Mardi 24 Février 2015
Jean-Claude Jaillette
Frédéric Ploquin
La Tour Eiffel, les Invalides, la Concorde, l'ambassade américaine, au moins 5 drones ont survolé des lieux stratégiques de Paris dans la nuit de lundi à mardi. Depuis plusieurs mois, ces petits engins font des dégâts dans la sécurité des sites nucléaires et portent atteinte à l'autorité de l'Etat. Qui les manipule ? Les hypothèses vont bon train. Dans un flou total.
Francois Mori/AP/SIPA
>>> Article publié dans le numéro 931de Marianne
Cette fois, le black-out a été organisé sur un mode militaire. Pas question de renouveler l'expérience du mois d'octobre dernier, quand Greenpeace a pris l'initiative de révéler l'existence des survols de centrales nucléaires par des drones furtifs pour mieux se défendre de toute implication. Depuis, plus aucune information n'a été fournie par EDF, ni par l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire), laissant penser que les intrusions avaient cessé sous l'effet du déploiement des moyens de surveillance et de dissuasion. Et pourtant... Selon plusieurs sources concordantes, nous avons acquis la certitude que, après une pause d'un mois, les survols ont repris de plus belle, avec cinq cas répertoriés au mois de janvier. Sans que rien ne filtre. Les élus des communes riveraines des sites nucléaires sont également laissés dans le plus grand flou, et l'enquête est désormais protégée comme si elle relevait du «secret défense». Et nos questions, tant au ministère de l'Intérieur qu'à celui de la Défense, sont restées sans réponse.
«Le cafouillage du départ est en train de virer au scandale», s'indigne Jean-Claude Delalonde, président de l'Anccli, une association qui regroupe les commissions locales chargées d'informer les populations voisines des sites, en application de la loi de 2006 sur la transparence nucléaire. «Au fond, que les survols reprennent ne m'étonne pas, poursuit-il. J'étais déjà inquiet au mois de novembre, convaincu que la situation était bien plus grave qu'on voulait bien nous le dire. Nos interlocuteurs semblent gagnés par l'impuissance, cela me dérange davantage que les survols eux-mêmes.» Soit l'Etat a compris ce qui se passait, informé par les services de renseignements, et il est en train de s'affranchir de la loi sur l'information des citoyens, ce qui serait déjà en soi un scandale. Soit il ne sait rien, et c'est aussi un scandale, dans la mesure où des intrusions potentiellement plus menaçantes peuvent survenir.
Deux événements ont cependant filtré, montrant que ceux qui sont derrière ces drones - à supposer qu'il s'agisse d'une seule et même organisation - sont en mesure de franchir de nouveaux caps. A la mi-janvier, le palais de l'Elysée a été brièvement survolé par un de ces appareils et, fin janvier, un engin similaire s'est aventuré au-dessus de la base de sous-marins nucléaires de l'île Longue, dans la rade de Brest. Comble de la provocation, c'est précisément au moment où un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d'engins) s'apprêtait à manœuvrer dans la rade que le drone est apparu, contraignant les militaires à différer leur sortie au lendemain. Les organisateurs ont-ils bénéficié d'informations confidentielles en provenance de la base ? Dans les deux cas, la réaction des militaires a été si spectaculaire que les riverains s'en sont émus, provoquant la diffusion de l'information. Mais toujours rien sur ceux qui se cachent derrière ces bras d'honneur faits à la surveillance de sites aussi sensibles. Rien. Pas étonnant dans ces conditions que les interrogations se multiplient. Y compris parmi les élus dont les initiatives, même si elles tombent souvent à côté de la plaque, témoignent d'une réelle inquiétude.
A défaut de révélations sur les commanditaires, la seule réponse officielle est venue du député Claude de Ganay (UMP), qui, après plus de 40 survols répertoriés, a cru malin de proposer en urgence une loi destinée à mieux réprimer les intrusions (terrestres) de militants écologistes dans le périmètre des centrales nucléaires. Ceux qui tenteraient d'approcher les sites, en général pour en souligner les failles et faiblesses, seraient plus sévèrement punis (cinq ans de prison). Une proposition de loi derrière laquelle se cache un aveu involontaire : pour les élus comme pour l'exécutif, ce serait tellement plus simple si Greenpeace était à la manœuvre derrière ces drones ! On saurait à quelle porte frapper ! Mais quoi qu'on subodore Place Beauvau, Greenpeace affirme qu'il n'est pas derrière les drones. «Nous ne sommes pas impliqués dans cette histoire et nous n'avons aucune idée de qui cela peut-être», martèle Yannick Rousselet, le spécialiste du nucléaire au sein de l'organisation non gouvernementale.
