Mardi 10 Mars 2015
Propos recueillis par
Perrine Cherchève
Pour le maire PCF de Grigny, Philippe Rio, le plan "Egalité et citoyenneté" présenté la semaine dernière par Manuel Valls ne répond pas aux attentes : "Cela fait 300 millions d’euros pas an. C’est ce que le groupe La Poste a reçu dans le cadre du CICE pour être compétitif alors qu’il est bénéficiaire et qu’il va supprimer 4 500 emplois" !
Photos : JEROME MARS/JDD/SIPA et John Leicester/AP/SIPA
Marianne : Après les propos du Premier ministre Manuel Valls dénonçant l’existence d’un apartheid social qui ronge notre pays, vous attendiez du gouvernement un « choc de la République ». Etes-vous satisfait des mesures qu’il a annoncées vendredi dernier dans la foulée du comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté ?
Philippe Rio : On ne peut pas parler d’apartheid et donner comme réponse l’ensemble de ces mesures additionnées.
Vous pensez donc que ce terme d’apartheid est approprié à la situation des quartiers populaires comme ceux de Grigny ?
Oui. L’apartheid, c’est l’organisation d’une domination économique et d’une ségrégation spatiale et, en France, on a fait en sorte que les classes populaires soient mises dans un coin.
Mais les mesures de Manuel Valls ne sont pas à la hauteur. Il aurait fallu multiplier par deux le budget de l’Education nationale dans les banlieues. Aucune leçon n’a été tirée du rapport de la Cour des comptes. Que dit-il ?"A Grigny, le chômage touche 40% de la population. On crée de la désespérance" Que l’on dépense 47% de plus pour les élèves parisiens que pour ceux de l’académie de Créteil dont Grigny dépend ! Quand la Cour des comptes fait ce constat-là et qu’il n’y a pas de prise de conscience, on ne peut pas s’en sortir. On ne pourra gagner qu’avec l’école de la République.
Je voulais un plan fort et il n’y a rien. Pas un mot sur l’emploi… Je rêve ! Savez-vous qu’à Grigny le chômage touche 40% de la population depuis deux générations ? On crée de la désespérance.
Ces mesures représentent un milliard d’euros en trois ans. C’est insuffisant ?
Cela fait 300 millions d’euros pas an. Trois cent millions, c’est ce que le groupe La Poste a reçu dans le cadre du CICE (Crédit impôt compétitivité emploi, ndlr) pour être compétitif alors qu’il est bénéficiaire et qu’il va supprimer 4 500 emplois. Et pour les 1 500 quartiers on va donner 300 millions d’euros pas an ! Voilà de quoi on parle. Le cheval et l’alouette…
Qu’auriez vous aimé entendre ?
"J'aurais voulu que l’on parle de police, de justice. Et l’on file 300 millions d’euros à La Poste !" Que l’on parle de police, de justice. A Grigny, nous avons deux zones de sécurité prioritaires (ZSP) qui recouvrent 95% de la population. Mais il n’y a pas de commissariat de plein exercice. Quand j’en réclame un, on me répond qu’on n’a pas les moyens de mettre 70 fonctionnaires à cause des contraintes budgétaires imposées pas Bruxelles. Et l’on file 300 millions d’euros à La Poste. Je deviens juste un peu dingue !
Je souhaitais aussi un juge des mineurs de plus à Grigny et qu’on double les moyens pour permettre aux détenus de Fleury-Mérogis de sortir de prison avec un parcours de réinsertion. Aujourd’hui on a un problème avec les multirécidivistes et l’on sait aussi que la rencontre entre les petits délinquants et les radicaux se fait en prison. C’est donc à la source qu’il faut s’attaquer. Il faut apporter une réponse dès le premier ou le deuxième délit. On ne peut pas faire revenir la République sans la police, la justice et l’école et sur ces trois points je n’ai pas de réponses…
Lors d’un déjeuner avec François Hollande en janvier dernier, vous-même, ainsi que les autres maires qui y participaient, lui aviez fait part de vos inquiétudes s’agissant des bénéficiaires du droit au logement (DALO) systématiquement relogés par les préfets dans vos quartiers populaires. Il semble que vous ayez été entendu puisque les plus pauvres du Dalo n’y seront plus logés. Sur ce point précis, êtes-vous satisfait ?
