« Notre priorité : la famille. Votre famille. » Sur les prospectus, l’entreprise ne fait pas mystère de son activité : elle met en relation des mères porteuses et des couples souhaitant un enfant. Autorisée aux Etats-Unis et dans d’autres pays, la gestation pour autrui (GPA) est interdite dans l’Hexagone. L’agence américaine Circle Surrogacy a tout de même organisé, à la fin septembre, une réunion d’information à Paris destinée à de potentiels clients français. En se faisant passer pour un couple intéressé, France Télévisions a pu y assister de manière anonyme.
Après un bref échange par mail, rendez-vous est donné dans un palace parisien. En pleine semaine de la mode, l’établissement est envahi par les créateurs, qui ont transformé ces salles de réception en showrooms pour leurs clients. Impossible de rater ces marques, qui s’affichent ostensiblement dans le hall de l’hôtel. La présence de notre agence est, elle, plus discrète : il nous faut suivre un long couloir avant de finalement trouver le lieu de la réunion, un salon au premier étage de l’établissement.
Et pour cause : en France, d’après le Code pénal, le fait de mettre en relation, dans un but lucratif, « une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre » est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende. Et malgré sa discrétion, Circle Surrogacy n’a pas échappé à la vigilance des anti-GPA : l’association Juristes pour l’enfance, proche de la Manif pour tous, a annoncé, vendredi 3 octobre, avoir engagé des poursuites contre la société. Après une première plainte de ce type, une enquête a été confiée en mars à la brigade de répression de la délinquance sur la personne pour des faits d’entremise.

Une « réunion d’information »

A l’arrière de la salle, brochures, rafraîchissements et en-cas accueillent le public, une quinzaine de personnes, pour la plupart des couples d’hommes. John, le directeur de l’agence, prend la parole, prêt à dérouler son argumentaire de vente. Enfin presque. La réunion du soir est « seulement pour information », insiste-t-il à deux reprises. « Nous voulons vous expliquer comment fonctionne la GPA aux Etats-Unis, assure cet avocat de formation. Nous n’essayons pas de vous demander de rejoindre notre programme. »
Voici la lettre d’introduction contenue dans le dossier d’information à la disposition des clients potentiels :

Jusqu’à 100 000 euros la grossesse

Une fois cet avertissement passé, John détaille les services proposés par sa société : mise en relation avec des gestatrices et des donneuses d’ovocytes, conseils juridiques, partenariats avec des cliniques… Il nous promet de trouver une mère porteuse d’ici un à trois mois, sauf si l’on souhaite des jumeaux. Dans ce cas, le délai s’allonge, de quatre à six mois. Le tout à des tarifs qui peuvent grimper jusqu’à 100 000 euros la grossesse : le prix de la sécurité, à en croire John. « On est peut-être un peu plus cher que les autres agences américaines, reconnaît-il.Mais c’est parce qu’on contrôle au maximum. »
Au milieu de ces considérations matérielles, une voix finit par se faire entendre dans le public. « Il y a une chose dont on n’a pas encore parlé ce soir, et qui me semble importante, explique un futur père, qui a fait appel aux services de l’agence. C’est l’amour. » Amour pour l’enfant à naître, mais aussi pour la mère porteuse, à qui l’homme exprime toute sa reconnaissance. En plus de son témoignage, ce soir-là, l’agence a également fait appel à un autre père français, chargé de revenir sur son parcours, après la naissance il y a quelques mois, de ses enfants via une GPA.