Cette fois, le black-out a été organisé sur un mode militaire. Pas question de renouveler l'expérience du mois d'octobre dernier, quand Greenpeace a pris l'initiative de révéler l'existence des survols de centrales nucléaires par des drones furtifs pour mieux se défendre de toute implication. Depuis, plus aucune information n'a été fournie par EDF, ni par l'ASN (Autorité de sûreté nucléaire), laissant penser que les intrusions avaient cessé sous l'effet du déploiement des moyens de surveillance et de dissuasion. Et pourtant... Selon plusieurs sources concordantes, nous avons acquis la certitude que, après une pause d'un mois, les survols ont repris de plus belle, avec cinq cas répertoriés au mois de janvier. Sans que rien ne filtre. Les élus des communes riveraines des sites nucléaires sont également laissés dans le plus grand flou, et l'enquête est désormais protégée comme si elle relevait du «secret défense». Et nos questions, tant au ministère de l'Intérieur qu'à celui de la Défense, sont restées sans réponse.
«Le cafouillage du départ est en train de virer au scandale», s'indigne Jean-Claude Delalonde, président de l'Anccli, une association qui regroupe les commissions locales chargées d'informer les populations voisines des sites, en application de la loi de 2006 sur la transparence nucléaire. «Au fond, que les survols reprennent ne m'étonne pas, poursuit-il. J'étais déjà inquiet au mois de novembre, convaincu que la situation était bien plus grave qu'on voulait bien nous le dire. Nos interlocuteurs semblent gagnés par l'impuissance, cela me dérange davantage que les survols eux-mêmes.» Soit l'Etat a compris ce qui se passait, informé par les services de renseignements, et il est en train de s'affranchir de la loi sur l'information des citoyens, ce qui serait déjà en soi un scandale. Soit il ne sait rien, et c'est aussi un scandale, dans la mesure où des intrusions potentiellement plus menaçantes peuvent survenir.
Deux événements ont cependant filtré, montrant que ceux qui sont derrière ces drones - à supposer qu'il s'agisse d'une seule et même organisation - sont en mesure de franchir de nouveaux caps. A la mi-janvier, le palais de l'Elysée a été brièvement survolé par un de ces appareils et, fin janvier, un engin similaire s'est aventuré au-dessus de la base de sous-marins nucléaires de l'île Longue, dans la rade de Brest. Comble de la provocation, c'est précisément au moment où un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d'engins) s'apprêtait à manœuvrer dans la rade que le drone est apparu, contraignant les militaires à différer leur sortie au lendemain. Les organisateurs ont-ils bénéficié d'informations confidentielles en provenance de la base ? Dans les deux cas, la réaction des militaires a été si spectaculaire que les riverains s'en sont émus, provoquant la diffusion de l'information. Mais toujours rien sur ceux qui se cachent derrière ces bras d'honneur faits à la surveillance de sites aussi sensibles. Rien. Pas étonnant dans ces conditions que les interrogations se multiplient. Y compris parmi les élus dont les initiatives, même si elles tombent souvent à côté de la plaque, témoignent d'une réelle inquiétude.
A défaut de révélations sur les commanditaires, la seule réponse officielle est venue du député Claude de Ganay (UMP), qui, après plus de 40 survols répertoriés, a cru malin de proposer en urgence une loi destinée à mieux réprimer les intrusions (terrestres) de militants écologistes dans le périmètre des centrales nucléaires. Ceux qui tenteraient d'approcher les sites, en général pour en souligner les failles et faiblesses, seraient plus sévèrement punis (cinq ans de prison). Une proposition de loi derrière laquelle se cache un aveu involontaire : pour les élus comme pour l'exécutif, ce serait tellement plus simple si Greenpeace était à la manœuvre derrière ces drones ! On saurait à quelle porte frapper ! Mais quoi qu'on subodore Place Beauvau, Greenpeace affirme qu'il n'est pas derrière les drones. «Nous ne sommes pas impliqués dans cette histoire et nous n'avons aucune idée de qui cela peut-être», martèle Yannick Rousselet, le spécialiste du nucléaire au sein de l'organisation non gouvernementale.