Ces derniers mois, deux livres d'exception ont secoué le monde de la santé.
Le professeur Peter C. Gøtzsche, spécialiste de médecine interne, directeur du centre Cochrane nordique, un groupe d'experts indépendants, décrit minutieusement l'influence systémique et particulièrement efficace de l'industrie pharmaceutique (1). Selon lui, celle-ci serait à l'origine de centaines de milliers de morts dans le monde chaque année, ce qui en ferait la troisième cause de décès après le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Il estime que les connaissances accumulées sur les stratégies d'influence de ce lobby — le « Big Pharma » — pour augmenter ses profits permettent de le comparer au crime organisé et à la Mafia.
Dans leurs préfaces, Richard Smith, ancien rédacteur en chef du British Medical Journal, et Drummond Rennie, éditorialiste au Journal of the American Medical Association, deux publications où l'on trouve la fine fleur de la recherche médicale mondiale, confirment la gravité des faits. Ce soutien de poids constitue sans doute une première, à la hauteur des enjeux et des dénonciations du livre.
Le second ouvrage est celui de John Virapen, ancien président-directeur général pour la Suède d'Eli Lilly, l'un des plus grands laboratoires pharmaceutiques (2). Un rare et précieux témoignage, devenu un best-seller outre-Atlantique. Virapen dit avoir rédigé cette confession pour dénoncer l'usage injustifié d'antidépresseurs encouragé par « Big Pharma », notamment pour les enfants. Il tente cependant aussi par là de racheter les morts qu'il a sur la conscience. On lui doit en effet la mise sur le marché du Prozac, obtenue grâce à un dossier frauduleux et à la corruption d'un psychiatre. On apprend au passage que cette pratique, racontée en détails, est courante. Des révélations récentes laissent penser que la France n'est pas épargnée (3).
Ces deux livres font aussi apparaître la complicité active de certains médecins, et notamment des « KOL », ou key opinion leaders, engagés pour conseiller l'industrie ou pour « éduquer » leurs confrères. La carrière de nombre d'entre eux est littéralement dopée par l'industrie pharmaceutique, celle-ci rédigeant pour eux des articles scientifiques qu'ils n'ont plus qu'à signer. Cette pratique répandue, appelée ghostwriting, récompense les moins vertueux, appelés à donner des conférences et, pour certains, à devenir responsables de sociétés savantes, de comités d'agence, ou même auteurs de guides de bonnes pratiques médicales...
Face à cette situation, c'est l'ensemble de la chaîne du médicament qu'il faut changer — de la recherche à la prescription en passant par la régulation —, mais également la formation des médecins. Le professeur de droit Marc A. Rodwin, spécialiste des conflits d'intérêts et des pratiques de corruption dans l'industrie pharmaceutique, souligne que, depuis 2002, plusieurs facultés de médecine américaines ont mis en place des cours pour apprendre à leurs étudiants à faire face à la promotion de l'industrie du médicament (4). Il rappelle également qu'il existe divers organismes favorisant la pratique d'une médecine plus indépendante, comme Healthy Skepticism, No Free Lunch ou, en France, la revue Prescrire et l'association Formindep. Des universitaires avancent quant à eux des propositions originales, telles que la nationalisation de l'industrie pharmaceutique française, ainsi que la réduction du rôle du ministère de l'industrie dans le Comité économique des produits de santé (CEPS), responsable du prix des médicaments (5).
Notes :
(1) Peter C. Gøtzsche, Remèdes mortels et crime organisé. Comment l'industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé, Presses de l'Université Laval, Québec, 2015, 457 pages, 39,95 dollars.
(2) John Virapen, Médicaments effets secondaires : la mort, Le Cherche-Midi, Paris, 2014, 365 pages, 18,50 euros.
(3) Michaël Hadjenberg et Pascale Pascariello, « Les gendarmes du médicament faisaient affaire avec les laboratoires », Mediapart, 24 mars 2015.
(4) Marc A. Rodwin, Les Conflits d'intérêts en médecine : quel avenir pour la santé ? France, Etats-Unis, Japon, Presses de l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), Rennes, 2014, 346 pages, 30 euros.
(5) Marie Bélis-Bergouignan, Matthieu Montalban, Mustafa Erdem Sakinç et Andy Smith, L'Industrie pharmaceutique. Règles, acteurs et pouvoir, La Documentation française, Paris, 2014, 248 pages, 19,90 euros.
