L’Occident se dirige vers l’interdiction des médias russes (Strategic Culture Foundation)
Fanian CUNNINGHAM
Les
parlementaires européens ont voté cette semaine en faveur d’une
résolution appelant à de plus grandes « capacités institutionnelles pour
contrer la propagande inspirée par le Kremlin ». La résolution a été
votée par la commission des Affaires étrangères de l’UE et sera
présentée devant le parlement européen le mois prochain. Si la
résolution est adoptée, la prochaine étape sera la mise en place de
mécanismes institutionnels pour bloquer l’accès aux médias russes.
Ce
serait un événement monumental, mais les pays occidentaux semblent se
diriger, inéluctablement, vers l’interdiction des médias d’information
russes à partir de plates-formes satellitaires et de l’Internet. Ce
résultat - avec des implications éthiques et politiques énormes - semble
être la conclusion logique de la campagne transatlantique de plus en
plus frénétique visant à diaboliser la Russie.
Washington, Londres
et Paris semblent coordonner une attaque médiatique sans précédent qui
diffame la Russie pour pratiquement tous les méfaits imaginables :
crimes de guerre en Syrie, menaces contre la sécurité de l’Europe,
avions civils abattus, subversion des élections présidentielles
américaines. Et ce n’est qu’un échantillon.
Le Secrétaire britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, a déclaré cette semaine
que la Russie risque de devenir un « état paria ». Ironiquement, ce
destin a moins à voir avec le comportement réel de la Russie et plus à
voir avec les objectifs recherchés de la politique occidentale vis-à-vis
de Moscou, à savoir isoler et présenter la Russie comme un voyou
international.
Si les gouvernements occidentaux réussissent à
diaboliser suffisamment la Russie aux yeux de leurs opinions publiques,
alors un contexte politique sera créé pour procéder à des mesures
drastiques qui autrement seraient considérées comme des violations
inacceptables des droits démocratiques. Des mesures qui iraient bien
au-delà des sanctions économiques et viseraient la censure des médias.
N’est-ce pas étrange ? Le « monde libre » qui déplore « l’autoritarisme
russe » se dirige vers la censure des médias et la répression de ce
qu’il considère comme un « crime de pensée ».
Les parlementaires européens ont voté cette semaine en faveur d’une résolution appelant à de plus grandes « capacités institutionnelles pour contrer la propagande inspirée par le Kremlin ».
La résolution a été votée par la commission des Affaires étrangères de
l’UE et sera présentée devant le parlement européen le mois prochain.
Si la résolution est adoptée, la prochaine étape sera la mise en place
de mécanismes institutionnels pour bloquer l’accès aux médias russes.
L’hostilité
envers la Russie telle qu’elle apparaît dans la formulation de la
résolution de l’UE ne peut être décrite que comme enragée, pour ne pas
dire paranoïaque. Le gouvernement russe y est accusé de recourir
activement à une « campagne de désinformation », de « ciblage des politiciens et des journalistes de l’UE », et de « perturber les valeurs démocratiques à travers l’Europe ». En bref, Moscou est accusée de comploter la chute du bloc Européen.
Il
convient de noter un point particulièrement sinistre, le comité des
affaires étrangères de l’UE a accordé une attention particulière au
recours par la Russie d’un « large éventail d’outils et d’instruments
tels que des stations de télévision multilingues et de pseudos
organismes d’information pour diviser l’Europe ».
Ainsi donc,
non seulement le gouvernement russe est ouvertement accusé de nourrir
des desseins subversifs et destructeurs envers les Etats européens, mais
ses professionnels dans les médias sont confondus avec un supposé
projet politique russe de guerre hybride. L’Etat russe est diabolisé
comme un ennemi étranger et ses médias font partie de son arsenal de
guerre hybride. En d’autres termes, les médias d’information publics
russes légitimes sont en train d’être délégitimés par le Parlement
européen.
Étonnamment, les médias professionnels tels que RT et Sputnik sont qualifiés de « pseudo agences de presse » et « d’outils de propagande du Kremlin ».
Le
fait, souvent avancé, que ces médias « appartiennent à l’État » et sont
financés par le gouvernement est sans importance. Car il en est de même
pour Voice of America, Radio Free Europe, BBC, France 24 et Deutsche Welle,
pour ne citer que quelques-uns des diffuseurs occidentaux appartenant à
des Etats. En fait, le budget global des gouvernements occidentaux
consacré au financement de médias d’information est plusieurs fois
supérieur au budget de la Russie.
