dimanche 18 octobre 2015

[70e AG ONU] Bolivie + Equateur + Uruguay + Salvador : “nous sommes convaincus que le capitalisme n’est pas la solution pour la vie et encore moins pour l’humanité.” (Les crises)

[70e AG ONU] Bolivie + Equateur + Uruguay + Salvador : “nous sommes convaincus que le capitalisme n’est pas la solution pour la vie et encore moins pour l’humanité.”

Bolivie – Débat 2015 de l’Assemblée générale de l’ONU

Allocution de S.E. M. Evo Morales Ayma, Président de l’État plurinational de Bolivie, lors du Débat général de la 70e session de l’Assemblée générale
Merci
Cher frère, président de l’Assemblée, je salue tous les présidents et délégations rassemblés à l’Assemblée des Nations Unies.
Je me félicite de pouvoir être ici pour au nom de mon peuple pour pouvoir dire ce que nous ressentons, ce que nous connaissons, ce que nous faisons en Bolivie.
Comme tout le monde l’a dit, cela fait soixante-dix ans que les Nations Unies ont été fondées. Il y a soixante-dix ans, comme ils l’ont dit, l’on a fondé les Nations Unies pour parvenir à la paix après la guerre mondiale.
Il est important de procéder à l’évaluation économique, politique, sociale et culturelle et environnementale. Alors que les Nations Unies fêtent leur soixante-dixième anniversaire, qu’ont fait les Nations Unies ?
Soixante-dix ans plus tard, il y a encore des guerres.
Soixante-dix ans plus tard, il y a encore des invasions.
Et quelles sont les origines de ces invasions, de ces guerres sur certains continents ?
L’ambition de quelques régions, de quelques nations, les politiques visant à concentrer le politique entre quelques mains de pays dirigés de quelques oligarchies avec le soutien des multinationales. Et donc soixante-dix ans après la fondation des Nations Unies, l’on n’a pas atteint les objectifs de paix et de stabilité dans le monde.
Ce matin nous avons entendu plusieurs interventions.
Le président Obama, d’autres présidents d’autres continents ont tous dit : « Nous voulons la paix. » mais je puis vous dire mes frères, mes sœurs et je le dis aux peuples du monde, il n’y aura pas de paix sans justice sociale.
Ils ont critiqué le terrorisme des groupes armés sur les différents continents alors que certaines puissances cherchent à savoir comment régler ces problèmes. J’ai entendu des interventions qui condamnent les mouvements sociaux et qui prennent des mouvements sociaux pour des terroristes.
Moi je viens d’un mouvement social, je viens d’un mouvement autochtone et les mouvements sociaux ne sont pas terroristes. Nous contribuons à la paix sociale ce qui débouche sur l’égalité, la dignité, la justice.
Et je puis également vous dire qu’au cours des soixante-dix années, certains défendent encore le capitalisme. Moi, je puis vous dire que le capitalisme a échoué, c’est un modèle qui a échoué.
Depuis ce matin, tout le monde nous parle de la crise humanitaire, la crise financière, énergétique, alimentaire.
J’ai entendu plusieurs interventions, la moitié des habitants de la planète souffre de famine. Des milliards, des milliards de ressources économiques qui viennent détruire la terre nourricière qu’on appelle en occident la planète Terre.
Ils veulent réduire le réchauffement climatique avec 100 millions de dollars. Savez-vous combien d’argent est gaspillé pour détruire la planète ? Combien de milliards de milliards sont gaspillés pour envahir des pays ?
J’ai écouté avec attention les propos de mon frère Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies qui déplorait ce que traversait le peuple libyen et syrien.
A cause de qui ces peuples libyen et syrien vivent si mal ? N’oublions pas que le gouvernement des Etats-Unis a fait tomber Kadhafi et comme aujourd’hui il parlait de tyran.
L’opération militaire de l’OTAN visait peut-être le président de l’époque. Mais l’objectif n’était pas vraiment Mr Kadhafi. Le vrai objectif, c’était le pétrole libyen.
