Les technocrates occidentaux créeront une sorte de fascisme mondial, appuyé bien sûr sur les valeurs occidentales, par Robert Buron
Je ne résiste pas à vous mettre aussi ce texte de Robert Buron, ministre de Mendès et de de Gaulle, sachant que c’était un socialiste créateur du mouvement européen socialiste et qu’il a initié avec Edgar Morin, Henri Laborit et Jacques Robin le Groupe des Dix auquel Michel Rocard et l’économiste René Passet (« l’économique et le Vivant », introuvable…) ont participé.Extrait de son dernier livre, Pourquoi je vis : par goût de la vie,
Reconnaître les autres civilisations, les accepter, c’est donc vouloir vivre avec elles, dans une relation d’égalité. Mais une civilisation qui, à un moment donné de l’histoire, devient dominante, a besoin pour se conserver de toujours dominer davantage. Alors est brisée toute idée de solidarité ? Peut-on lutter contre cela ?
Là, ma réponse est, hélas, d’un terrible pessimisme :
a) Je suis convaincu que la paix et l’équilibre du monde ne sont possibles que dans la coexistence de valeurs de civilisation différentes et harmonisées les unes avec les autres pour permettre une organisation planétaire valable.
b) Je suis sûr, comme vous, que les civilisations les plus puissantes, techniquement et militairement, imposeront leurs valeurs aux autres.
c) J’en conclus que le monde finira dans une catastrophe.
d) Comme je n’aime pas l’idée de catastrophe, que j’ai le goût de la vie, et que tout ce qui bloque la vie est pour moi le mal et l’ennemi, je lutterai tant que je pourrai contre ce qui me paraît inéluctable. Je suis très pessimiste. Je suis persuadé que les technocrates occidentaux créeront une sorte de fascisme mondial, appuyé bien sûr sur les valeurs occidentales.
Seulement je lutterai de toutes mes forces contre ces technocrates.
Si on considère en effet métaphysiquement que quelque chose est mal, peu importe ce qu’on trouve rationnellement indispensable, il faut lutter contre ce qui tue la vie, parce que sans ça je me tue moi-même. La seule petite chance, c’est de faire prendre conscience aux gens que le système de domination d’une civilisation sur une autre est contraire à l’évolution de la vie, que par conséquent ils se suicident. Ils ne suicident peut-être pas le « contenant», mais ils suicident le « contenu », ce qui est beaucoup plus grave.
Mais que faudrait-il faire pour que cela change?
Quel avenir voyez-vous pour les pays du Tiers Monde?
Que faire en 1973 ?
1. Généraliser l’information. Il faut étudier, connaître, comprendre, aimer les autres, et puis ensuite les faire étudier, connaître, comprendre, aimer le plus largement possible au sein de notre groupe occidental et européen.
2. Agir sur notre plan pour un monde établi sur des bases socialistes, acceptant la coexistence des civilisations.
Cela commence au «ras du bitume». Il faut accepter « l’autre », lui donner sa place dans la commune et ne jamais vouloir imposer sa conception. « La droite vit d’imposer, a dit Alain, et la gauche de convaincre.» Progresser, c’est convaincre et, comme le formulait Jaurès, « en partant du réel pour aller à l’idéal». Cela est vrai au niveau de la commune, de la région, de la nation, d’un groupe d’Etats, du monde enfin.
C’est en généralisant l’état d’esprit fédéraliste qu’on rendra possible un monde fédéraliste où la solidarité jouera à plein sans dominants ni dominés.
3. S’engager sur tous les plans pour nos amis du Tiers Monde.
Cela veut dire accueillir ici les étudiants et travailleurs migrants, les aimer et les aider. Cela veut dire lutter contre nos vieilles structures égoïstes, le libéralisme économique, un système monétaire fondé sur l’or ou le dollar, etc., qui les oppriment du seul fait de leur contenu.
Nous ne pouvons les aider à faire leur révolution qu’en faisant la nôtre.
Merci à David pour la source