre le précédent gouvernement et les créanciers officiels. »
Un gouvernement de « salut national »
La chute de la Bourse, hier, a immédiatement suivi le premier conseil des ministres. En l’ouvrant, Alexis Tsipas, l’air grave et sans cravate comme la majorité des membres de son gouvernement issus de Syriza, des Verts, de la Gauche démocratique et des Grecs indépendants, a déclaré qu’il s’estimait à la tête d’un gouvernement de « salut national », prêt à « verser son sang » pour rétablir « la dignité des Grecs » foulée aux pieds par les contraintes imposées à leur pays depuis l’entrée en vigueur, en 2010, des programmes de réformes exigées par la troïka des créanciers du pays (BCE, Commission européenne, FMI) en échange de son aide. « Parmi nos priorités, a réitéré le Premier ministre, figure une nouvelle renégociation avec nos partenaires pour trouver une solution juste, viable et mutuellement utile. » Déterminé à mettre fin à « la politique de soumission » du pays, il a également assuré vouloir éviter « une rupture désastreuse réciproque » avec les partenaires de la Grèce.
Son nouveau ministre des Finances, Yanis Varoufakis, s’est aussi voulu apaisant lors de sa passation de pouvoir avec Guikas Hardouvelis, son prédécesseur du gouvernement conservateur d’Antonis Samaras. Tout en réaffirmant que son pays allait « tourner la page de la politique d’austérité », il a précisé qu’il « ne voulait pas de duels » entre la Grèce et l’Europe : au contraire, « une nouvelle relation de confiance et de sincérité ».
Rendre leur dignité aux gens ne semble pas du goût des marchés. Qui ont, semble-t-il, encore moins apprécié que le gouvernement prenne à contre-pied la troïka et commence à mettre en œuvre les engagements de Syriza : l’arrêt de la privatisation du port du Pirée a ainsi été confirmée, ainsi que l’arrêt de celle de la compagnie nationale d’électricité, DEI.
Le gouvernement Tsipras a également l’intention de faire passer très vite une loi destinée à améliorer le niveau de vie des Grecs, notamment en relevant le salaire minimum et en mettant fin à l’obligation de mobilité dans les services publics imposée par la troïka. Mesure symbolique, il a annoncé la réintégration des femmes de ménage de l’administration des Finances du pays, mises en disponibilité il y a un an et demi et qui, depuis, avaient installé un campement devant le ministère à Athènes.
Le gouvernement Tsipras a également l’intention de faire passer très vite une loi destinée à améliorer le niveau de vie des Grecs, notamment en relevant le salaire minimum et en mettant fin à l’obligation de mobilité dans les services publics imposée par la troïka. Mesure symbolique, il a annoncé la réintégration des femmes de ménage de l’administration des Finances du pays, mises en disponibilité il y a un an et demi et qui, depuis, avaient installé un campement devant le ministère à Athènes.
Ces annonces heurtent toutes les « recommandations » européennes. L’UE a en effet prévu de verser fin février à la Grèce les 7 derniers milliards de son plan d’aide, mais à la condition expresse que les réformes en cours aient abouti et que la Grèce observe un strict régime budgétaire. Bref, qu’elle continue à appliquer la politique acceptée par les précédents gouvernements. Or, selon l’ancien ministre des Finances, Guikas Hardouvelis, qui a mis en garde son successeur Yanis Varoufakis pendant la passation de pouvoir, la Grèce « n’a pas le luxe d’attendre quelque négociation que ce soit jusqu’en juin-juillet. Les besoins financiers du pays de mars sont assez tendus ».
En réagissant comme ils l’ont fait ce mercredi, les investisseurs financiers cherchent manifestement à précipiter le moment où, ces besoins ne pouvant plus attendre, le gouvernement Tsipras sera pris à la gorge. Leur coup de semonce doit être pris pour ce qu’il est : une déclaration de guerre.
Nota Bene :
Photo : Alexis Tsipras (PANAYIOTIS TZAMAROS / NURPHOTO)
[1] La Banque nationale de Grèce a cédé 25,45 %, la Banque du Pirée 29,26 %, Eurobank 25,93 % et Alpha 26,76 %
[2] Le montant accordé n’a pas été alors précisé, la situation devrait être réexaminée début février lors de la prochaine réunion du conseil des gouverneurs, selon une source bancaire grecque.