Posez-vous la question, mesdames et messieurs : à qui appartient le pétrole libyen ? Est-ce qu’il appartient au peuple libyen, à l’État libyen ou finalement à quelques transnationales nord-américaines, européennes ?
Imaginez-vous un peu. Ils utilisent de faux prétextes pour intervenir et maintenant pauvre peuple libyen détruit à ce moment-là, il ne nous intéresse plus du tout, dès lors que les ressources économiques ou les ressources naturelles sont d’ores et déjà dans les mains des multinationales.
Ça c’est le capitalisme. Je pourrai vous parler de tous les pays envahis avant la formation des Nations Unies, dans les Andes, ou après. On pourrait encore parler de la Syrie.
Voilà pourquoi mes frères, mes sœurs ici présents, de par le monde, nous sommes convaincus que le capitalisme n’est pas la solution pour la vie et encore moins pour l’Humanité.
Parfois, on nous fait le reproche en tant que présidents de ne pas dire la vérité, de ne pas dire ce qui se passe vraiment dans le monde. Moi, je puis vous dire mesdames, messieurs, alors que certains croient mieux vivre, avec cette politique on ne pourra régler les problèmes sociaux ni les questions humanitaires. Le bien-vivre, comme le disait également notre frère le président de l’Equateur, le bien-vivre, c’est la synthèse du socialisme commutarisme. Le mieux-vivre, c’est la synthèse du capitalisme. Il y a une nette différence.
Dans le bien-vivre, je puis vous dire, mes frères et sœurs, c’est vivre dans la solidarité, dans la complémentarité, en solidarité avec l’être humain mais en harmonie également avec la terre nourricière. Pour nous, issus des mouvements sociaux notamment autochtones, c’est la terre nourricière, la mère-terre. Nous sommes tous convaincus que l’être humain ne pourra pas vivre sans la terre nourricière et la terre nourricière peut mieux vivre sans l’être humain.
Je tiens également à vous dire et certains ne comprendront certainement pas, mais dans cette façon de vivre, les services fondamentaux ne peuvent pas être privés.
C’est cette expérience que nous avons faite en Bolivie. Les services fondamentaux ont été également privatisés : l’eau privatisé, énergie privatisé, éclairage privatisé, télécommunication privatisé, et en vertu de la Constitution, nous avons convenu que les services fondamentaux étaient un droit de l’homme et ne pourraient jamais être privatisés parce que la vie en dépend. Je tiens également à vous dire que cette façon de bien vivre, nous sommes convaincus que les ressources naturelles ne pourront jamais être entre les mains des étrangers et de transnationales.
Je tiens à vous faire part d’une expérience. Après que le gouvernement a entendu l’appel du peuple le 1er mai 2006 pour rendre hommage aux travailleurs, nous avons nationalisé les hydrocarbures. Nous avons récupéré cette ressource naturelle. Nous avons dit pendant la campagne : « il ne peut y avoir ici ni de propriétaires, ni de patrons. Peut-être juste des associés. »
Une donnée. Avant l’arrivée du gouvernement, la rente pétrolière était de trois millions de dollars ; depuis que nous avons nationalisé, l’année dernière notre rente pétrolière a atteint plus de cinq mille millions de dollars.
Imaginez seulement les montants qui nous ont été volé en Bolivie ! Des millions de dollars pour un pays qui compte dix millions d’habitants. Ce sont-là des ressources économiques essentielles à la libération économique.
Et voilà pourquoi nous sommes absolument convaincus que les ressources naturelles doivent appartenir au peuple sous l’administration de l’état. C’est l’expérience que nous avons faites et comment nous nous sommes libérés économiquement.
Voilà pourquoi mes frères, mes sœurs, nous ne croyons pas au capitalisme. Pourquoi intervenir dans un autre pays pour prendre possession de ses ressources naturelles et pour continuer d’accumuler le capital entre quelques mains ?
