Les banques, une gangrène qui dégénère. Liliane Held-Khawam
Le Brexit a
déclenché des fureurs sur les places mondiales. Un krach financier
d’ampleur se déroule sous nos yeux, entrainé par les banques
européennes…
La question que se
pose ci-dessous Bruno Bertez est le pourquoi de leur dégringolade qui,
pour ne pas dire effondrement? (cf notre dossier sur la Deutsche Bank)
Cela fait de
nombreuses années que nous dénonçons les too big to fail et le système
de sauvetage que leur ont offert les gouvernants sans aucune exigence
en échange (Bâle III compris). A ce jour, une immunité parfaite a été
offerte à leurs têtes malfaisantes organisées plus que probablement en
bandes cartellisées. Autant dire que chacun connaît les secrets et les
défaillances de l’autre et s’en méfie.
Ce petit monde
ressemble de plus en plus à une mafia devenue trop grosse pour être
stoppée. Les politiques ne semblent même pas intéressés par la chose. Un
haut responsable suisse aurait dit un jour « je ne sais pas où se
trouve l’or de la Suisse et je ne veux pas le savoir »…
Si les dirigeants
d’un pays sont impuissants ou complaisants avec ces hauts dirigeants des
banques (oubliez même le niveau des directeurs), que peut faire la
justice? Les mailles de ses filets se sont d’ores et déjà révélées à ce
jour très sélectives pêchant à l’occasion des boucs émissaires à l’image
d’un Kerviel en France mais oubliant en Suisse le président d’une
banque sommée d’être fermée, reprise et dissoute pour blanchiment
d’argent…
L’immunité de ces
gros bonnets de la finance est en train de pourrir l’existence de
millions de personnes qui triment pour ramener quelques euros à la fin
du mois.
Ce système comparé
par Thomas Veillet à un mouvement perpétuel est voué tout de même à
disparaître tôt ou tard par les réactions imprédictibles du petit
peuple. Cela s’appelle l’impondérable.
Le jour où le
dernier centimètre carré de sa zone de confort sera perdu et que ses
maigres dépôts bancaires confisqués, il pourrait se laisser aller à une
violence bien réelle insoupçonnée par les algorithmes virtuels….
Nos arrogantes têtes
pensantes de la haute finance mondiale qui n’ont su intégré la variable
« Brexit » dans leur spéculation ferait bien de se documenter un
minimum sur les bases de la psychologie et de l’histoire… Vite si
possible.
Liliane Held-Khawam
Pourquoi les banques baissent elles autant? Bruno Bertez
Depuis le vote sur le Brexit, les
marchés financiers sont en chute. La chute s’effectue sous la conduite
des banques et des marchés des changes. Les emprunts d’état considérés
comme sûrs sont recherchés; l’or est demandé, les matières premières
résistent et les valeurs défensives sont accumulées. .
Les banques plongent, c’est le cas de le
dire avec des chiffres impressionnants. Lundi elles ont été reservés à
la baisse sur le marché Londonnier ; les écarts surpérieurs à 10% ne
sont pas rares. On a perdu plus de 20% en moyenne en deux séances de
Bourse.
La baisse se déroule sous la conduite de
Barclays qui abandonne plus de 12% encore ce matin, RBS plonge de 15%,
Deutsche Bank recule de 7,5%, BNP perd 5%, Sté Générale chute de 6% .
On peut dire que le secteur est entrainé vers le sud par Barclays,
Deutsche Bank et les Banques Italiennes, ce qui correspond à de la
fragilité réelle et pas seulement à de la psychologie.
La première raison qui explique et cause la baisse des banques, c’est le fait, qu’elles baissaient depuis de nombreux mois , la tendance était à la baisse et dans beaucoup de cas on était sur des records de plus bas historiques. Les écarts étaient spectaculaires et ils n’ont jamais été vraiment expliqués. On sait qu’en Bourse, la baisse appelle la baisse.
La seconde raison est que les spécialistes ont le sentiment que la
politique monétaire des Banques Centrales est très défavorable aux
banques car elle détruit , par les taux ultra-bas et les taux négatifs,
les « business model » bancaires. Les taux négatifs sont une taxe et un renchérissement des coûts bancaires alors que les marges sont laminées.
La troisième est que les commentateurs
et les économistes doutent maintenant du pouvoir réel des Banques
Centrales à stopper les crises, la crédibilité s’est érodée, les
politiques sont contradictoires, les résultats sont maigres, le
« facteur risque » devient de plus en plus important, tant la fragilité
est devenue grande. Beaucoup ne se cachent pas pour proclamer que les
Banques centrales sont dans un « corner ».
