En plein mouvement social, la Commission européenne demande à la France d’être encore plus néolibérale
Le
18 mai, à la veille d’une nouvelle journée de manifestations contre la
loi travail, la Commission européenne publiait ses recommandations aux
pays de l’Union européenne en matière d’économie. C’est ce qu’on appelle
le “semestre européen”, un dispositif chargé depuis 2011 de surveiller
les politiques économiques et budgétaires dans l’UE. Dans les faits, ces
recommandations régulières de la Commission aux gouvernements des pays
membres ont pour rôle de leur forcer la main pour réformer leur droit du
travail. En février dernier, le semestre européen critiquait par
exemple un marché du travail français jugé trop « rigide », dans lequel
la protection contre les licenciements serait trop élevée [1].
À nouveau, les prescriptions de Bruxelles transmises mercredi ressemblent à s’en méprendre à un argumentaire du plus dogmatique des néolibéraux. « Dans
le contexte actuel de chômage élevé, le coût du travail au salaire
minimum risque de freiner l’emploi des personnes peu qualifiées, dit la Commission. Qui préconise de « veiller
à ce que les réductions du coût du travail soient pérennisées et que
les évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création
d’emplois et la compétitivité ». Traduction : que le salaire minium n’augmente surtout pas.
Autre point sur lequel insiste la Commission, et qui est au centre de
la loi travail : l’exigence de donner plus de libertés aux entreprises
pour déroger aux accords de branches, qui protègent pourtant les
salariés d’un rapport de force déséquilibré au sein d’un même secteur,
et fixent le cadre – salaires, horaires, protections sociales... – dans
lequel ils exercent leur métier. « Les réformes menées récemment
n’ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux
accords de branche. Cela concerne tous les aspects des conditions
d’emploi, notamment les salaires, le temps de travail et les conditions
de travail, et limite la capacité des entreprises à moduler leurs
effectifs en fonction de leurs besoins », fait valoir la Commission. « Les
dérogations aux accords de branche et aux dispositions juridiques
générales sur les conditions d’emploi, par l’intermédiaire d’accords
d’entreprise, pourraient être facilitées, en concertation avec les
partenaires sociaux ». C’est justement ce que le gouvernement veut
faire avec la nouvelle loi travail. Les recommandations de Bruxelles
reprennent aussi textuellement l’argument selon lequel c’est la
protection des salariés en CDI qui pénaliserait les précaire et les
chômeurs… Sans expliquer par quel mécanisme une protection précarise...
Mais ce n’est pas tout. Le semestre européen demande aussi à la France d’ « entreprendre une réforme du système d’assurance-chômage afin d’en rétablir la viabilité budgétaire ».
Et veut aussi que Paris réduise l’impôt sur les sociétés tout en
augmentant la TVA. Rappelons que l’impôt sur les sociétés est prélevé
sur les bénéfices d’une entreprise, tandis que la TVA pèse de la même
manière sur tout le monde, que l’on soit salarié au Smic ou PDG
millionnaire. Manuel Valls en fera-t-il son nouvel ordre de mission...