Le battement de tambour
occidental visant à délégitimer les médias d’information russes
populaires a augmenté au cours des derniers mois. Le mois dernier, par
exemple, l’alliance militaire de l’OTAN sous commandement US a publié un
autre rapport d’avertissement : « L’Occident est en train de perdre la guerre de l’information contre la Russie ».
Voici
une bonne question à se poser : pourquoi une organisation supposément
dédiée à la sécurité militaire intervient-elle dans les domaines du
journalisme et des services d’information publics ?
Un article de Voice of America ajoute : « Selon
les responsables de l’OTAN, l’Occident doit intensifier ses efforts
pour combattre et contrer la guerre de l’information menée par ses
adversaires. Ils avertissent que des pays comme la Russie exploitent la
liberté de la presse dans les médias occidentaux pour répandre la
désinformation ».
Remarquez comment la Russie est accusée en
quelque sorte d’« exploiter » sournoisement la liberté des médias
occidentaux. L’implication ici est que les sanctions-représailles contre
les médias russes seraient donc justifiées à cause de ces
transgressions supposées.
Pendant ce temps, toujours le mois dernier, le directeur de l’US National Intelligence, James Clapper Jr, aurait informé des membres du Congrès sur la « guerre de l’information » russe. Il a cité RT et Sputnik comme armes médiatiques de la « guerre de l’information » russe [pas le Grand Soir ?
snif, snif... grosse déception du traducteur]. Leur but, selon
Clapper, est de subvertir les sociétés occidentales en influençant les
groupes radicaux et en semant la confusion dans le public.
Ceci
marque une détérioration dramatique des relations entre l’Occident et la
Russie, où des médias d’information russes sont désignés comme des
armes ennemies. Une telle pensée trahit aussi à quel point de
dégénérescence les dirigeants politiques occidentaux ont sombré dans
leurs stéréotypes de guerre froide ; et comment ils sont disposés à
aller encore plus loin pour contrer la Russie.
Depuis que la
politique tant vantée de rétablissement de relations « plus amicales »
avec la Russie a été abandonnée sous la première administration du
président Barack Obama, vers 2011, l’hostilité de Washington et de ses
alliés européens est allé crescendo pour atteindre les niveaux actuels
d’hystérie.
La raison principale pour laquelle Washington a
abandonné sa politique de normalisation est probablement parce qu’elle a
compris que le président russe Vladimir Poutine ne sera pas aussi
docile que son prédécesseur Boris Eltsine, qui a lâchement soumis son
pays à l’hégémonie US, que ce soit sur des questions d’intérêts
géopolitiques, de la finance mondiale, ou de ressources/guerres à
l’étranger. Poutine ne veut rien entendre. La Russie ne sera pas un état
vassal des Etats-Unis, contrairement aux états membres de l’Union
européenne qui le sont de toute évidence.
C’est à cause de
l’indépendance et de l’audace de la Russie à s’exprimer contre la
désinvolture des Etats-unis à l’égard du droit international, par
exemple dans sa conduite de guerres illégales et de changements de
régime au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Ukraine, que Washington
trouve cette attitude si intolérable.
Lorsqu’on lui a demandé
récemment dans des médias allemands pourquoi l’Occident est si hostile
envers lui, Poutine aurait répondu laconiquement : « la peur ».
Le
dirigeant russe ne voulait pas dire par là que l’Occident avait peur
d’une agression militaire russe. Il voulait dire que la peur était due à
sa puissance de démonstration. Un fort contre-poids aux menées
impérialistes des Etats-Unis constituait une puissante négation de la
présumée suprématie US unipolaire sur le monde entier. Ce qui signifie
que le monde n’est pas un paillasson pour l’assujettissement US. Le défi
de la Russie à l’hégémonie US est un signe avant-coureur d’un monde
multipolaire, un monde dans lequel les Etats-Unis et ses filiales
européennes devront commencer à travailler de concert avec d’autres
nations, d’égal à égal et dans le cadre du droit international, et non
pas comme des renégats au-dessus des lois.
La Syrie est une
illustration classique. Washington et ses alliés britanniques et
français, ainsi que des états vassaux régionaux, ont présumé qu’ils
pouvaient mener une nouvelle opération illégale de changement de régime
dans ce pays arabe, comme ils l’avaient fait auparavant en Libye, en
Irak et en Afghanistan. L’intervention militaire de la Russie en appui à
son allié syrien fut une manifestation éclatante que l’Occident ne
pouvait plus continuer son petit jeu de changement de régime. En outre,
l’intervention de la Russie a également exposé l’implication criminelle
secrète de Washington et de ses partenaires dans le recours aux
mercenaires terroristes pour mener leurs changements de régime.