Je m’attendais à quelque chose sur le Dalo. Lors de ce déjeuner, François Hollande a été sensible à cette question et j’ai senti une volonté de faire. Dans ce domaine-là, il a tenu parole même si je pense que la meilleure solution, c’est d’éradiquer la pauvreté. Je pense aussi que sur le logement on peut faire plus. Aujourd’hui, 70% des ménages sont éligibles à un logement social. Mais tout le monde à peur d’en construire parce que ça renvoie à des fantasmes, aux barres, aux tours… Quand les journalistes viennent à la Grande Borne, ils sont toujours étonnés qu’il y ait si peu d’étages !
Philippe Rio : On ne peut pas parler d’apartheid et donner comme réponse l’ensemble de ces mesures additionnées.
Vous pensez donc que ce terme d’apartheid est approprié à la situation des quartiers populaires comme ceux de Grigny ?
Oui. L’apartheid, c’est l’organisation d’une domination économique et d’une ségrégation spatiale et, en France, on a fait en sorte que les classes populaires soient mises dans un coin.
Mais les mesures de Manuel Valls ne sont pas à la hauteur. Il aurait fallu multiplier par deux le budget de l’Education nationale dans les banlieues. Aucune leçon n’a été tirée du rapport de la Cour des comptes. Que dit-il ?
Je voulais un plan fort et il n’y a rien. Pas un mot sur l’emploi… Je rêve ! Savez-vous qu’à Grigny le chômage touche 40% de la population depuis deux générations ? On crée de la désespérance.
Ces mesures représentent un milliard d’euros en trois ans. C’est insuffisant ?
Cela fait 300 millions d’euros pas an. Trois cent millions, c’est ce que le groupe La Poste a reçu dans le cadre du CICE (Crédit impôt compétitivité emploi, ndlr) pour être compétitif alors qu’il est bénéficiaire et qu’il va supprimer 4 500 emplois. Et pour les 1 500 quartiers on va donner 300 millions d’euros pas an ! Voilà de quoi on parle. Le cheval et l’alouette…
Qu’auriez vous aimé entendre ?
Je souhaitais aussi un juge des mineurs de plus à Grigny et qu’on double les moyens pour permettre aux détenus de Fleury-Mérogis de sortir de prison avec un parcours de réinsertion. Aujourd’hui on a un problème avec les multirécidivistes et l’on sait aussi que la rencontre entre les petits délinquants et les radicaux se fait en prison. C’est donc à la source qu’il faut s’attaquer. Il faut apporter une réponse dès le premier ou le deuxième délit. On ne peut pas faire revenir la République sans la police, la justice et l’école et sur ces trois points je n’ai pas de réponses…
Lors d’un déjeuner avec François Hollande en janvier dernier, vous-même, ainsi que les autres maires qui y participaient, lui aviez fait part de vos inquiétudes s’agissant des bénéficiaires du droit au logement (DALO) systématiquement relogés par les préfets dans vos quartiers populaires. Il semble que vous ayez été entendu puisque les plus pauvres du Dalo n’y seront plus logés. Sur ce point précis, êtes-vous satisfait ?
Je m’attendais à quelque chose sur le Dalo. Lors de ce déjeuner, François Hollande a été sensible à cette question et j’ai senti une volonté de faire. Dans ce domaine-là, il a tenu parole même si je pense que la meilleure solution, c’est d’éradiquer la pauvreté. Je pense aussi que sur le logement on peut faire plus. Aujourd’hui, 70% des ménages sont éligibles à un logement social. Mais tout le monde à peur d’en construire parce que ça renvoie à des fantasmes, aux barres, aux tours… Quand les journalistes viennent à la Grande Borne, ils sont toujours étonnés qu’il y ait si peu d’étages !