Bernard GENSANE
La différence entre le PDG de Ryanair et ceux des autres grandes sociétés
mondiales est qu’il n’y a pas de différences. Michael O’Leary dit tout haut ce
que les autres pensent tout bas. Un peu comme le PDG d’Air France, Alexandre de
Juniac, qui s’est récemment lâché contre les
conquêtes sociales des travailleurs de la compagnie. On en vient à se
demander s’il n’y aurait pas un tropisme légèrement facho dans le monde de
l’aviation. Mermoz le Croix-de-Feu, c’est un peu loin, tout de même !
Ce type, qui a raté ses examens à Trinity College, est l’un des fleurons les
plus flamboyants du libéralisme et de l’individualisme forcenés. Un exemple
anecdotique : en 2004, il a acheté une licence de taxi pour sa Mercedes pour
pouvoir utiliser les voies réservées aux bus dans Dublin afin de gagner du temps
dans les embouteillages.
Il est régulièrement condamné pour viol des lois européennes (qui sont
pourtant douces pour lui et les siens). Il paye les amendes quand il a le temps.
Son discours est aussi violent et cynique que celui d’un (faux) baron Sellière
qui, lui, est suffisamment malin, pour ouater quelque peu la forme de sa
férocité lorsqu’il évoque, avec un mépris d’acier pour l’État qui l’a
subventionné et les travailleurs qu’il a ruinés, la financiarisation de ses
sociétés. O’ Leary s’est entretenu avec Felix Gillette de Bloomberg Business. Ses
propositions pour fracasser toujours davantage les travailleurs constitueront
très bientôt le bréviaire des bonnes écoles de gestion (pardon : de management).
Macron et Valls en rêvent la nuit.
À quoi servent les compagnies à bas coût (pardon : low cost) ? À gagner
beaucoup d’argent évidemment en faisant en sorte que le facteur humain
disparaisse de la surface de la terre, mais aussi à tirer vers le bas les
compagnies “ normal cost ”. Quand ils ne meurent pas, les passagers de
Germanwings permettent à ceux de la Lufthansa de voyager dans un grand confort
tandis que les personnels de la maison mère rament tant est plus pour que leurs
conditions de travail et leurs salaires restent décents.
Quant à Ryanair, désormais troisième compagnie européenne en Europe, c’est
toutes les compagnies qui sont dans son collimateur. De dérogations en captation
de subventions publiques, de non respect des droits des travailleurs en économie
sur les coûts d’entretien, c’est la première place que la compagnie vise
désormais. Sans état d’âme : « Si personne ne m’aime, je m’en fous. Je n’aime ni
les nuages ni les avions, je n’ai jamais voulu être pilote ! » Franche
profession de foi du PDG.
Lorsqu’on verse des salaires médiocres, lorsqu’on exige de l’argent des
petits aéroports pour que la compagnie veuille bien y faire escale, lorsqu’on
facture aux clients tout ce qui ne relève pas strictement de la prestation
aérienne (1 euro pour aller aux toilettes, par exemple), on peut effectivement
obtenir un prix moyen par billet de 45 euros, contre 250 pour Air France. Pour
O’Leary, un avion, c’est un bus avec des ailes. Ce en quoi il a tort car ce
pourrait être un char à bœufs : il suffirait de remplacer les fauteuils par de
la paille, où même les pilotes pourraient venir se soulager.
En septembre 2012, donc bien longtemps avant le désolant suicide du jeune
Allemand dépressif, O’Leary déclarait qu’un seul pilote était suffisant puisque,
grâce à l’informatique, les avions étaient de plus en plus faciles à piloter.
Son neveu de 14 ans avait d’ailleurs réussi un vol sur simulateur. Le dynamique
PDG proposait en outre d’abolir le droit de grève pour les pilotes (ce qu’avait
accompli de facto Reagan dans les années 1980) et de remplacer les grévistes par
des militaires ou des contrôleurs du ciel. N’hésitant pas à faire appel à
l’économie du troc, O’Leary déclarait qu’il accepterait de se faire payer dans
n’importe quelle monnaie, y compris « des chèvres grecques ». Taxer les obèses
relève pour lui de la facétie anecdotique et de l’évidence. Tout comme la non
fourniture d’une chambre d’hôtel aux passagers bloqués pour annulation de
vol.
Géopoliticien différent, le PDG de Ryanair souhaite une crise économique
radicale : « Une bonne récession de 12 à 18 mois, profonde et sanglante serait
la bienvenue. Cela permettrait de comprendre l’absurdité de la lutte pour
l’environnement. Et surtout, après 10 ans de croissance, cela permettrait aux
entreprises de merde déficitaires de céder leurs avions à bas coût ».
Pour la bonne bouche, la meilleure proposition d’O’Leary reste tout de même
les pipes gratuites en classe affaires (pardon : business
class).
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http://www.legrandsoir.info/pour-les-actuels-et-futurs-clients-de-ryanair.html
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