Les incroyables avantages des salariés de Radio France
Vacances abondantes, primes en tous genres, avantages en nature, placards inutiles… A en croire la Cour des comptes, les conditions de travail sont « très favorables » dans les radios publiques.
La semaine dernière, la Cour des comptes a publié un rapport au vitriol sur Radio France, amenant de l’eau au moulin du PDG Mathieu Gallet. Ce rapport dénonce effectivement, avec moult exemples accablants à la clé, les conditions de travail « très favorables » au sein des radios publiques. Revue de détail.
1-le volume de travail
Tout d’abord, les salariés ont droit à de généreuses vacances: jusqu’à 56,5 jours par an (RTT inclus) pour les personnels techniques et administratifs; et surtout jusqu’à 68 jours pour les journalistes. Mieux: ces congés ne sont apparemment pas déclarés correctement par les salariés. Selon un rapport d’audit, « rien ne permet d’affirmer que les congés sont saisis dans leur exhaustivité »…
Mais ce n’est pas tout. Une partie des journalistes (8% du total, mais 24% à France Info, ou 15% à France Inter) travaillent avec des rythmes atypiques, par exemple 4 jours de travail suivis de 3 jours de congés. « Cela aboutit à pourvoir un poste par au moins deux, voire trois personnes », pointe le rapport.
Les musiciens ne semblent pas non plus débordés: ils travaillent en moyenne un peu plus de 700 heures par an, loin des 1.100 heures prévues par la convention collective. « Ce sous-emploi chronique n’empêche pas le recours à des remplacements externes (1,4 million d’euros en 2013) et le paiement d’heures supplémentaires », déplore la Cour.
2-les compléments de rémunération
Au salaire de base s’ajoutent de multiples à-côtés. D’abord, des primes ou indemnités de fonction, par exemple pour le travail de nuit, pour la matinale, pour la promotion à un poste de cadre… Mieux, les journalistes, après avoir cessé de travailler la nuit ou d’encadrer des troupes, continuent à toucher « tout ou partie » de la prime octroyée au titre de leur fonction précédente.
Quant aux heures supplémentaires, un tiers des salariés en bénéficient. « Cela constitue même un élément permanent de rémunération pour certaines catégories: 71% des techniciens du son en ont perçu en 2013″. En outre, certains cadres bénéficient d’heures supplémentaires, alors qu’ils « devraient théoriquement en être exclus ».
Mais ce n’est pas tout: 131 salariés (hors musiciens) en CDI perçoivent, en plus de leur salaire, des cachets d’intermittents du spectacle -« en réalité des compléments de rémunération ». Une pratique « d’autant plus condamnable qu’elle ne donne lieu à aucun contrôle », déplore le rapport.
3-les avantages en nature
Comme si cela ne suffisait pas, les salariés bénéficient aussi de moult avantages annexes. Par exemple, les limiers de la rue Cambon ont relevé de « nombreux exemples » où Radio France a remboursé les amendes de ses salariés, alors que c’est pourtant « interdit par les textes ».
Concernant les frais de mission, les voyages doivent se faire en classe économique, mais « des incertitudes subsistent sur les dérogations à cette règle. »
Les téléphones mobiles? « Il a fallu un contrôle de l’Urssaf pour que l’usage des portables à titre privé soit encadré », pointe le rapport.
Enfin, les journalistes ont le droit d’effectuer des « ménages », c’est-à-dire des prestations rémunérées pour d’autres employeurs, mais après autorisation de la direction. Toutefois, « la Cour n’a pas trouvé trace de ces autorisations »…
4-des services sur-staffés
Quatre services sont pointés du doigt pour leurs sureffectifs.
D’abord, la communication, avec plus d’une centaine de personnes au total.
Ensuite, les trois antennes de FIP en province (17 personnes et un coût d’un million d’euros par an), dont l’utilité « se justifie difficilement » au vu des audiences « modestes » des décrochages locaux de FIP.
Mais aussi trois bureaux régionaux d’information (9 équivalents temps plein), dont la « productivité est difficile à établir », selon un rapport interne.
Et surtout, les techniciens du son (582 personnes), auxquels s’ajoutent 150 chargés de réalisation. Selon la Cour, « Radio France a divergé des autres radios, qui ont supprimé les postes de techniciens et de réalisateurs », rendus inutiles par le passage au numérique de la production.
Mais rien de tel dans les radios publiques, notamment à France Inter: « les effectifs de techniciens affectés à France Inter (41,6 équivalents temps plein, soit 3 millions d’euros de masse salariale) sont d’un niveau inexpliqué, lorsqu’on les compare à ceux de France Info (19), France Culture (14) ou France Musique (11) ». En effet, « France Inter a conservé le recours au binôme de techniciens en toutes circonstances -pratique datant de l’époque où il fallait résoudre rapidement un problème de bande magnétique ». Le rapport avance cette explication crue: « cette situation tient à la capacité de cette équipe de techniciens à paralyser l’antenne, comme la grève de janvier 2013 l’a montré ». Cette grève de 5 jours avait été déclenchée par le projet de supprimer 4 postes de techniciens, projet finalement retiré pour mettre fin à la grève…
Enfin, et non des moindres, le rapport souligne que tous ces avantages sont réservés aux salariés en CDI, et pas aux nombreux précaires (CDD, pigistes, intermittents du spectacle…) employés par Radio France. Au final, le volume de travail d’un salarié en CDI est « environ un tiers inférieur à celui d’un CDD », estime l’ex-PDG Jean-Paul Cluzel dans sa réponse au rapport.