Deuxièmement.
Je tiens également à présent, à vous dire que nous avons une longue responsabilité à assumer en décembre de cette année à Paris, en France sur ces questions de l’environnement.
En tant que présidents, il est important de transmettre les propositions de nos peuples. Selon moi, il faut consulter mes frères et mes sœurs en Bolivie. Il faut adopter des politiques, des programmes et des projets permettant d’assainir la terre nourricière comme l’appelle aussi l’Occident. Si nous n’assumons pas cette responsabilité de sauver la terre nourricière, nous serons responsables pour les générations à venir.
Je tiens à vous faire part de mon expérience personnelle. Veuillez m’excusez de tant parler de moi mais quand je me rends à l’intérieur du pays de Bolivie, mes frères et mes sœurs ne savent même plus quand c’est le printemps, quand c’est l’été, quand c’est l’automne.
Un matin mes compagnons des tropiques, vers 02 heures 03 heures du matin, ils me disent : « Président, qu’est-ce que tu fais ? »
Je suis dans mon lit.
« Nous sommes en train de quitter la maison pour aller au fleuve. »
Pourquoi ?
« Parce qu’il fait chaud, il fait tellement chaud qu’on arrive pas à dormir. »
Evidemment, on n’a pas encore de douche.
Et ils partent en famille à ces heures indues vers le fleuve pour se protéger de ces températures.
Et cela c’est avec moins d’une hausse de un degré Celsius de température. Qu’en sera-t-il quand on arrivera à une élévation de deux degrés Celsius selon certains experts ? Si on ne met pas un terme à un réchauffement d’ici 2030, on pourrait voir une élévation de température de l’ordre de quatre ou cinq degrés.
Cher frère, chère sœur, les générations futures vont devenir anti-impérialistes, anticapitalistes parce que c’est là l’héritage du capitalisme.
Et maintenant le Nord me dit que nous sommes de simples gardes-forestiers, que… le Nord ne veut pas assumer ses responsabilités vis-à-vis des pays en développement. Donc c’est également là une responsabilité que nous devons assumer, voilà pourquoi, mes frères, mes sœurs, à Paris nous devons arriver avec un sens des responsabilités.
Comment sauver la terre nourricière ?
Nous invitons les personnes présentes, en tant que Bolivie nous allons organiser une manifestation internationale des mouvements sociaux du monde entier qui auront lieu les 10, 11 12 Octobre (2015), la semaine prochaine. Nous vous invitons à y participer. Nous vous invitons à apporter des propositions. Il faut savoir ce que pensent les peuples. Il ne faut pas dépendre uniquement des initiatives de l’Empire d’Amérique du Nord ou des multinationales parce que rien ne sert de brandir des politiques extérieures.
Ce matin, j’ai entendu deux interventions très intéressantes, très différentes, du président Obama et du président de la Chine. Le président Obama pour garantir la sécurité de son état et des alliés, que nous disait-il et pour lutter contre le terrorisme que nous disait-il ? Il disait qu’il nous offrait la guerre et l’intervention. Et le président de la Chine, qu’est-ce qu’il nous offrait ? Aide et coopération ! Ce n’est pas un état expansionniste.
Nous, mouvements sociaux, nous sommes des mouvements qui misons sur l’unité, sur l’unité pour parvenir à la libération, l’intégration, pour parvenir à la libération et non pas à des politiques d’invasion pour dominer. Il y a de fortes différences !
Et je salue les propos du président de la Chine qui nous offre son aide et sa coopération. Nous saluons le sens de la direction de ce pays mais nous savons également par les médias, je pense que les Etats-Unis nous ont dominé vis-à-vis de la Chine, si la presse ne ment pas. Il faut que cesse cette volonté de dominer les peuples du monde l
Il est une question qui est au débat ce matin. Nous allons parler des modes de démocratie.