La quatrième est que beaucoup de banques
sont en mauvais état et que les collègues le savent, c’est la
dissymétrie de l’information , le public ne connait pas la réalité, mais
les confrères des banquiers eux, la connaissent. L’ignorance fait
vendre.
La cinquième est que depuis mars 2009 ( règles FASB) tout le monde parmi les professionnels sait que les comptabilités ne rendent pas vraiment compte de la solvabilité et de la valeur des postes du bilan, tant les tolérances ont été et sont encore grandes.
On parle d’un plan de sauvetage des
banques italiennes. Tout le monde sait que les derniers sauvetages
opérés par les autorités italiennes n’ont aucune crédibilité et que la
BCE n’était pas tout à fait d’accord. Les banques Italiennes sont dans le PONZI avec l’accord de leur gouvernement. C’est un problème politique.
La chute des banques , encore en baisse de 5% ce jour en Europe, a pour causes:
- le fait que les taux vont rester bas plus longtemps ce qui va les pénaliser
- l’opacité , on ne sait pas quels sont leurs engagements directs ou indirects sur les actifs financiers et les changes
- le ralentissement prévu de l’activité, voire la récession, va hausser les sinistres
- la chute de la valeur de leurs actifs est considérable ; elles sont en général engagées sur les marchés et le risk-on. Les pertes boursières depuis le Brexit sont évaluées à plus de 2,5 trillions
- la dislocation de leur activité au plan géographique, perturbe les personnels et les apporteurs d’affaires.
Globalement les banques sont le vecteur
et le symbole de la mondialisation, de la globalisation et de
l’ouverture. La rupture du Brexit fait une brèche dans l’ordre mondial
dont les banques sont les symboles. Tout cela va pénaliser les
inventaires, réduire l’appétit pour le risque et rendre plus délicat le
financement des bilans et des engagements sur le marché de gros du
dollar funding.
Le dollar funding est en difficulté, le dollar est trop rare, malgré les promesses de Swap par les autorités américaines.
Les Lendemains d’ Hier Thomas Veillet
Après les séances de krach, après les
journées difficiles comme celle que nous avons vécu vendredi, le plus
dur c’est de savoir comment sera la suite. Est-ce que l’on va « se faire
un rebond technique », ce qui signifie que l’on rebondit simplement
parce que l’on a trop baissé, mais que l’on ne sait pas trop pourquoi on
remonte, puisque les fondamentaux restent complètement pourris, ce qui
voudrait dire que la baisse pourrait reprendre le jour suivant. Ou alors
est-ce que l’on va remonter parce que l’on a baissé pour rien et que,
finalement, qu’est-ce que ça peut faire si l’Angleterre n’est plus là.
Ou alors, comme les politiciens l’ont prévu, la fin du monde est proche et ce n’est que le début.
Ce lundi matin fait partie des journée
où l’on ne sait pas quoi penser, tout le monde est perdu et personne ne
sait quoi penser sur l’avenir du marché. Les médias foisonnent
d’articles rédigés par des « experts » et autres « spécialistes » en
finance qui ont tous un avis sur l’avenir de l’économie, des marchés et
du destin de la Grande-Bretagne. Le seul problème, c’est que tout ces spécialistes et autres experts n’ont rien vu venir sur le coup du BREXIT,
alors autant vous dire que ce qu’ils vous racontent ce matin a à peu
près autant de valeur que les prévisions météo ou les marabout qui vous
promettent de vous donner les chiffres du prochain tirage de la loterie.
À noter qu’au moins la météo, s’ils sont souvent faux, se basent au moins sur des théories scientifiques.
Donc ce matin on est dans l’expectative.
Quand j’étais un jeune trader, on nous disait qu’il fallait attendre le
deuxième jour de baisse pour racheter et qu’il ne fallait pas confondre
vitesse et précipitation. Une chose est certaine, on se pose des
questions et on n’a pas la moindre réponse. Les riches londoniens sont
furieux et ils ont déposé pétition sur pétition pour réclamer un nouveau
référendum, sous prétexte qu’il n’y avait pas assez de votants. Eh oui,
c’est ballot, comme disait l’autre : « l’abstention peut provoquer un
précédent grave. Tous les fans du REMAIN et les frustrés du résultat son
en train de monter aux barricades afin de hurler leur désespoir, en
tête de la meute des types comme Peter Sutherland, ex-patron de Goldman
Sachs International qui hurle au viol et qui demande que le vote soit «
annulé ». C’est drôle, parce que j’ai de la peine à croire à son ton de vierge effarouchée
quand il parle de la « jeune génération sacrifiée », on peine à croire
que ce type de personnage puisse être perturbé par ce genre de sujet.