Le professeur Peter C. Gøtzsche, spécialiste de médecine interne, directeur du centre Cochrane nordique, un groupe d'experts indépendants, décrit minutieusement l'influence systémique et particulièrement efficace de l'industrie pharmaceutique (1). Selon lui, celle-ci serait à l'origine de centaines de milliers de morts dans le monde chaque année, ce qui en ferait la troisième cause de décès après le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Il estime que les connaissances accumulées sur les stratégies d'influence de ce lobby — le « Big Pharma » — pour augmenter ses profits permettent de le comparer au crime organisé et à la Mafia.
Dans leurs préfaces, Richard Smith, ancien rédacteur en chef du British Medical Journal, et Drummond Rennie, éditorialiste au Journal of the American Medical Association, deux publications où l'on trouve la fine fleur de la recherche médicale mondiale, confirment la gravité des faits. Ce soutien de poids constitue sans doute une première, à la hauteur des enjeux et des dénonciations du livre.
Le second ouvrage est celui de John Virapen, ancien président-directeur général pour la Suède d'Eli Lilly, l'un des plus grands laboratoires pharmaceutiques (2). Un rare et précieux témoignage, devenu un best-seller outre-Atlantique. Virapen dit avoir rédigé cette confession pour dénoncer l'usage injustifié d'antidépresseurs encouragé par « Big Pharma », notamment pour les enfants. Il tente cependant aussi par là de racheter les morts qu'il a sur la conscience. On lui doit en effet la mise sur le marché du Prozac, obtenue grâce à un dossier frauduleux et à la corruption d'un psychiatre. On apprend au passage que cette pratique, racontée en détails, est courante. Des révélations récentes laissent penser que la France n'est pas épargnée (3).
Ces deux livres font aussi apparaître la complicité active de certains médecins, et notamment des « KOL », ou key opinion leaders, engagés pour conseiller l'industrie ou pour « éduquer » leurs confrères. La carrière de nombre d'entre eux est littéralement dopée par l'industrie pharmaceutique, celle-ci rédigeant pour eux des articles scientifiques qu'ils n'ont plus qu'à signer. Cette pratique répandue, appelée ghostwriting, récompense les moins vertueux, appelés à donner des conférences et, pour certains, à devenir responsables de sociétés savantes, de comités d'agence, ou même auteurs de guides de bonnes pratiques médicales...
Face à cette situation, c'est l'ensemble de la chaîne du médicament qu'il faut changer — de la recherche à la prescription en passant par la régulation —, mais également la formation des médecins. Le professeur de droit Marc A. Rodwin, spécialiste des conflits d'intérêts et des pratiques de corruption dans l'industrie pharmaceutique, souligne que, depuis 2002, plusieurs facultés de médecine américaines ont mis en place des cours pour apprendre à leurs étudiants à faire face à la promotion de l'industrie du médicament (4). Il rappelle également qu'il existe divers organismes favorisant la pratique d'une médecine plus indépendante, comme Healthy Skepticism, No Free Lunch ou, en France, la revue Prescrire et l'association Formindep. Des universitaires avancent quant à eux des propositions originales, telles que la nationalisation de l'industrie pharmaceutique française, ainsi que la réduction du rôle du ministère de l'industrie dans le Comité économique des produits de santé (CEPS), responsable du prix des médicaments (5).
Notes :
(1) Peter C. Gøtzsche, Remèdes mortels et crime organisé. Comment l'industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé, Presses de l'Université Laval, Québec, 2015, 457 pages, 39,95 dollars.
(2) John Virapen, Médicaments effets secondaires : la mort, Le Cherche-Midi, Paris, 2014, 365 pages, 18,50 euros.
(3) Michaël Hadjenberg et Pascale Pascariello, « Les gendarmes du médicament faisaient affaire avec les laboratoires », Mediapart, 24 mars 2015.
(4) Marc A. Rodwin, Les Conflits d'intérêts en médecine : quel avenir pour la santé ? France, Etats-Unis, Japon, Presses de l'Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), Rennes, 2014, 346 pages, 30 euros.
(5) Marie Bélis-Bergouignan, Matthieu Montalban, Mustafa Erdem Sakinç et Andy Smith, L'Industrie pharmaceutique. Règles, acteurs et pouvoir, La Documentation française, Paris, 2014, 248 pages, 19,90 euros.
