Eco-village : en avoir ou pas
Par Catherine Masoda et Olivier Flumian
Vivre dans un village écolo complètement autonome, nombreux sont ceux qui en ont rêvé, et certains commencent à passer à l’action. Après 3 ans d’étude de faisabilité du projet, Tera l’a fait.
Près du hameau de Lartel, sur la commune de Masquières, dans le Lot-et-Garonne, à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Toulouse, la première maison-nomade est apparue. Elles devraient être une dizaine à terme pour constituer le premier éco-hameau expérimental. S’inscrivant dans la mouvance des communes en transition, celui-ci devrait être autonome pour l’énergie, pour le recueil de l’eau, sa filtration et l’assainissement des eaux usées et pour l’alimentation de ses habitants. Il a aussi pour objectif de revitaliser des zones rurales dépeuplées en créant des activités économiques et culturelles utilisant une monnaie citoyenne locale mais aussi l’euro. L’ambition affichée est d’atteindre un niveau de 1800 personnes, en une fédération de 6 éco-villages regroupant chacun 10 éco-hameaux d’une dizaine de foyers chacun, répartis sur différents territoires. Ce seuil de 1800 habitants est planifié de façon à pouvoir passer le seuil permettant les activités de petite industrie.
Le projet associatif est porté entre autre par une chercheuse de l’INRA Marie-Hélène Muller et un entrepreneur chevronné de l’économie sociale et solidaire mais aussi militant de la nonviolence, Frédéric Bosqué. Malgré les apparences, les personnes rencontrées sur les lieux, des hommes et des femmes de tout âge, n’ont vraiment rien d’une assemblée de doux dingues : s’ils sont sympas et accueillants, ils sont tout aussi déterminés et conséquents, et bien décidés à agir en toute légalité. L’inauguration de la première maison a eu lieu le 1er juillet, en présence des élus et des techniciens de la région Nouvelle Aquitaine, des élus du département du Lot-et-Garonne, de la Communauté de communes du Fumélois et de la mairie de Masquières.
Malgré les pancartes d’opposition aux projets, très visibles, de la part de 2 riverains, les membres de l’association témoignent avoir de bonnes relations avec le voisinage : une quinzaine de riverains sont déjà venus leur donner un coup de main pour l’installation de la première maison.
En marche vers l’autonomie globale
Ayant étudié différentes possibilités, les membres fondateurs ont choisi une maison sur pilotis : économique (15000 euros), elle s’assemble avec une visseuse et un marteau, une fois les pilotis montés. Etant sans fondation, elle ne demande ni permis de construire, ni terrain viabilisé : elle est aussi pensée pour se monter facilement dans les zones désertifiées et ne demande de la part des municipalités que d’engager des frais de viabilisation de terrain. Conçue tant pour les membres du projet que pour leur environnement, la démarche s’accompagne d’un volet économique consistant à fournir un revenu de base inconditionnel en monnaie citoyenne locale (revenu d’autonomie) aux éco-villageois avec des activités de production d’énergie (éolienne), de maraîchage, d’hébergement pour visiteurs ainsi que toute autre activité que les éco-villageois auront envie de développer. Différents projets sont déjà dans les cartons comme un café-restaurant et des formations agréées (construction de tout ou partie d’un habitat léger visant l’autonomie en eau, énergie et alimentation et surtout fondation de nouveaux éco-villages).
Une des idées centrales du projet est en effet de fournir un revenu de base inconditionnel (www.revenudebase.info), symboliquement fixé à un euro de plus que le seuil de pauvreté, soit 834 euros en 2016. Il permettra de subvenir aux frais de logement, d’approvisionnement énergétique, alimentaire et d’accès aux réseaux de communication. Il laissera de la sorte la possibilité aux éco-villageois d’avoir une activité choisie dans le secteur marchand et/ou non marchand. Le revenu de base inconditionnel sera versé en monnaie citoyenne locale. Le projet économique accueille aussi bien des célibataires que des familles (limitées toutefois dans un premier temps à un enfant). Autre innovation, la place des personnes âgées ou handicapées a même été prévue dans une limite de 15% pour pouvoir s’assurer d’une faisabilité économique.
Une gouvernance innovante
Et qu’en est-il de la gouvernance, clé de voûte mais aussi bien souvent pierre d’achoppement de tout système social alternatif ? La gouvernance se veut démocratique et c’est un fait que la démocratie est bien au cœur de toute la démarche. Ce n’est pas une démocratie figée mais une démarche toujours en expérimentation et réflexion, « parce qu’on sait bien que l’échec vient toujours d’un problème humain ». Ce qui est marquant dans les pratiques et les témoignages des personnes rencontrées, c’est le respect des différentes opinions (monnaie libre ou complémentaire, les options de gouvernance) et choix de chacun, avec une volonté de prendre en charge la résolution des inévitables conflits de manière non-violente.
Ainsi, chacun peut rejoindre le projet selon un niveau d’engagement qui lui convient : certains viennent juste donner un coup de main ou soutiennent économiquement pour la beauté du geste et de l’œuvre commune, d’autres habitent ou viennent habiter le voisinage, travaillant à mi-temps à l’extérieur, à mi-temps dans le projet tandis que certains ont déjà tout lâché pour vivre sur le futur éco-hameau.
Tera apparaît bien comme un apport original au vaste mouvement international de la Transition qui tente de dessiner les contours de ce que serait une société humaine résiliente du point de vue environnemental, économique, social et démocratique. Une société non-violente serait-elle possible comme alternative au désastre programmé ? C’est en tout cas ce que croient et essaient de construire de toute leur belle énergie les volontaires de Tera.
Si vous voulez soutenir leur initiative, vous pouvez faire un don défiscalisable sur leur site pour financer les composantes de l’autonomie de votre prototype :
Ecoutez ce qu’en disent les volontaires de Tera, ou les habitants locaux engagés dans le 1er chantier école:
Site de l’association : www.tera.coop
vidéo : Interwiew de Frédéric Bosqué