Moi, je vous dirai qu’il y a deux types de démocratie : il y a démocratie du peuple et démocratie des multinationales, démocratie des mouvements sociaux parce que chez nous les mouvements sociaux sont organisés. Et en quoi consistent ces démocraties des mouvements sociaux. ? Ce n’est pas seulement une démocratie participative ou représentative. Dans mon expérience de dirigeant syndical, avant syndicaliste, aujourd’hui président, nous avons toujours pris des décisions avec les dirigeants même s’il y a certaines différences. Certains secteurs sont très ambitieux même dans leurs exigences. Non seulement elles sont inaccessibles, ne sont pas appropriées mais, … ensemble l’on présente des politiques, on présente des programmes de responsabilités : c’est de répondre à ces propositions sociales, c’est de répondre à ces exigences.
Mais dans d’autres démocraties soit disant représentatives, le vote s’achève le jour des élections. Donc, soyons sincères, mes frères, mes sœurs, présidents, délégués, ministres ici présents. Celui qui gouverne, ce n’est pas le président Obama, ce sont les banquiers, les entrepreneurs, les multinationales. De quel type de démocratie parlons-nous alors ?
Tromper le peuple qui vote, pour après ne pas gouverner. J’ai entendu dans les médias qu’un candidat disait : « Moi, je finance tout ! Les Républicains. Les Démocrates. C’est moi qui commande ! »
Ça ce n’est pas une démocratie. Ça c’est le capitalisme.
Et c’est là que se pose le grave problème de l’humanité. Et voilà pourquoi, nous en sommes convaincus, si nous voulons éradiquer la pauvreté, il faut éradiquer le système capitaliste. Il n’y a pas d’autres voies, mes frères et mes sœurs.
Et pas seulement ça. Ça va plus loin. J’en suis convaincu. Ce nouveau millénaire doit être le millénaire des peuples. Et ce n’est pas ni les monarchies, ni les hiérarchies, les monarchies, nous les respectons bien entendu, mais ce n’est pas les monarchies européennes ou américaines latines doivent.., ça doit cesser. Ce n’est plus l’époque, ce n’est pas… l’époque des oligarchies, ce n’est pas non plus l’époque de l’anarchie financière comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Voilà pourquoi mes frères et mes sœurs, nous avons l’obligation, ensemble, de lutter contre ce problème.
Imaginez, soixante-dix ans après la formation des Nations Unies, … s’il n’y a pas de coup d’état militaire, il y a maintenant des coups d’état tout en douceur. On parle d’espionnage. L’on arrête des avions présidentiels. Dans quelle époque vivons-nous ? Il y a désormais des bases militaires. Voilà pourquoi mes frères et mes sœurs, franchement, moi je ne souscris pas à ces politiques. Et je ne sais pas… Les dissidents incarcérés disaient qu’on ne pouvait pas emprisonner les idées. Tant de terroristes, de délinquants, de criminels, de présidents qui ont violé les droits de l’homme après avoir tué, … des présidents corrompus. Et après aux États-Unis, l’on veut lutter contre le terrorisme, la criminalité, les trafiquants de drogue car ce sont des trafiquants de drogues corrompus qui ont violé les droits de l’homme, expulsés des États-Unis, jugés dans leur pays. Moi, je ne peux pas comprendre, c’est un cimetière de corrompus. Nous respectons les États-Unis mais voilà ce qui se passe. L’on exerce des pressions sur des autorités, sur des… gouvernements qui souscrivent à l’impérialisme et au capitalisme.
Mes frères, mes sœurs, je voulais également saisir cette occasion pour évoquer une question grave qui n’a pas été abordé par les présidents, par tous les présidents qui est sur l’immigration.
L’on présente les migrants comme des criminels. On expulse les migrants. Je puis vous parler en tant qu’habitant des Amériques. Il y a 500 ans, les européens nous ont envahis. Est-ce que nous on a dit qu’ils étaient des criminels alors qu’ils ont pillé nos ressources naturelles, qu’ils ont décimé les peuples autochtones. Il n’y a jamais eu de programmes pour les expulser, eux. Et maintenant qu’il y a quelques frères qui quittent l’Amérique latine pour se rendre en Europe, ou aux États-Unis pour aller travailler, ils sont jugés comme des criminels, ils sont persécutés.
