vendredi 27 mars 2015

Baisse du déficit public : un chiffre en trompe-l’œil ! (Marianne)

Bruno Rieth
Roulez tambours, sonnez trompettes : victoire au sommet de l'Etat ! Les efforts payent enfin ! Le déficit public ne s'établit pas à 4,4 % mais à 4 % ! Une petite musique reprise en boucle, depuis ce matin, sur toutes les antennes, dans toutes les colonnes. Sauf qu'à y regarder de plus près...
HAMILTON-POOL/SIPA
Selon, l’Insee, le déficit public s’établirait à 4 % du PIB nous dit-on depuis ce matin. Une bonne nouvelle pour le gouvernement donc. On le comprend : entre les résultats des départementales pour le PS, une situation économique bien incertaine et cette satanée courbe du chômage qui n’en fait décidemment qu’à sa tête en refusant de s'iverser, il est nécessaire quand tout va mal de trouver des raisons de se réjouir. On a donc vu notre Premier ministre annoncer, pas peu fier, dès mercredi soir sur le plateau de France 3 « On avait prévu 4,4 %, ce sera sans doute autour de 4 % » et d’ajouter être persuadé que l’on assistera pour cette année au « retour de la croissance et de la confiance ». De son côté, Michel Sapin, notre ministre des Finances, l'a joué, lui, un peu plus modeste en expliquant que ce résultat montre que « nous avons fait des efforts normaux et nécessaires ».
Et ça tombe bien tout ça, à quelques semaines à peine du rendez-vous européen durant lequel les Etats membres devront présenter leur programme de stabilité budgétaire et leur feuille de route de réformes. Et gare à ceux qui ne marcheraient pas dans les clous ! Les pères fouettards de la Commission européenne veillent au grain. A l’image de Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne et garde chiourme de Pierre Moscovici qui, dans un entretien accordé à l’Expansion, a déclaré espérer « que la France présentera un programme et un calendrier de réformes détaillées, réalistes et d’envergure ». Et qu’arriverait-il si ce n’était pas le cas ? Réponse tout en finesse du commissaire finlandais : « Alors les Français souffriront ». Rien que ça…
Des bonnes nouvelles donc. Sauf que… cette situation « d’embellie » budgétaire est surtout un bel enfumage de communication. Car la comparaison se fait par rapport au chiffre prévu dans la loi de finances rectificative, soit une estimation des comptables de Bercy. C’est un peu le même procédé auquel nous avons assisté lors de la soirée électorale du premier tour des départementales au cours de laquelle, politiques et journalistes ont comparé les scores des partis (notamment ceux du FN) aux résultats prédits par les sondages durant la campagne. Comme si les projections faites par les sondeurs décrivaient une réalité politique au même titre qu'un scrutin !
D'autant que si l’on revient à nos moutons budgétaires, ce chiffre de 4 % pour 2014 en jette beaucoup moins lorsqu’on le compare à celui de 2013 qui était de 4,1 %. D’une année sur l’autre, on le voit, la réduction est bien moins... enthousiasmante ! François Fillon, invité ce matin sur Europe 1, en a d’ailleurs profité pour ironiser sur cette « immense victoire », devant un Jean-Pierre Elkabbach hilare.
Une victoire en trompe l’œil donc qui aura bien du mal à éclipser la hausse du chômage, bien réelle pour le coup, elle, avec + 0,4 % pour les demandeurs d’emploi sans aucune activité. A fin février, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues, sur l'ensemble du territoire, s’établit à 5 561 000, soit une hausse de 6,5 % sur un an…