L’Assemblée nationale a adopté jeudi matin l’amendement n°388 présenté par le rapporteur Jean-Jacques Urvoas, qui aménage la procédure à suivre pour les agents qui seraient tentés de jouer les lanceurs d’alertes et de prévenir les citoyens que les services de police et d’espionnage outrepassent les objectifs et les moyens de surveillance prévus par la loi.
Très fortement inspirée des recommandations émises par le Conseil d’Etat l’an dernier, le texte prévoit que lorsqu’un agent de l’État souhaite “relater ou témoigner” de “faits susceptibles de constituer une violation manifeste des dispositions” de la loi, il doit le faire auprès “de la seule Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement” (CNCTR). Toute autre démarche serait considérée comme une violation du secret défense ou une mise en danger des services ou de leurs missions, et serait poursuivie comme tel.
Une fois alertée, la CNCTR pourra alors, si elle le juge utile, recommander aux services de mettre fin à l’illégalité, et informer le Premier ministre, qui reste décideur des suites à donner. Mais si la CNCTR estime que la poursuite de l’activité est illicite, elle peut (ce n’est pas obligatoire) saisir le Conseil d’Etat.
A aucun moment le public n’aura connaissance des illégalités ainsi dénoncées.
UNE PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE DISCIPLINÉS
Toutefois, “lorsque la Commission estime que l’illégalité constatée est susceptible de constituer une infraction, elle avise le procureur de la République“, qui pourra lancer des poursuites. Cependant celui-ci ne pourra accéder aux éléments matériels du dossier que si la Commission consultative du secret de la défense nationale donne un avis positif à la demande de levée du secret-défense, et si le Premier ministre l’autorise.
La seconde partie de l’amendement aménage par ailleurs un régime de protection à l’égard des agents qui suivront cette procédure, en prévoyant qu’aucun agent ne puisse être “sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte”, dans le cours de sa carrière, du fait de son témoignage à la CNCTR.
Enfin, le texte précise que “tout agent qui relate ou témoigne des faits (…) de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés” encourt jusqu’à 5 ans de prison et 45 000 euros d’amende, en vertu de l’article 226-10 du code pénal sur les dénonciations calomnieuses.
Source : Guillaume Champeau, pour Numerama, le 16 avril 2015.