Voici quelques - unes des raisons évoquées pour justifier l'idée d'accepter les cadeaux ou les réunions :
1. Par nécessité de conformité sociale : ne pas passer pour un rabat - joie, « tout le monde le fait », influence hiérarchique / des pairs.
2. Pour des raisons financière s : revenus faibles, étudiants endettés.
3. Pour des raisons de psychologie : sentiment d'invulnérabilité, « on ne peut pas m'acheter », sentiment de légitimité.
Les moyens d'influence sont divers :
1. les échantillons gratuits : ensemencement du marché avec des médicaments nouveaux, plus chers, rarement meilleurs que ceux qui existent déjà
2. les repas gratuits : attirent une audience favorable, créent une ambiance amicale autour du produit
3. les leaders d'opinion : praticiens rémunérés par les labos , influençant leurs pairs
4. la publicité, les journaux gratuits et suppléments
5. les c am pagnes de communication incluant une publicité orientée vers la maladie sans nom de marque
6. Remises accordées aux pharmacies sur la base du volume des ventes
7. Remises accordées à des services hospitaliers.
8. La Formation Médicale Continue : obligatoire, elle est financée par les laboratoires pharmaceutiques à 97% en France
9. Développement de recommandations pour le diagnostic et pour le traitement
« Dans bon nombre de livres, il y a des publicités »
Le collectif y rapporte la façon dont, dès les premières années de leur formation, les étudiants en médecine sont confrontés à l'influence de l'industrie. «Dans bon nombre de livres, il y a des publicités, les médicaments sont désignés la plupart du temps par leur nom commercial. En cours, beaucoup d'enseignants ne s'embarrassent pas non plus des dénominations communes internationales», raconte Martin, coauteur du livret. Est également dénoncé le mode de financement de la formation médicale continue -celle qui s'acquiert après le diplôme, obligatoire depuis 1996-, qui, selon un rapport du Sénat datant de 2006, provient à 98% de l'industrie pharmaceutique.
...
Staffs avec déjeuner et petits cadeaux
Le collectif fait également état d'une présence très forte des laboratoires à l'hôpital. « Je n'ai pas connu de service qui ne recevait pas de visiteurs médicaux pour des staffs avec déjeuner offert et petits cadeaux », témoigne Martin. Dans le milieu hospitalier, un « staff » désigne habituellement une réunion d'équipe. « Lorsqu'on refuse de se rendre à un staff, on doit souvent faire face à des réactions violentes de la part des autres médecins, qui prennent notre refus pour un affront », poursuit l'étudiant.
On le voit, la pression est déjà énorme à peine les études entamées. Et puis bien sûr, il y a l'état catastrophique de la Science en général :
- Corruption de la science : Des scientifiques laissent de côté les données et pondent des conclusions bidons
- Corruption de la science : 20.000 articles scientifiques frauduleux publiés par an
- Corruption de la science : la recherche médicale, majoritairement frauduleuse
- Corruption de la science : la falsification des évaluations par les pairs
Pour ce qui est de la solution proposée, celle de la nationalisation, on peut rester sceptique. L'État nous prouve constamment, avec une bonne propagande vaccinale par exemple, qu'il n'a pas l'intérêt de ses citoyens particulièrement à cœur. Quant à la lutte contre la corruption, il serait étonnant que l'État scie la branche sur laquelle il est assis...
- Corruption de la science : Des scientifiques laissent de côté les données et pondent des conclusions bidons
- Corruption de la science : 20.000 articles scientifiques frauduleux publiés par an
- Corruption de la science : la recherche médicale, majoritairement frauduleuse
- Corruption de la science : la falsification des évaluations par les pairs
Pour ce qui est de la solution proposée, celle de la nationalisation, on peut rester sceptique. L'État nous prouve constamment, avec une bonne propagande vaccinale par exemple, qu'il n'a pas l'intérêt de ses citoyens particulièrement à cœur. Quant à la lutte contre la corruption, il serait étonnant que l'État scie la branche sur laquelle il est assis...
Commentaire : A tous les niveaux de l'échelle, la corruption règne en maitre. Tiré d'un article du Figaro, concernant un livret pédagogique rédigé par les étudiants eux-mêmes, Pourquoi garder son indépendance face aux laboratoires pharmaceutiques ?, à lire absolument :