Vous savez, mes frères, mes sœurs, dans le capitalisme, l’argent a ses paradis fiscaux. Et les êtres humains connaissent l’enfer de la misère. Expulsion des migrants ! Voilà pourquoi, mes frères et mes sœurs, je veux vous le dire, nous proposons de travailler tous ensemble pour créer une citoyenneté universelle. Nous avons tous le droit de vivre où que ce soit dans le monde. La mondialisation ne vaut pas uniquement que pour le commerce, pour l’argent. La mondialisation doit valoir pour tous les êtres humains sur cette terre. Et nos frères migrants ne peuvent jamais être expulsés. En Bolivie, on ne les expulse pas.
Les entreprises à présent ne sont ni propriétaires ni associés, elles sont presque des services maintenant en Bolivie.
Mes frères, mes sœurs, une question très importante : le trafic de drogue, toujours lié au capitalisme. Nous avons nationalisé, en coopération avec les pays d’Amérique latine, nous avons nationalisé la lutte contre le trafic de drogue. Dans les données…, il est important de connaître les données des Nations Unies. Le trafic de drogue a été géré selon les intérêts géopolitiques. J’ai examiné les données des Nations Unis. Examinez-les ! Voyez les pays d’Amérique latine. Voyez les pays d’autres continents. Où il y a des bases militaires, où on investit des milliards de dollars. Quels sont les résultats ? Inexistants, voire une augmentation du trafic de drogue. Et là, nous avons nationalisé la lutte de trafic de drogue et en Bolivie, la situation s’est améliorée, sans base militaire, sans l’aide des États-Unis, sans les ressources économiques et du fait de la responsabilité partagée, devraient être fournie par les États-Unis, nous ne les réclamons pas, même si je salue la contribution de l’Europe non assortie de conditions qui voit le succès de notre lutte contre les stupéfiants.
Je puis une fois de plus, dire aux pays avec des gouvernements anti-impérialistes que l’on nous accuse de ne pas respecter les normes et d’être nous-même des trafiquants de drogue. Dans les pays où les gouvernements sont pro-capitalistes où s’est développé le trafic de drogue, on les félicite de leurs efforts. Mais quels mensonges. Je vous demande d’examiner les données. Penchez-vous sur les données des Nations Unies sur la lutte contre le trafic de drogue. Heureusement, d’autres pays ont bien compris les résultats que nous avons obtenus en Bolivie. Et l’on parle actuellement du modèle de lutte contre le trafic de drogue en Bolivie. On n’a jamais dit que l’on allait éradiquer la culture de la feuille de coca, mais on ne permet pas une libre culture de la coca, si on avait davantage de technologies, la situation serait bien meilleure qu’actuellement. Sachez-le : les anciens gouvernements m’ont laissé plus de 30 000 hectares de coca. Et cette année,… sans que le moindre paysan ne meure nous sommes parvenus à 20 400 hectares de coca. Sachez, connaissez ces données des Nations Unies.
Voyez les données des différents pays du monde. Mes sœurs, mes frères, je me fais l’écho de nombreux présidents pour saluer l’accord entre Cuba et les États-Unis pour nouer des relations diplomatiques. Mais, j’ai un souvenir que j’aimerai partager avec vous. J’espère que je ne vous fatigue pas.
