Le département du premier ministre Valls menace de suspendre les financements sociaux
Le département de l’Essonne, dans la région parisienne, menace de cesser unilatéralement le financement de services essentiels obligatoires aux personnes dépendantes. Outre les associations de protection de l’enfance et les services médico-sociaux accueillant les personnes âgées ou handicapées, ces coupes concerneraient aussi les services à domicile, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).
L’Essonne est représentée à l’Assemblée nationale par l’actuel premier ministre français Manuel Valls.
Fin décembre, le président du conseil départemental de l’Essonne, François Durovray, du parti conservateur Les Républicains (LR), dirigé par l’ancien président Nicolas Sarkozy, a envoyé une circulaire à 600 établissements les informant que le département « n’était pas en mesure de procéder au paiement des factures actuellement en attente concernant [leur] établissement… [et s’élevant à 108 millions d’euros leur étant dus]… au 20 novembre 2015 ».
Qu’une collectivité territoriale revienne sur ces obligations légales est sans précédent et remet en question des droits sociaux fondamentaux garantis par la constitution française et le système juridique.
La circulaire blâme « une augmentation constante des dépenses obligatoires (solidarités, collèges, routes)… et une réduction forte de nos ressources, notamment les dotations de l’Etat ».
Durovray a cherché à dissuader les établissements touchés d’entamer une action en justice pour obliger le conseil à les payer en affirmant que le représentant du gouvernement central, le préfet, avait donné à celui-ci le feu vert pour son projet de rééchelonnement sur 6 ans de sa dette envers eux de 108 millions d’euros.
Guillaume Quercy, directeur en Ile-de-France de l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss), qui regroupe les principales associations du secteur a déclaré: «C’est une dépense obligatoire, il doit la payer » ajoutant, « c’est totalement ubuesque et inédit en France, on touche aux publics les plus fragiles ». Il a fait remarquer que « plusieurs établissements et associations ne disposant d’aucune trésorerie pourraient se retrouver en situation très précaire en cas de report des paiements ».
Des services essentiels signalent qu’ils subissent déjà une dégradation de leur capacité à aider les personnes dans le besoin.
La directrice de la Résidence Soleil, qui gère les structures pour les personnes handicapées dans l’Essonne, a déclaré à la presse: « J’ai des personnes qui avaient fait leur valise pour intégrer un nouveau foyer de vie… J’ai dû passer vingt minutes à leur expliquer qu’elles ne pouvaient plus partir. J’ai une dame qui pleurait… Ce sont des personnes déficientes et cette situation les dépasse totalement ».
Elle a ajouté: « La décision du conseil départemental de l’Essonne a été prise sur des fonds déjà engagés et en plus sans aucune considération des conséquences humaines et dramatiques. Ces choix se font au détriment des citoyens les plus démunis ».
Les associations, exaspérées par les querelles sur la responsabilité de la situation dans l’Essonne entre l’ancien chef PS du conseil départemental Jérôme Guedj, battu à l’élection départementale de mars 2015, et son successeur LR Durovray, ont déclaré aux médias mercredi qu’elles étaient mécontentes d’être « prises en otage de manœuvres politiques ».
Durovray, soutenu par le comptable Michel Kopfer, accuse le PS d’avoir manipulé illégalement des allocations budgétaires pour cacher la dette de 108 millions d’euros due aux 600 prestataires d’aide. Il souligne que la dette de l’Essonne a été multipliée par cinq entre 1998 et 2015 sous le PS et s’élève maintenant à 1 milliard d’euros, dont une dette toxique contractée pour financer le service d’incendie et de secours.
Guedj a rétorqué que l’administration PS avait laissé les finances de l’Essonne dans un « état sain » et pointé une réduction par LR du budget à hauteur de 30 millions d’euros et leur engagement à réduire les impôts.
Selon Le Monde, « Tous les connaisseurs du dossier s’accordent à y voir, sur les terres de Manuel Valls, un jeu politique entre la nouvelle majorité de droite et l’ancienne de gauche ».
En effet, le gouvernement PS a réduit les dotations de l’Etat aux collectivités territoriales de 1,5 milliards d’euros en 2014 et de 3,5 milliards d’euros en 2015. Ce chiffre passera à 10 milliards d’euros en 2017 dans des conditions où leurs dettes dépassaient déjà 9 milliards d’euros en 2013.
Ces coupes s’accompagnent d’une campagne de propagande contre les travailleurs des collectivités territoriales, « feignants trop payés », et les services qu’ils fournissent. Licenciements, allongement des heures de travail, réduction des taux de rémunération horaire et des droits de congés sont déjà imposés dans les municipalités, comme à Nanterre et à Agen.
L’attaque impitoyable par le Conseil départemental de l’Essonne des besoins sociaux élémentaires des sections les plus fragiles de la population fait partie d’une offensive menée au plan européen par les partis sociaux-démocrates comme le PS, les syndicats et leurs satellites, pour rembourser les dettes aux banques et effectuer un transfert massif de richesse de la classe ouvrière vers les super-riches. Il fait partie du même processus de destruction des services sociaux et du niveau de vie qui a déjà appauvri la classe ouvrière grecque sous des gouvernements sociaux-démocrates, conservateurs et pour finir, sous celui de Syriza.
Dans les conditions de l’état d’urgence actuel de trois mois qui donne à l’État le droit de réprimer toute résistance à ses politiques avec des perquisitions arbitraires, des emprisonnements et des assignations à résidence, et dans le contexte des peines de prison infligées aux travailleurs d’Air France et de Goodyear pour avoir défendu leurs emplois, le gouvernement utilise clairement l’Essonne pour tester les réactions et la résistance à l’intensification des attaques contre les droits sociaux, en préparation de la prochaine phase.