La
même chose peut être dite sur l’Ukraine, où le soutien politique de la
Russie aux séparatistes ethniques russes a empêché que le coup d’État de
Washington à Kiev en Février 2014 ne transforme le pays tout entier en
un régime marionnette des Etats-Unis.
C’est la raison pour
laquelle Washington craint la Russie sous Poutine. Il est un obstacle à
sa « domination mondiale à spectre complet », telle que prévue par les
idéologues impérialistes US suite à l’effondrement de l’Union
Soviétique.
Cependant, la Russie est plus qu’un obstacle. Dans sa
conduite d’une politique étrangère indépendante, la Russie expose les
crimes US contre le droit international et son parrainage d’état du
terrorisme. Et la Russie expose également la servilité pathétique et la
complicité des Etats européens, des médias occidentaux et des
institutions des Nations Unies pour se plier aux ambitions hégémoniques
de Washington.
La politique étrangère de la Russie est, bien sûr,
tout à fait légitime. Mais du point de vue de Washington, elle constitue
un défi intolérable à sa volonté tyrannique. À cette fin, la Russie
doit être métamorphosée en un Etat ennemi. Et les dirigeants européens
serviles adhèrent à cet ordre du jour, afin de dissimuler leur
complicité odieuse.
Il se trouve que les médias russes ont
démontré une indépendance des journalistes et des analyses critiques sur
les grands événements mondiaux, comme ce qui se passe réellement en
Syrie et en Ukraine. Le fait que les gouvernements occidentaux
soutiennent secrètement les réseaux terroristes pour mener un changement
de régime illégal n’est plus à démontrer. Si cela vous paraît exagéré
ou un « commentaire injuste », c’est uniquement parce que les médias
occidentaux se sont refusés à dénoncer les fausses revendications et
prétentions de leurs propres gouvernements. Ce qui n’est pas une raison
pour délégitimer le journalisme des médias russes. En fait, c’est ce qui
rend un tel journalisme louable.
Dire que les Etats occidentaux
sont frustrés par la Russie est un euphémisme. Ils sont livides, comme
on peut le voir à la façon dont leur entreprise criminelle de changement
de régime en Syrie a été mise en déroute. Par conséquent, les efforts
occidentaux visent à accuser la Russie de « crimes de guerre » et de la
comparer à l’Allemagne nazie [Méga Point Godwin pour l’Occident - NDT].
Combinez
cette diabolisation avec les affirmations à sensation selon lesquelles
la Russie tente de subvertir les démocraties occidentales, le climat
politique toxique devient alors propice pour des mesures de plus grande
portée.
Il s’agit là d’une logique réductionniste osée : la Russie
est un état ennemi, et les médias russes sont des outils de propagande
ennemis.
Etant donné que les législateurs européens voteront cette
semaine sur la lutte contre les médias russes, on peut supposer que la
prochaine étape logique sera l’interdiction pure et simple des chaînes
russes sur les ondes et Internet.
Mais comme a déclaré Margarita
Simonyan, rédactrice en chef de RT, à Deutsche Welle, le mouvement
draconien visant à interdire les médias russes ne fait que démontrer à
quel point les discours occidentaux sur la « liberté d’expression »
sont vides.
« C’est une interprétation plutôt intéressante des
valeurs occidentales tant vantées, en particulier sur la liberté
d’expression - qui dans le concret signifie apparemment d’attaquer une
voix de dissidence rare parmi des milliers de médias européens » a ajouté Simonyan.
Les gouvernements occidentaux sont en train d’adopter des méthodes de despote.
Incapables
de faire ce que bon leur semble, y compris de violer le droit
international et d’aller en guerre où et quand bon leur semble, ils s’en
prennent alors aux pays qui résistent, comme la Russie, au point de
désigner la Russie comme un pays ennemi, susceptible donc de faire
l’objet d’une agression militaire.
Et lorsque des médias exposent
les doubles normes et l’hypocrisie criminelle de l’Occident, ces médias
sont alors fustigés comme étant de la propagande ennemie, qui doivent
être arrêtés et interdits.
La décadence occidentale est vraiment
en train de sombrer dans le caniveau ou dans la corruption et l’absurde.
Un destin qui est le résultat de l’effondrement interne due à la
politique et au bellicisme de sa propre oligarchie. Et l’opinion
publique occidentale le comprend de mieux en mieux, avec ou sans l’aide
des Russes.
Tirer sur le messager ne modifie pas le message.
Finian CUNNINGHAM
Traduction "eh non, l’admiration de l’Occident pour les dissidents n’est plus ce qu’elle était..." par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.