Quand j’ai pris mes fonctions de président, la visite de l’ambassadeur des États-Unis, lorsqu’il y avait encore un ambassadeur des États-Unis, il m’avait donné des instructions. « Président Evo, vous ne pouvez pas avoir de relations diplomatiques ni avec Cuba, ni avec le Venezuela ni avec l’Iran. » Très bien. Arrive un groupe de parlementaires des États-Unis qui me disent : « Président, vous ne pouvez pas avoir de relations avec les 3 pays susmentionnés. » Bien entendu, j’ai balayé cela d’un revers de la main et j’ai dit que si nous avions des ressources économiques nous aurions des ambassades dans le monde entier, personne ne va m’interdire, à moi d’avoir des relations diplomatiques ou de ne pas en avoir avec tel ou tel pays. Depuis, je n’ai jamais accepté les instructions des États-Unis m’autorisant ou non à avoir des relations diplomatiques avec Cuba ou l’Iran.
Alors, je félicite maintenant les États-Unis d’avoir des relations diplomatiques avec l’Iran et Cuba. Il ne manque plus que le Venezuela. On peut espérer que bientôt ils auront des relations diplomatiques avec le Venezuela.
Non seulement,… il faut ces relations diplomatiques, ces échanges d’ambassadeurs, mais le peuple bolivien espère sincèrement que les États-Unis rendent Guantanamo à Cuba, que, une fois pour toute, cesse l’embargo. Le président Obama, ce matin, s’est engagé à lever l’embargo. Nous espérons qu’il joindra le geste à la parole.
Deuxièmement.
Le président Castro l’a très bien dit : lacélac nous avons déclaré une région de paix. Il y a peut-être un petit problème en Colombie, il y a les FARC. Heureusement, grâce au soutien, grâce à la médiation cubaine, nous avons appris avec grande joie qu’il y avait un pré-accord entre les FARC et le gouvernement colombien. Nous saluons l’effort et la patience du président Santos de parvenir à un accord. Mais je tiens à dire aux compagnons des FARC, nous… ne faisons plus de révolutions avec des balles. L’on fait une révolution désormais démocratiquement, par des votes et par des idées et l’on peut changer la situation sociale, la situation économique sur notre continent mais sur d’autres continents également. Lorsque des groupes, des pans de la société ont raison et luttent pour la dignité, la souveraineté, les peuples soutiennent cette lutte, cette proposition pour parvenir à la libération. Et nous saluons cet accord.
Il y a sur d’autres continents… il y a la question (des iles) Malvinas (Malouines). Et je peux vous dire mes frères et mes sœurs avec l’indulgence de l’Argentine, elles ne sont pas à Argentine, elles sont d’Amérique latine. Il y a tant, il y a des milliers de kilomètres, comment de si loin elle viendrait contrôler une ile qui est juste à côté de notre continent ? Que cela cesse et nous en appelons à votre compréhension. Et pour régler ce type de problèmes qui subsiste encore.
Il reste encore une question en souffrance, et je salue d’ailleurs notre frère du Chili qui me filme et qui suit cette intervention. Bonjour, mon frère du Chili.
Il y a 136 années, ce n’était pas la faute du peuple chilien, un groupe d’oligarques avec le soutien des multinationales anglaises nous envahit pour des raisons économiques. Simplement, pour vous rafraichir la mémoire, l’invasion eut lieu le 14 Février 1879. Un mois d’invasion, jusqu’au 23 Mars. Je ne vais pas m’attarder sur la question mais après tant de propositions, je déplore que la situation n’ait pas pu être réglée. Voilà pourquoi nous avons saisi la Cour Pénal Internationale à La Haye, une institution de justice, parce que la Bolivie est un pays pacifique, en vertu de sa constitution, nous n’avons pas une mentalité qui nous enclin à l’expansion, l’invasion de nos voisins. Voilà pourquoi nous avons saisi cette juridiction.
Malheureusement certains au Chili, pas tous, certains disaient qu’il n’y avait aucune affaire en souffrance avec la Bolivie. Récemment, il a été dit qu’il y avait une question en souffrance dans notre continent. Et La Haye s’est jugée compétente pour connaitre de l’affaire entre le Chili et la Bolivie, une question en souffrance. Et la Bolivie, avec humilité, simplicité et dignité a accueilli cette décision puisque la plus haute instance qui rend la justice dans le monde, qui a été créée par les Nations Unies a reconnu qu’il y avait là une question en souffrance. Et là, je m’adresse aux frères chiliens, au peuple chilien, nous ne voulons pas…il n’y a pas de perdants ou de gagnants, nous voulons régler par le dialogue cette question dans l’intérêt des peuples. Voilà notre souhait en tant que Bolivie.