Bref, ce matin après un vendredi noir,
tout le monde y va de son commentaire personnel et essaye de se faire
une place au milieu de la foule en donnant son pronostic pour les
semaines à venir et pour les plus visionnaires, pour les années à venir.
En ce qui concerne ces derniers, on s’en fiche, puisque le marché a une
vision à 45 minutes.
En tous les cas, si l’on en croit les «
pros » de Wall Street, ça pourrait encore baisser de 7% aux USA. Ne me
demandez pas comment ils sont arrivé à ce chiffre alors qu’ils ne sont
pas foutus de trouver le nombre de chômeurs et d’emplois créés le
premier vendredi de chaque mois, mais c’est ce qu’ils nous vendent.
Qu’ils aient raison ou tort, on s’en
fiche comme de notre premier stop-loss, puisqu’on aura oublié leurs
commentaires et leurs avis dans trois jours.
En dehors du monde virtuel, ce matin le
Japon est en hausse de 2% et par parce qu’ils pensent que le départ de
l’Angleterre est une bonne chose, non, ils croient encore une fois que
la Banque du Japon va injecter du pognon dans l’économie. C’est bien,
l’espoir fait vivre et ce n’est pas la première fois que l’on fait
remonter le Nikkei parce que « l’on croit qu’il va se passer un truc »
et qu’il ne se passe rien. Pendant ce temps, Hong Kong est en baisse de
0.7% et Shanghai avance de 0.8%.
En ce qui concerne les nouvelles neuves du matin, si vous voulez des nouvelles intéressantes, vous
avez meilleur temps d’aller voir les statistiques d’Allemagne-Slovaquie
ou de Belgique-Hongrie, ça sera sûrement plus intéressant que les
colonnes du Wall Street Journal et du FT qui tergiversent
encore et encore sur les conséquences du BREXIT et les multiples
pétitions qui circulent parce que tout le monde est outré par ce qui
s’est passé. Oui, vous l’aurez compris ; la totalité des médias
financiers ne parle que de ça. Ben oui, ils auraient tort de s’en priver
pour une fois qu’il y a un truc à dire et que de toutes façons, on ne
sait pas comment ça va se finir et quand ça se finira on aura bien
évidemment oublié ce que l’on a écrit 48 heures après le BREXIT, on
aurait tort de ne pas balancer des théories tout azimut en racontant
tout et n’importe quoi.
Pour le reste, on verra bien.
Ce matin les futures sont en baisse de
0.5% et à voir comme ça, il y a encore deux-trois clients privés qui ont
encore une action ou deux à vendre, histoire d’embarquer tout le monde dans la panique finale et d’aller chercher les plus bas en chantant « on vous l’avait dit ».
Côté FOREX, l’Euro/Dollar est à 1.1019,
le Yen vaut 101.63, la Livre est à 1.3390 contre dollar et semble
vouloir trouver un fond, même si techniquement, le graphique pointe vers
la fosse des Mariannes. Le Dollar/Suisse est à 0.9740 et l’Euro/Suisse
est à 1.0743 et le Bitcoin vaut 615$. Le rendement du 10 ans US est de
1.49%.
Côté chiffres économiques, pour autant
que cela intéresse quelqu’un en ce moment, nous aurons le PMI des
Services aux USA, ainsi que le Dallas Fed Manufacturing Business Index.
En Europe, pas de chiffres économiques, on attend patiemment que
Bruxelles nous annonce quand est-ce qu’ils comptent reboucher le tunnel
sous la manche, c’est tout.
Autrement, mercredi tous les yeux seront
fixés sur le Portugal, puisque les trois banquiers centraux qui
comptent seront réunis là-bas et même s’ils ne viennent pas pour ça,
tout le monde aura les yeux et les oreilles fixés sur les commentaires
de Madame Yellen Super-Mario et Carney, histoire de voir s’ils vont nous
donner des « insides ».
Et puis vendredi nous serons en juillet, ce sera le premier vendredi du mois et nous aurons les Non Farm Payrolls.
Pile ça sera aussi pourri que la dernière fois et l’on commencera à
nous parler de récession, et face ça sera génial et nonobstant les
chiffres des mois précédents, on parlera et on reparlera de hausse des
taux pour freiner une croissance galopante.
J’ai l’impression d’être dans une forme de mouvement perpétuel.
Thomas Veillet