Il ne s’agit pas de faire du mal à qui que ce soit. Nous sommes deux voisins, deux frères. Comment pourrions-nous nous affronter ? Nous voulons simplement parvenir à régler le problème mais je me félicite du soutien de tous. Je comprends bien cette grande solidarité des ex présidents, gouvernements, mouvements sociaux, institutions.
Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies avait dit tout son soutien, il faut régler cette question. Pas uniquement (lui). Le pape François, Jean-Paul II lui-même, avaient soutenu. Quatre anciens présidents des États-Unis, trois prix Nobels de la paix avaient dit qu’il fallait régler cette question de l’accès à la mer. Ce n’est pas une revendication. C’est notre droit. Et tôt ou tard, en vertu de la justice, nous aurons de nouveau, accès au Pacifique en toute souveraineté. Nous espérons que ce sera grâce à un dialogue concerté dans l’intérêt de nos peuples.
Mes frères, mes sœurs, en conclusion, je salue le travail des Nations Unies. Il y a deux semaines, les médias nous ont appris qu’ici les ambassadeurs, les délégués, et les représentants de gouvernement du monde entier avaient approuvé les principes régissant le mouvement autochtone andin amasouia : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas être oisif, ne pas être paresseux. Mais ça mes frères, je puis vous dire que ces valeurs, elles viennent de ma famille. Elles viennent de ma famille. En tant que vice-président, président, on applique ces valeurs. Et voilà pourquoi la Bolivie a beaucoup changé. Nous sommes arrivés au gouvernement lorsque la Bolivie était l’avant dernier pays du continent, le dernier pays d’Amérique du Sud. Et grâce à la lutte du peuple bolivien, grâce aux mouvements sociaux, grâce à notre programme, nous ne sommes plus un petit pays mal vu comme avant, grâce aux politiques que j’ai évoqué rapidement.
Et voilà pourquoi ces valeurs : ne pas voler, ne pas mentir, ne pas être oisif doivent devenir une norme. Les valeurs permettant une gestion transparente, une gestion honnête au service des autres peuples du monde.
Au nom du mouvement autochtone de Bolivie et de la région andine, je vous remercie d’avoir adopté ces normes du peuple autochtone approuvées donc par les Nations Unies.
Je tiens également à saisir cette occasion pour saluer le travail conjoint effectué avec l’Argentine et le compte 77 et l’Assemblée Générale pour approuver les principes de restructuration de la dette souveraine et les limites devant être imposées à la voracité transnationale des fonds vautours, une façon supplémentaire d’étrangler les économies des peuples souverains que nous rejetons catégoriquement.
Il s’agit, ici, de défendre la souveraineté économique des différents pays.
Enfin, mes frères, mes sœurs, je tiens à remercier par ce message le pape François. Ma maman est coupable : elle m’a élevé dans le catholicisme. Et moi, j’ai grandi dans l’Église catholique et j’ai été déçu par l’Église catholique. Mais avec ce frère pape, ce frère qui remet en cause ce capitalisme, qui demande qu’on ne se soumette pas au Dieu Argent et bien je suis beaucoup plus catholique. J’ai retrouvé mon moral. Vraiment je salue ce message de paix envoyé par notre frère le pape François.
Je vous le dis, maintenant j’ai un pape. Mais je puis également vous dire, mes sœurs, mes frères, le pape François grâce à ces messes religieuses nous bénit… mais il respire, il vit. Nous nous devons de défendre et de protéger le pape François.
Je vous remercie mes sœurs.
Je vous remercie mes frères.
Source : ONU 10/10/2015, transcrit par les lecteurs du blog www.les-crises.fr